Ce métal mousse peut survivre à 600 °C et 1,2 million de coups.
Un matériau capable de résister à une chaleur infernale, d’encaisser des chocs extrêmes, et… de flotter dans la main comme un morceau de polystyrène !
Voici le CMF, pour Composite Metal Foam (Mousse métallique composite en français). Un nouveau métal aux propriétés prodigieuses qui pourrait bien réécrire les règles de la résistance mécanique.
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Un métal mousse qui peut survivre à 600 °C et 1,2 million de coups
“mousse métallique”, ça sonne comme un poisson d’avril. Pourtant, c’est une vraie structure métallique.
Le CMF, ou Composite Metal Foam, est fabriqué en intégrant des sphères creuses métalliques (généralement en acier inoxydable ou en nickel) dans une matrice métallique solide, souvent de l’acier 316L. Le procédé commence par la fabrication de ces sphères, via atomisation ou formage à chaud, puis elles sont disposées dans un moule de manière densément compacte. Ce moule est ensuite rempli d’un métal fondu ou d’une poudre métallique qui est consolidée par frittage ou infiltration à haute pression et température, créant ainsi un matériau composite monobloc.
Le résultat ? Un bloc rigide, ultraléger, qui absorbe les chocs comme un amortisseur de Formule 1, tout en tenant la température d’un moteur de fusée et qui fait beaucoup saliver les industriels du monde entier.
Mis à l’épreuve jusqu’au million et demi de cycles
Les tests en laboratoire ont prouvé que cette mousse résiste aux pires traitements. Les échantillons ont été soumis à des cycles de compression répétés comme si on leur marchait dessus mécaniquement, sans arrêt, à plusieurs centaines de degrés. À 400 °C, le CMF a tenu plus de 1,3 million de cycles sans faiblir. À 600 °C, il en a encaissé 1,2 million. À ces niveaux, l’acier “classique” commence à s’adoucir, à se tordre mais pas le CMF.
Ce qui fascine les chercheurs, c’est le comportement de la mousse en fatigue thermique : au lieu de se fissurer de manière brutale, elle accumule progressivement de la déformation, puis se stabilise pendant des centaines de milliers de cycles, avant une rupture nette.
Un métal qui plie mais ne rompt pas comme dirait Jean de La Fontaine !
Une mécanique interne digne d’un feuilleton moléculaire
Pour comprendre ce comportement, les chercheurs ont sorti l’artillerie lourde : microscopie électronique, analyses métallurgiques, observation des dislocations internes…
À 400 °C, un phénomène appelé “Dynamic Strain Aging” (vieillissement dynamique par déformation) entre en scène. Il agit un peu comme un système de verrouillage temporaire au sein du matériau, qui renforce sa structure pendant qu’on le sollicite. Une sorte de réaction d’autodéfense mécanique.
À 600 °C, c’est plus compliqué : l’oxydation commence à fragiliser l’ensemble, mais d’autres mécanismes, comme le jumelage cristallin, viennent soutenir la structure. Ce comportement “à étages” explique pourquoi la mousse peut rester stable sur de longues phases, même en étant malmenée à chaud.
Des applications concrètes en vue
Ce matériau est sérieusement envisagé pour des composants de réacteurs nucléaires, comme les gainages de combustibles, les tubes qui doivent contenir des pastilles radioactives dans des conditions de chaleur et de pression extrêmes.
On pense aussi aux moteurs à turbine, aux pièces d’avion, ou même à des conteneurs de transport pour matières dangereuses, où la résistance au choc et à la chaleur est vitale. En résumé : tout ce qui chauffe, vibre, tape fort et ne doit jamais casser.
D’autres super-métaux à l’étude
Le CMF n’est pas seul dans la course. D’autres laboratoires, ailleurs dans le monde, travaillent eux aussi sur des matériaux métalliques extraordinaires, chacun avec ses superpouvoirs :
- En Californie, des chercheurs de Caltech ont conçu un verre métallique amorphe, aussi dur que du saphir, mais capable d’absorber des chocs mécaniques sans casser.
- À Osaka, au Japon, un alliage aluminium-scandium ultraléger pourrait alléger les avions de demain sans rogner sur la résistance.
- En Allemagne, au Max Planck Institute, les alliages à haute entropie (HEA) combinent cinq métaux différents dans un mélange extrêmement stable, pensé pour les turbines ou les réacteurs.
- Enfin, les MXenes mis au point en Chine à l’université de Tianjin, sont des métaux 2D capables de conduire la chaleur ou l’électricité mieux que le cuivre, tout en résistant à la corrosion.
Un marché des matériaux avancés en plein boom
Le marché des mousses métalliques est encore modeste aujourd’hui à environ 610 millions d’euros en 2024, mais il pourrait presque doubler d’ici 2033 pour atteindre environ 1,13 milliard d’euros. Ces chiffres peuvent paraître faibles au regard des marchés de l’acier ou de l’aluminium classiques, mais ils témoignent déjà d’un intérêt industriel grandissant. Parallèlement, le marché global des matériaux avancés (composites, alliages innovants, nanomatériaux) est estimé à environ 69 milliards d’euros en 2025, avec une projection à près de 119 milliards d’euros d’ici 2034.
Les matériaux comme le CMF ou les alliages HEA devraient progressivement s’intégrer dans ce marché en plein boom dès lors qu’ils auront passé la barrière de la scalabilité (passage à l’échelle pour les plus francophones).
Quelques exemples de matériaux avancés
Matériau | Origine | Température max | Atouts | Applications visées |
---|---|---|---|---|
CMF (Composite Metal Foam) | Caroline du Nord (USA) | 600 °C | Ultra résistant aux chocs et à la fatigue thermique | Nucléaire, moteurs, blindage léger |
Verre métallique | Caltech (USA) | 550 °C | Dureté record, lisse, inaltérable | Composants électroniques, biomédecine |
Al-Sc (Aluminium-scandium) | Université d’Osaka (Japon) | 300 °C | Léger, résistant, stable | Aéronautique, spatial |
HEA (Alliage à haute entropie) | Max Planck Institute (Allemagne) | 900+ °C | Incassable à chaud, anticorrosion | Fours, réacteurs, turbomachines |
MXenes (Ti₃C₂) | Université de Tianjin (Chine) | 500 °C | Conducteurs, fins, résistants | Batteries, capteurs extrêmes |
Sources :
Performance of composite metal foams under cyclic loading at elevated temperatures (en français : “Performance des mousses métalliques composites sous chargement cyclique à haute température”)
Chacko, Z., Lucier, G. & Rabiei, A.
J Mater Sci (2025). https://doi.org/10.1007/s10853-025-11516-y
Données économiques :
Verified Market Reports – Metallic Foam Market 2024–2033
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Estimation du marché mondial des mousses métalliques :650 M$ en 2024, projection 1,2 Md$ en 2033, avec un taux de croissance annuel de 7,5 %.
Precedence Research – Advanced Materials Market Size, Trends (2024–2034)
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Marché global des matériaux avancés : 73,6 Md$ en 2025, avec une projection à 127,3 Md$ en 2034 (CAGR : 6,3 %)
Image : Composite metal foam (CMF) – Crédit : North Carolina State University