L’Australie parvient à “cloner” un atome dans une intrication quantique sans précédent dans l’histoire qui ouvre la voie à l’informatique du futur

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L’Australie relie deux atomes par intrication quantique.

Deux atomes, distants de vingt nanomètres, qui réagissent comme s’ils ne faisaient qu’un. C’est le tour de force réalisé par une équipe australienne à partir de simples noyaux de phosphore implantés dans du silicium. Les plus “énervés” de nos amis lecteurs vont sans doute s’offusquer du choix du terme “clone” dans le titre mais c’est tout à fait ce à quoi nous avons pensé en lisant cette étude, publiée dans Science, qui propulse la physique quantique au cœur des technologies de demain.

Il faut voir surtout que cette intrication quantique (quand deux particules partagent un même état de sorte que mesurer l’une détermine instantanément l’autre) se fait avec les matériaux et procédés déjà utilisés dans l’industrie des microprocesseurs. Autrement dit : la quantique vient de décrocher son ticket pour les chaînes de production.

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Des noyaux atomiques qui « s’appellent au téléphone »

On entend beaucoup parler dans les revus de vulgarisation scientifiques de qubits supraconducteurs (circuits électriques minuscules, refroidis à des températures proches du zéro absolu, qui exploitent les propriétés quantiques de la supraconductivité pour représenter et manipuler l’information sous forme de 0 et de 1 en même temps) ou des ions piégés (atomes chargés maintenus en lévitation par des champs électromagnétiques, dont les niveaux d’énergie quantiques servent à stocker et manipuler l’information). On parle moins souvent du spin nucléaire qui consiste à utiliser l’orientation magnétique pour également coder et traiter de l’information quantique.

Pour reprendre la métaphore du Dr Holly Stemp qui a mené cette recherche à l’UNSWon, jusqu’à présent, les noyaux étaient comme des personnes placées dans une pièce insonorisée.

Ils pouvaient se parler tant qu’ils étaient tous dans la même pièce, et les conversations étaient très claires. Il leur était en revanche impossible d’entendre quelque chose de l’extérieur de la pièce et seul un nombre limité de personnes pouvait y tenir.

L’équipe de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud (UNSW) vient de leur offrir un téléphone. Et ce téléphone, c’est l’électron !

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Des électrons qui font le lien

Dans ce dispositif, chaque atome de phosphore est piégé dans une structure de silicium (comme dans une puce électronique classique). Chacun possède un noyau (le qubit “lent”) et un électron (le qubit “rapide”). C’est justement l’électron qui sert de messager, capable de s’étendre dans l’espace pour “toucher” les deux noyaux à la fois.

Ce couplage entre deux noyaux distants, médié par des électrons, permet de réaliser une porte quantique (appelée controlled-Z) entre deux qubits distants de 20 nanomètres. À l’échelle atomique, c’est déjà un marathon.

L’expérience a permis de générer un état de Bell (état quantique intriqué de deux particules, où leurs propriétés sont parfaitement corrélées quel que soit l’éloignement entre elles) avec une fidélité de 76 % et un degré de concurrence de 0,67, des chiffres tout à fait honorables pour une première.

Pour reprendre la métaphore du Dr Holly Stemp, aujourd’hui chercheuse au MIT, avec cette manipulation des atomes, chacun peut continuer à parler dans le silence de sa pièce… tout en dialoguant avec d’autres pièces à distance.

Une approche 100 % compatible avec l’industrie

Ce qui rend cette avancée encore plus remarquable, c’est l’environnement technologique dans lequel elle a été obtenue. Aucun cryostat gigantesque, aucune technologie exotique. Tout a été réalisé dans du silicium, avec des procédés issus de la microélectronique industrielle classique.

Autrement dit, les chercheurs ont utilisé les mêmes outils que ceux qui produisent les puces de nos ordinateurs et téléphones. Cette compatibilité ouvre un boulevard à la production à grand échelle ou “scalabilité”, c’est-à-dire à la capacité de fabriquer des réseaux de qubits en grand nombre, sur des puces compactes.

Ce type de plateforme pourrait ainsi servir de base à des puces quantiques de nouvelle génération, mêlant qubits électroniques pour les opérations rapides et qubits nucléaires pour le stockage longue durée.

Une architecture robuste et extensible

Autre point fort souligné par l’équipe : la robustesse de l’approche. Deux électrons suffisent déjà à relier deux noyaux. On peut en ajouter davantage. On peut même forcer les électrons à s’étendre en ligne, pour couvrir plus de distance et connecter des dizaines de qubits nucléaires entre eux.

Cette stratégie ouvre la voie à un réseau de communication quantique interne à une puce, où chaque noyau, logé dans son coin, peut néanmoins parler à tous les autres. On sort donc du modèle rigide des chaînes linéaires de qubits, pour aller vers des architectures en réseau, plus flexibles et plus puissantes.

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Vers des microprocesseurs quantiques ?

Avec cette preuve de concept, l’idée d’un microprocesseur quantique en silicium devient soudain crédible. Une architecture pourrait être produite sur les lignes actuelles de la microélectronique.

Si elle tient ses promesses, cette technologie pourrait permettre de graver des dizaines, voire des centaines de qubits sur une même puce, avec un haut degré de contrôle, une bonne fidélité et une intégration parfaite dans les circuits existants.

Source :

Scalable entanglement of nuclear spins mediated by electron exchange (en français “Intrication extensible de spins nucléaires médiée par l’échange d’électrons”)

Holly G. Stemp

Science 389,1234-1238(2025).

DOI:10.1126/science.ady3799

Image : Représentation d’artiste de l’intrication quantique entre 2 atomes de phosphore.

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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