Une capsule de données de 1 433 tonnes posée sur le fond marin.
1 433 tonnes. L’équivalent de 1 000 voitures posées sur le plancher océanique. C’est le poids du tout premier data center commercial sous-marin lancé par la Chine ce 8 octobre 2025 au large de la province de Hainan. Une première mondiale, tant par l’échelle que par l’ambition.
À 35 mètres de profondeur, la structure abrite 24 baies de serveurs, capables d’héberger jusqu’à 500 machines. Ces machines ne font pas que dormir sous l’eau : elles alimentent dès aujourd’hui des services bien concrets, de la recommandation de restaurants à des applications touristiques. Le projet, situé au large du comté de Lingshui, devient le tout premier déploiement commercial à grande échelle d’un centre de données immergé !
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La Chine met en service le tout premier data center sous-marin commercial au monde
Un data center (“centre de données” pour les plus francophones) classique, c’est un glouton énergétique : jusqu’à 40 % de la consommation électrique est consacrée à refroidir les serveurs. Ici, l’eau de mer fait le travail gratuitement.
Grâce à la température constante des courants marins, les ingénieurs de Shenzhen HiCloud Data Centre Technology ont conçu une capsule totalement étanche, refroidie en continu par l’océan. L’idée semble simple : on immerge, on refroidit et on économise.
Selon Pu Ding, chef de projet, cette technologie permet de réduire drastiquement les coûts d’exploitation. Moins de ventilateurs, moins de systèmes redondants, et aucun besoin de climatisation industrielle. Un coup double : efficacité énergétique et empreinte carbone réduite.
Objectif : 100 capsules d’ici 2030
Ce lancement n’est que la première pierre d’une stratégie maritime beaucoup plus vaste. Dans le cadre de son 14e plan quinquennal, Hainan prévoit la création d’un réseau de 100 capsules sous-marines.
Ces infrastructures doivent servir de colonne vertébrale numérique à l’archipel technologique que la province souhaite devenir :
- Industries marines intelligentes,
- Recherche océanographique temps réel,
- Réseaux décentralisés pour le cloud et l’IA générative,
- Et même plateformes numériques pour la robotique sous-marine.
Le projet bénéficie aussi d’une disposition législative majeure : la possibilité pour des entreprises étrangères de posséder à 100 % des infrastructures de télécoms et data centers à Hainan, Pékin, Shanghai et Shenzhen.
Une façon pour la Chine d’attirer les géants mondiaux de la tech, sur fond de guerre des données et de course à la souveraineté numérique.
Un concept testé puis abandonné par Microsoft
En 2018, Microsoft avait tenté une expérience similaire avec le “Project Natick”, en immergeant un data center au large de l’Écosse. Le module abritait 855 serveurs, fonctionnant de manière autonome pendant deux ans. Le projet a prouvé que les centres de données subaquatiques étaient techniquement viables.
Sauf qu’en 2024, Microsoft annonçait l’abandon de l’initiative, sans commercialisation à la clé.
La Chine, elle, reprend l’idée et l’intègre directement à son plan de développement économique. Ce n’est plus un prototype. C’est une infrastructure stratégique, intégrée dans la planification territoriale, le droit maritime, et les politiques d’investissement direct étranger.
Un levier pour l’économie bleue chinoise
Le centre de données immergé s’inscrit dans une dynamique plus large : le développement de la “blue economy” chinoise. Cela inclut :
- La production d’énergie marine,
- La pêche intelligente,
- Les câbles sous-marins souverains,
- Et désormais, le traitement décentralisé de la donnée sur site.
D’ici 2030, la Chine veut faire de ses zones côtières des pôles de haute technologie maritime, où le numérique, l’intelligence artificielle et la recherche scientifique convergent sous l’eau. Et le centre de Lingshui devient le point de départ de cette ambition subaquatique.
La comparaison avec l’Europe : le grand écart
Pendant que la Chine connecte ses fonds marins, l’Europe peine à boucler ses projets de data centers terrestres, plombés par les contraintes énergétiques et environnementales. Plusieurs pays, dont les Pays-Bas et l’Allemagne, imposent désormais des limites aux nouvelles installations.
La France, elle, débat encore de la place à accorder au cloud souverain (même si son énergie nucléaire a déjà attiré quelques grands noms).
En parallèle, les États-Unis viennent d’annoncer l’annulation de 223 projets d’énergie verte, dont certains devaient servir au refroidissement durable des data centers, ce qui montre un manque d’investissement de l’Oncle Sam sur le long terme à ce sujet (domaine où la Chine est particulièrement brillante, ne visant pas un retour sur investissement immédiat).
Source : People’s Daily China