Les eaux du Pacifique Nord, près du Japon et de la Russie, abritent plusieurs groupes distincts d’orques. Malgré leur proximité géographique, ces groupes ne se mélangent pas, ne cherchent pas la même nourriture, ne parlent pas le même dialecte et ne s’accouplent pas entre eux. Comment est-ce possible pour des créatures appartenant à la même espèce ?
Un mystère dévoilé sur les Orques du Pacifique Nord
Des études récentes ont mis en lumière un phénomène fascinant concernant les orques, ou baleines tueuses, dans le détroit de Nemuro, situé entre l’île de Kunashir et Hokkaido. Ces recherches suggèrent que cette région aurait servi d’abris pour ces majestueux mammifères marins depuis la dernière période glaciaire jusqu’à nos jours.
Les refuges glaciaires : Des havres de biodiversité
Pendant les périodes glaciaires, de nombreuses espèces ont dû déplacer leurs habitats vers des régions plus chaudes, créant ainsi des “refuges glaciaires”. Ces zones préservent une diversité génétique plus élevée que les régions colonisées après la fonte des glaciers. En effet les orques vivant près du détroit de Nemuro au Japon sont les descendants d’orques qui s’y sont établit il y a près de 20 000 ans.
La culture des orques : Plus qu’un simple cri
Les orques sont parmi les rares animaux non humains à posséder une culture mesurable et traçable, notamment à travers leurs dialectes vocaux. Ces dialectes, qui changent plus rapidement que les gènes, peuvent révéler des informations précieuses sur l’histoire et la migration de ces créatures. Le répertoire vocal des orques du détroit de Nemuro au Japon est très différent de celui des orques vivant plus au nord, près de la Kamtchatka.
Des découvertes génétiques révélatrices
Jusqu’à présent, seulement trois écotypes dans le Pacifique Nord ont été découvert, tandis que dans l’hémisphère sud, quatre ou cinq ont été décrits. Cependant, dans le détroit de Nemuro, deux nouveaux écotypes ont été découverts, suggérant une diversité génétique remontant à avant la dernière période glaciaire.
Des vocalisations uniques
Outre les preuves génétiques, les vocalisations des orques du détroit de Nemuro se distinguent nettement de celles de leurs homologues plus au nord. Certains appels, notamment ceux à composante haute fréquence, n’ont jamais été signalés ailleurs.
Les implications climatiques
Pendant la dernière période glaciaire, d’importantes zones du Pacifique Nord étaient recouvertes de glace. Les orques, évitant généralement la glace, auraient pu se réfugier soit vers les îles Aléoutiennes, soit vers le sud, au Japon. Les données actuelles soutiennent l’hypothèse d’un refuge au Japon.
Conséquences pour la conservation
Comprendre les mouvements et les migrations des orques après la période glaciaire est essentiel pour préserver leur diversité génétique et culturelle. Avec le changement climatique actuel, ces informations pourraient aider à prévoir les futurs changements dans la distribution et la structure des populations d’orques.
Conclusion : La culture et la génétique main dans la main
L’étude des orques offre une perspective unique sur l’interaction entre la culture et la génétique. Tout comme les humains ont leurs propres dialectes et traditions, les orques ont leurs propres “langues” et comportements, façonnés par des millénaires d’évolution et d’adaptation. En préservant ces créatures magnifiques, nous préservons également un morceau d’histoire vivante de notre planète.
Pour en savoir plus sur l’étude :
Filatova, O. A., Fedutin, I. D., Borisova, E. A., Meschersky, I. G., & Hoyt, E. (2023).
Genetic and cultural evidence suggests a refugium for killer whales off Japan during the Last Glacial
Maximum. Marine Mammal Science, 1–11. https://doi.org/10.1111/mms.13046