Une équipe taïwanaise transforme les vibrations du quotidien en électricité grâce à un système auto-ajustable.
Sous nos pieds, dans les murs, sur les ponts et même dans les couloirs d’un hôpital, les vibrations sont partout. Le passage d’une rame de métro, les pas des piétons, le roulement d’un camion sur un viaduc, tout cela génère des micro-secousses invisibles… mais pleines de potentiel pour qui sait quoi en faire !
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Des vibrations à l’électricité : la voie piézoélectrique
Depuis plusieurs années, des chercheurs s’intéressent à ces mouvements ambiants pour les convertir en énergie électrique. La technique repose sur des matériaux dits piézoélectriques : quand on les plie, ils produisent un courant. Un peu comme si une règle plastique se mettait à charger un téléphone lorsqu’on la tord.
Problème : les dispositifs actuels fonctionnent bien à une seule fréquence. Dès que l’environnement change, qu’il y a plus ou moins de vibrations, leur rendement s’effondre. Imaginez une radio bloquée sur une station alors que la fréquence ne cesse de bouger.
Un design à « mode étiré » pour suivre le rythme
C’est là qu’intervient une équipe de l’Université nationale de Taïwan, dirigée par le professeur Wei-Jiun Su. Leur invention ? Un harvesteur auto-ajustable, capable de s’accorder automatiquement aux vibrations environnantes.
Plutôt que de plier un matériau comme une petite planche, leur prototype utilise une fine membrane de PVDF tendue comme une peau de tambour. Cette surface, appelée mode étiré, se déforme uniformément, permettant à toute la matière d’entrer en action. Résultat : plus d’électricité produite sur un spectre plus large.
Un poids coulissant comme accordeur automatique
Le cœur du système, c’est un petit poids mobile monté sur la structure. Il glisse vers l’extérieur quand les vibrations deviennent plus fortes, ce qui abaisse la fréquence naturelle du dispositif. Lorsque les secousses diminuent, il revient au centre, augmentant cette fréquence.
C’est un système de rétroaction purement mécanique, sans électronique ni moteur. Le harvester s’adapte en temps réel à son environnement, comme un musicien qui accorde instinctivement son instrument pendant un concert.
Ce mécanisme rend le dispositif autonome et capable de fonctionner dans des environnements imprévisibles, comme une rue embouteillée ou un bâtiment en construction.
Des résultats impressionnants à taille miniature
Lors des essais contrôlés, l’équipe a mesuré une tension de sortie atteignant près de 29 volts. Pour un objet de la taille d’un galet, c’est remarquable.
Le prototype a produit presque deux fois plus d’énergie qu’un capteur piézoélectrique classique, et cela sur une plage de fréquences deux fois plus large. Encore plus intéressant : l’appareil a démontré sa capacité à passer d’un état vibratoire faible à intense sans perdre sa capacité d’adaptation.
En ville, les vibrations varient sans arrêt. Le vent, le trafic, la météo, les heures de pointe : tout cela crée une cacophonie mécanique que les systèmes rigides ont du mal à suivre. Ce nouveau design auto-ajustable résout ce problème en s’accordant automatiquement, gardant ainsi une production électrique stable.
Des capteurs autonomes, sans fil ni pile
Pour le professeur Su, ce type de technologie ouvre la voie à des dispositifs autoalimentés, sans maintenance. Pensez à des capteurs environnementaux, des systèmes portables, ou même des implants médicaux fonctionnant en continu, sans batterie ni recharge.
Le harvester pourrait alimenter des objets connectés là où aucune source d’énergie conventionnelle n’est disponible, comme sous un pont, dans une chaussée ou dans un mur d’immeuble. La promesse est simple : récolter ce que l’on perdait jusqu’ici, à l’échelle du micro-mouvement.
Source : Liang-Wei Tseng et al, Theoretical and experimental study on a self-tuning stretch-mode piezoelectric energy harvester, Energy Conversion and Management (2025). DOI: 10.1016/j.enconman.2025.120172
Image : Forme d’onde de lecteur de musique numérique, hud pour la technologie sonore ou barre de syntonisation (Freepik)