Une alliance qui redonne du souffle à l’industrie de défense européenne
Le 24 septembre 2025, en plein salon DSEI, entre robots quadrupèdes et canons de 155 mm, une poignée de main a eu lieu. Safran Electronics & Defense et Rheinmetall Electronics ont signé un accord-cadre, avec un objectif clair : ne plus perdre de temps quand il s’agit d’innover, produire, livrer. Finies les procédures administratives lourdes. Place à une coopération industrielle directe, agile, taillée pour les défis technologiques du XXIe siècle !
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Safran et Rheinmetall unissent leurs capteurs et leurs cerveaux électroniques
C’est un mariage technologique entre un spécialiste français de la navigation et de l’optronique, et un champion allemand du combat terrestre numérisé. Un duo bien assorti, qui vise à répondre à un besoin devenu critique : être capable de manœuvrer, viser, tirer et se coordonner même quand le GPS est brouillé, les communications saturées et l’ennemi invisible à l’œil nu.
Navigation sans GNSS, horloges atomiques, viseurs thermiques : la panoplie des batailles du futur
Concrètement, ce partenariat couvre des systèmes de plus en plus demandés sur le terrain. Des centrales inertielles autonomes pour se déplacer en zone brouillée. Des serveurs de temps synchronisés à l’atome près (comme le système VersaSync) pour que les unités dispersées parlent le même langage temporel. Et bien sûr, de l’optronique de haut vol, cette capacité à voir dans la nuit, à travers la fumée ou la chaleur, à bord d’un char, d’un drone ou d’un hélicoptère.
Rheinmetall a déjà passé commande de plusieurs systèmes à Safran, ce qui vient prouver que ce partenariat n’est pas théorique. Les ingénieurs allemands savent ce qu’ils veulent, et les Français ont déjà prouvé qu’ils savaient le livrer.
Deux géants qui pèsent lourd… et avancent vite
Le groupe Safran est l’un des trois premiers motoristes d’avions civils au monde (notamment avec les moteurs LEAP via CFM International). Il investit environ 1,7 milliard d’euros par an en R&D, dont une part croissante dans les technologies de rupture duales (civiles et militaires).
Safran Electronics & Defense représente environ 6,5 % du chiffre d’affaires total du groupe, mais une part bien plus importante de ses projets militaires en Europe, en Inde, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique. C’est cette entreprise qui développe les systèmes de navigation du Rafale, les capteurs des sous-marins Barracuda, ou encore les viseurs gyrostabilisés des blindés français.
En face, Rheinmetall Electronics, filiale du groupe Rheinmetall AG (7,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024), est le cerveau numérique de l’armée allemande. Ses simulateurs, ses tourelles téléopérées, ses ordinateurs de mission équipent aujourd’hui les véhicules Lynx, les systèmes Skyguard, ou encore les drones Luna. L’entreprise est en croissance rapide, et son carnet de commandes s’étoffe chaque mois.
ENTREPRISE | CHIFFRE D’AFFAIRES (2024) | EFFECTIFS | SPÉCIALITÉS |
---|---|---|---|
Safran Electronics & Defense | ≈ 1,6 Mds € | ≈ 10 000 | Inertiel, optronique, navigation, guerre électronique |
Groupe Safran (total) | ≈ 24,6 Mds € | > 83 000 | Aéronautique (moteurs civils/militaires), spatial, défense, avionique |
Rheinmetall Electronics | ≈ 1,2 Mds € (estim.) | ≈ 4 500 | Véhicules, capteurs, systèmes C2, simulation tactique |
Groupe Rheinmetall (total) | 7,2 Mds € | > 30 000 | Défense terrestre, munitions, blindés, automatisation |
Une coopération industrielle européenne qui réussit là où le SCAF patine
Difficile de ne pas comparer cette alliance fluide entre Safran et Rheinmetall avec le feuilleton à rebondissements du SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), censé incarner le fleuron de la coopération franco-allemande. Là où le SCAF accumule blocages politiques, tensions industrielles et querelles de leadership, notamment entre Dassault Aviation et Airbus Defence & Space, l’accord entre Safran Electronics & Defense et Rheinmetall Electronics affiche une simplicité rafraîchissante. Pas de surenchère médiatique, pas de bras de fer public, juste deux entreprises qui se font confiance et qui avancent.
Ce contraste est d’autant plus frappant que le SCAF, projet de plus de 100 milliards d’euros à horizon 2040, peine toujours à définir une gouvernance partagée, alors que des éléments techniques clés comme les capteurs, les architectures de mission ou les systèmes de guerre électronique restent contestés entre partenaires. À l’inverse, l’accord Safran–Rheinmetall cible précisément ces mêmes briques technologiques, mais dans un cadre opérationnel, réactif, et sans faux-semblants.
En clair : pendant que le SCAF discute, le partenariat Safran–Rheinmetall produit. Une leçon de pragmatisme, à méditer dans les ministères !
Source : Communiqué de presse de Safran
Photo : Le Fuchs JAGM développé récemment par Rheinmetall