Les Etats-Unis veulent mettre fin à une dépendance notamment française sur ce domaine stratégique : l’enrichissement d’uranium pour centrales nucléaires

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Les Etats-Unis ont-ils mis la main sur la clé du nucléaire infini ?

Un rêve vieux de soixante-dix ans : produire de l’électricité pendant des siècles, sans pétrole, sans gaz, sans CO₂. C’est ce qu’essaye de faire une entreprise américaine : Global Laser Enrichment, ou GLE pour les intimes.
À Wilmington, en Caroline du Nord, elle teste une machine pas comme les autres. Une machine qui utilise un laser pour séparer les isotopes de l’uranium, et transformer un minerai brut en un carburant taillé sur mesure pour les réacteurs du futur.

C’est le seul site d’enrichissement au monde qui ne soit ni public, ni subventionné par un État. Pourtant, c’est peut-être là que se joue une bonne partie de l’avenir énergétique américain et du monde, ni plus ni moins.

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Aux États-Unis, un laser trie l’uranium comme on trie les lentilles

L’uranium naturel, celui qu’on extrait dans les mines du Canada, du Niger ou du Kazakhstan, n’est pas prêt à l’emploi. Sur 1 000 atomes, 993 sont inutilisables dans un réacteur puisqu’appartenant à l’isotope U‑238. Les 7 restant appartiennent au U‑235, le seul vraiment utile pour obtenir la réaction de fission nécessaire aux réacteurs.

Depuis les années 1950, on a inventé toutes sortes de machines pour trier ces atomes. Le tri se faisait d’abord par diffusion gazeuse, puis par centrifugeuse, comme dans une machine à laver les molécules. Ces systèmes sont efficaces, mais immenses, complexes, très énergivores, et surtout, coûteux à entretenir.

Ce que propose GLE, avec le procédé australien SILEX, c’est de faire ce tri à la lumière. Ou plus exactement, au laser, avec une précision chirurgicale.

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Un laser qui excite les bons atomes

Le principe, aussi fou que simple, repose sur une propriété physique bien réelle. Lorsque l’uranium est transformé en gaz (UF₆), on peut envoyer un laser réglé pile sur la fréquence de vibration d’U-235. Ce dernier absorbe le faisceau, s’excite, devient un peu plus réactif… et hop, on peut le capter, le séparer, et le récupérer dans un autre récipient.

C’est un peu comme chauffer un seul grain de riz au micro-ondes dans un plat de lentilles. Et réussir à l’attraper sans toucher au reste.

GLE affirme que cette technique est au moins deux fois plus efficace que les centrifugeuses, et surtout, bien plus compacte. On n’a plus besoin de construire des usines de la taille d’un stade de foot, ni de consommer des mégawatts à la chaîne. En théorie, cela réduit le coût de l’enrichissement de 30 à 40 %.

Les essais menés depuis mai 2025 à Wilmington ont déjà permis de produire des centaines de kilos d’uranium faiblement enrichi, utilisables dans les réacteurs classiques. Et surtout, ils ont montré que le procédé fonctionne en conditions industrielles, pas seulement en laboratoire.

L’Amérique veut tourner la page de la dépendance

Aujourd’hui encore, une partie de l’uranium enrichi utilisé aux États-Unis vient de Russie. Entre 20 et 30 % selon les années, achetés à la société d’État Tenex. Depuis l’invasion de l’Ukraine, cette dépendance est devenue politiquement toxique. Il faut un plan B.

GLE pourrait bien en être un. L’entreprise prévoit déjà une nouvelle usine à Paducah, dans le Kentucky, pour valoriser plus de 200 000 tonnes d’uranium appauvri stockées depuis la guerre froide. Ce minerai déjà extrait, stocké depuis des décennies, contient encore 0,2 à 0,3 % de U-235. Trop pauvre pour être utilisé, trop riche pour être jeté. Avec SILEX, on pourrait le réenrichir et l’utiliser à nouveau.

L’installation devrait produire jusqu’à 6 millions de SWU (unités de travail de séparation) par an, soit de quoi alimenter jusqu’à 15 % du parc nucléaire américain. Une sorte de recyclage nucléaire géant, économique et autonome.

Un marché qui vaut des milliards… et un sacré paquet de diplomatie

Le marché mondial de l’enrichissement d’uranium pèse entre 6 et 8 milliards d’euros par an. Il est dominé par trois géants : Orano (France), Urenco (Union européenne) et Tenex (Russie). SILEX pourrait faire bouger les lignes.

Si la technologie tient ses promesses, elle pourrait séduire des exploitants de petits réacteurs modulaires, très en vogue aux États-Unis, en Corée ou au Canada. Ces SMR exigent parfois un enrichissement jusqu’à 20 %, au-delà des standards actuels. Le laser permet d’adapter finement les niveaux, sans reconfigurer toute l’usine. Un atout énorme.

Pour autant, l’enrichissement reste un sujet hypersensible. Même à 5 %, c’est un savoir-faire stratégique, surveillé de près par l’Agence internationale de l’énergie atomique. SILEX a été classée technologie à risque de prolifération dès sa découverte, ce qui explique les 15 ans de tests sous haute surveillance qui ont précédé l’annonce de GLE.

Marché mondial de l’enrichissement d’uranium pour réacteurs nucléaires :

Acteur Pays / Région Capacité estimée (millions de SWU/an) Part de marché estimée Remarques
Tenex (Rosatom) Russie 25 à 30 35 à 40 % Leader mondial ; forte dépendance de certains pays
Urenco Europe (R.-U., Allemagne, Pays-Bas) 15 à 18 20 à 25 % Multinationale européenne sous contrôle tripartite
Orano France 7,5 à 8,5 10 à 12 % Usine Georges Besse II (Tricastin)
CNNC Chine 8 à 10 10 à 12 % Capacité en forte croissance ; part encore floue
GLE (futur SILEX) États-Unis / Australie 6 (prévision) 5 à 7 % (potentiel) Projet Paducah ; en cours de validation réglementaire
Autres (Iran, Inde, Japon, Brésil…) Variable 2 à 4 3 à 5 % Capacités nationales, souvent limitées ou militaires

Points clés à retenir :

  • La Russie reste le principal fournisseur mondial, malgré les sanctions.
  • Urenco et Orano assurent une part essentielle du marché occidental.
  • La Chine développe rapidement ses capacités, mais reste peu transparente.

GLE est la seule tentative privée à grande échelle aux États-Unis, avec un fort potentiel si la technologie SILEX tient ses promesses.

La France peut s’inquiéter du brusque regain d’intérêt de son plus grand rival historique pour son “pré carré” : le nucléaire

Combien ça coûte quand on ne sait pas séparer ?

L’usure des centrifugeuses, le prix du gaz fluoré, les infrastructures colossales : tout cela coûte très cher. Un seul kilogramme d’uranium enrichi peut dépasser 80 000 euros, une fois transformé et conditionné. Chaque SWU coûte entre 100 et 150 euros, selon les cours.

À l’échelle mondiale, les pertes liées à un enrichissement inefficace, aux stocks sous-utilisés ou à la mauvaise adaptation des combustibles se chiffrent en centaines de millions d’euros par an.

Avec un procédé plus souple, plus rapide et local, GLE espère réduire cette facture énergétique et industrielle de façon drastique.

Source : https://www.silex.com.au/silex-technology/global-laser-enrichment/

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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