La Chine dévoile le monde de demain avec une innovation qui va permettre de produire ce nouveau carburant à partir d’eau du robinet

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Et si on produisait de l’hydrogène avec l’eau du robinet ?

Quand on parle d’hydrogène “vert”, on imagine une énergie propre, produite grâce à l’électrolyse de l’eau alimentée par du solaire ou de l’éolien. Le hic, c’est que les électrolyseurs, en particulier ceux à membrane échangeuse de protons (en anglais proton exchange membrane ou PEM), sont de véritables divas : ils n’acceptent que de l’eau ultrapure sinon, c’est la panne assurée !
Des chercheurs chinois viennent pourtant de contourner ce problème avec une idée aussi simple qu’efficace : rendre l’eau sale compatible.

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Un électrolyseur PEM, c’est un peu comme une cafetière à pression très capricieuse. Il ne tolère ni le calcaire, ni les impuretés, ni même les minéraux anodins que contient l’eau du robinet. En cause, la membrane polymère, qui ne laisse passer que les protons (H⁺) pour produire de l’hydrogène pur. Dès qu’un ion de calcium ou un petit résidu métallique s’y aventure, c’est l’embolie : la membrane se dégrade, la réaction ralentit, les performances chutent.

Résultat : pour produire 1 kilo d’hydrogène pur, il faut environ 9 litres d’eau… mais pas n’importe laquelle. Une eau distillée, déminéralisée, et parfaitement filtrée, ce qui implique des coûts importants de traitement et d’entretien. Dans les pays où l’eau est précieuse, on comprend vite la limite du modèle.

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L’astuce chinoise : une acide dans la cathode

Des équipes de l’université de Tianjin et d’autres instituts ont imaginé une approche astucieuse : modifier localement le pH à l’intérieur de l’électrolyseur. Leur idée repose sur l’ajout d’un oxyde métallique acide, du trioxyde de molybdène partiellement réduit, noté MoO₃-x, directement dans l’électrode. Ce matériau, intégré à la cathode composée de platine et de carbone, agit comme un catalyseur. Il libère des protons H⁺ localement, créant un microenvironnement acide autour de l’électrode, même si l’eau globale est neutre ou légèrement basique.

Ce mécanisme astucieux permet au système de tolérer des impuretés qui, autrement, détruiraient la membrane. Un peu comme si on soignait une plante fragile en modifiant uniquement la composition de la terre juste autour des racines, sans avoir à filtrer toute l’eau d’arrosage.

Une performance qui tient la route

Les chercheurs ont testé leur électrolyseur “tolérant à l’eau sale” dans des conditions réalistes. En utilisant de l’eau du robinet standard, ils ont maintenu une densité de courant de 1 ampère par centimètre carré pendant plus de 3 000 heures, soit 125 jours sans interruption.

Le tout sans perte notable d’efficacité, ni signes de dégradation. Et surtout : avec des performances comparables aux meilleurs électrolyseurs PEM fonctionnant avec de l’eau ultrapure.

Une véritable révolution pour un système longtemps limité à des environnements stériles et coûteux. Car produire de l’hydrogène à partir de sources d’eau ordinaires, c’est ouvrir la porte à une démocratisation massive de cette technologie.

Pourquoi ce changement est décisif

L’électrolyse est un procédé connu depuis le XIXe siècle. Pourtant, ce n’est que depuis peu qu’on tente de l’exploiter à grande échelle pour produire de l’hydrogène à bas carbone. Jusqu’ici, le principal obstacle était économique et logistique : construire une usine d’électrolyse, c’est aussi bâtir une usine de traitement de l’eau, avec filtres, membranes, et équipements de haute technologie.

Ce que propose l’équipe chinoise, c’est de simplifier le dispositif, et donc de réduire les coûts :

  • moins de filtration de l’eau en amont
  • moins d’entretien des membranes
  • moins de consommation d’énergie pour le traitement de l’eau
  • moins de production de déchets chimiques issus de la purification

Autrement dit : un système plus robuste, plus simple, plus économique, et qui peut s’implanter là où les ressources sont limitées, que ce soit en zone aride ou sur des navires autonomes.

Une électrochimie bien surveillée

Ce genre de percée repose sur une surveillance méticuleuse. Pour vérifier que le pH local restait bien acide sans détruire la membrane, les chercheurs ont utilisé des techniques de pointe, dont des microélectrodes de pH couplées à la microscopie électrochimique. Ces outils ont permis d’observer en temps réel la formation des zones acides et la bonne tenue du catalyseur.

Un peu comme ausculter une réaction chimique au microscope, pour être sûr que l’équilibre fragile entre réactivité et stabilité est bien respecté.

Car si le système devait produire trop d’acidité, il risquerait d’endommager la structure du catalyseur ou de générer des réactions secondaires. Il a donc fallu trouver un juste milieu entre acidité localisée et durabilité globale.

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Un marché en plein boom pour l’hydrogène vert

Le marché mondial de l’hydrogène dit “vert” est estimé à 1,3 milliard d’euros en 2025, et pourrait atteindre près de 17,8 milliards d’euros d’ici 2032, selon une analyse publiée en avril 2025 par le cabinet Meticulous Research.

Soit une croissance moyenne annuelle de 45,6 %, un rythme que peu d’industries énergétiques peuvent aujourd’hui revendiquer. Ce coup d’accélérateur est tiré par plusieurs leviers :

  • La montée en puissance des véhicules électriques à pile à combustible, qui ont besoin d’un hydrogène très pur pour alimenter leurs moteurs sans émissions.
  • La demande croissante de l’industrie chimique, pour la production d’ammoniac ou de méthanol.
  • Les politiques publiques de plus en plus strictes, qui visent la neutralité carbone à l’horizon 2050, et poussent à remplacer l’hydrogène fossile par sa version “propre”.

À ce rythme, l’hydrogène pourrait bientôt sortir de son statut de niche pour devenir un pilier énergétique mondial.

Le passage à une production par électrolyse à l’eau serait donc un tournant majeur, à condition d’en réduire les coûts et la complexité. Ce que propose cette avancée chinoise, c’est d’ôter une barrière technique majeure : la contrainte de pureté extrême de l’eau.

Et ce n’est pas rien, quand on sait que chaque kilogramme d’hydrogène produit consomme 9 litres d’eau, soit 9 tonnes pour 1 tonne d’H₂. À l’échelle industrielle, la facture en traitement de l’eau peut dépasser 10 à 15 % des coûts totaux, selon les régions.

Sources :

Etude chinoise :

Wang, R., Yang, Y., Guo, J. et al. Cathode catalyst layers modified with Brønsted acid oxides to improve proton exchange membrane electrolysers for impure water splitting. Nat Energy (2025). https://doi.org/10.1038/s41560-025-01787-9

Chiffres marché de l’énergie : https://www.meticulousresearch.com/product/hydrogen-market-5808

Image (retouchée avec Canva) : Équipement pour l’électrolyse en laboratoire de chimie. Réactifs et dispositif d’alimentation en courant sur table de laboratoire pour les expériences. Assemblage et diverses fioles coniques et tubes à essai à l’intérieur (Freepik)

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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