13,8 milliards d’années que cet élément disparu depuis le Big-Bang attendait ce monstre de 1000 tonnes capable de filmer 15 000 images par seconde

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sPHENIX : la machine qui regarde l’Univers juste après le Big Bang.

Elle pèse 1 000 tonnes, elle tient dans un bâtiment de deux étages, et c’est probablement la caméra la plus précise du monde : sPHENIX.

Ce détecteur vient de passer un test décisif, et désormais, les physiciens sont sûrs d’une chose : il est prêt à aller traquer ce que l’univers avait de plus brûlant, de plus insaisissable, juste après le Big Bang.

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Dans les entrailles d’un accélérateur qui recrée le chaos originel avec sPHENIX

À Brookhaven, sur la côte Est des États-Unis, les scientifiques ont construit un drôle de manège pour atomes : le RHIC, un accélérateur de particules. Son principe est simple, et un brin spectaculaire. On y propulse deux noyaux d’or à une vitesse presque équivalente à celle de la lumière, puis on les fait entrer en collision frontale. Le choc est si violent qu’il brise littéralement la matière, jusqu’à libérer ses constituants les plus fondamentaux : les quarks et les gluons.

Ces particules sont les briques de tout ce qui nous entoure. Quand elles sont libérées en masse, elles forment un état de matière ultra-exotique, le plasma de quarks-gluons. Un genre de soupe incandescente, plus chaude que le cœur d’une étoile, et qui ne dure qu’une fraction de fraction de milliardième de seconde.

C’est cet instant, éphémère et infernal, que sPHENIX veut attraper au vol.

Pour la première fois dans l’Histoire, les scientifiques capturent un phénomène rarissime dans l’espace : la naissance d’une planète avec une netteté sans égale

Une caméra à 15 000 images par seconde… dans l’invisible

Ce détecteur de nouvelle génération a été installé là où les faisceaux de l’accélérateur se croisent. Chaque fois qu’un choc entre deux ions d’or a lieu, sPHENIX enregistre les éclats du choc, comme une caméra à très haute vitesse.

Jusqu’à 15 000 collisions par seconde, et pour chacune : le nombre de particules, leur trajectoire, leur énergie, leur angle de sortie. C’est un véritable scanner 3D de la matière juste avant qu’elle ne redevienne ordinaire. Autant dire qu’il faut une précision redoutable, des capteurs ultra-fins et un sacré système de traitement de données.

Tout ça pour essayer de deviner la nature exacte de ce plasma, cette soupe primitive dont sont nés les atomes, les étoiles… et nous.

Un test grandeur nature : les débris d’or brillent comme prévu

Fin 2024, l’équipe a mené un premier test réel. Pendant trois semaines, des milliers de collisions ont été analysées. Le détecteur a rempli sa fonction et fonctionne parfaitement.

Quand deux noyaux d’or se percutent de plein fouet, sPHENIX observe dix fois plus de particules, avec des énergies bien plus élevées, que lorsqu’ils se frôlent. Cette différence était attendue. Elle prouve que l’instrument mesure avec une justesse impressionnante. “C’est comme envoyer un télescope dans l’espace et recevoir une image parfaitement nette dès la première tentative”, résume Gunther Roland, physicien au MIT.

En science, ça s’appelle un “standard candle” : un repère lumineux, un test de référence. Et ici, il confirme que le détecteur est prêt pour la vraie chasse au plasma.

Le retour du plasma le plus insaisissable de l’Univers

Ce qu’on appelle le plasma de quarks-gluons, ou QGP pour les intimes, n’existe plus depuis 13,8 milliards d’années. Il a disparu très vite après le Big Bang. On ne peut pas le voir. On ne peut pas le capturer. On peut juste reconstituer son comportement à partir des traces qu’il laisse.

En clair, c’est comme observer une explosion de confettis et essayer de comprendre la bombe à eau qui vient d’éclater.

Le QGP est un fluide très étrange. Il n’a quasiment pas de viscosité, ce qui en fait l’un des liquides les plus parfaits qu’on connaisse. Il coule sans résistance, il s’organise spontanément, il se dilate à des vitesses folles. Comprendre ses propriétés, c’est remonter aux origines du cosmos.

Cela tombe bien car c’est exactement la mission de sPHENIX.

Une machine née de 25 ans de progrès technologique

Le RHIC, l’accélérateur qui abrite sPHENIX, existe depuis 1999. À l’époque, son principal détecteur s’appelait PHENIX. Mais depuis, la technologie a fait un bon de géant. sPHENIX intègre des capteurs bien plus rapides, un sous-détecteur micro-vertex conçu au MIT, et des circuits capables de gérer une avalanche de données en temps réel.

Selon Cameron Dean, post-doc à Boston, “on peut désormais repérer des phénomènes qui se produisent une fois sur un milliard de collisions. Des processus rarissimes, invisibles autrefois, et qui pourraient nous révéler comment l’énergie se diffuse dans la matière la plus dense qui existe.”

L’idée, au fond, c’est de chercher l’aiguille dans l’aiguille et sPHENIX commence tout juste à fouiller.

Grâce à la France, on en sait enfin un peu plus sur ce qui a “tué” Mars

Les données qui donnent le tournis

Caractéristique Donnée
Nom sPHENIX
Lieu Brookhaven National Laboratory, États-Unis
Poids 1 000 tonnes
Vitesse de détection 15 000 collisions analysées/seconde
Température du QGP ≈ 4 000 milliards de °C
Durée de vie du QGP ≈ 10⁻²³ seconde
Nombre de semaines de test 3
Année du test 2024
Partenaires Département américain de l’énergie, National Science Foundation

 

Source :

The sPHENIX collaboration., Abdulhamid, M.I., Acharya, U. et al. Measurement of charged hadron multiplicity in Au+Au collisions at √SNN = 200 GeV with the sPHENIX detector. J. High Energ.

Phys. 2025, 75 (2025). https://doi.org/10.1007/JHEP08(2025)075

Image :

Le détecteur sPHENIX est la toute dernière expérience du collisionneur d’ions lourds relativistes (RHIC) du Brookhaven National Laboratory. Il est conçu pour mesurer avec précision les produits des collisions de particules à grande vitesse. Cette image montre l’installation du calorimètre hadronique interne au cœur de l’aimant solénoïde supraconducteur de sPHENIX.
Crédits : Brookhaven National Laboratory

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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