Les Etats-Unis et l’Australie trouvent une solution à 147 milliards d’euros au plus gros problème posé par l’informatique quantique : son besoin de froid extrême

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Un polymère promet des qubits à température ambiante

Et si l’avenir de l’informatique quantique ne se jouait pas dans le froid glacial d’un réfrigérateur à dilution, mais dans un simple film plastique posé sur un circuit ? Une équipe américano-australienne vient de faire vaciller l’un des dogmes les plus enracinés de la physique quantique appliquée : la nécessité du froid extrême.

Leur trouvaille consiste en un polymère conjugué, autrement dit une longue chaîne de molécules conductrices, capable de maintenir la cohérence quantique à température ambiante. Une petite révolution en matière de matériaux quantiques, publiée dans Advanced Materials.

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Depuis les débuts de l’informatique quantique, on accepte comme une fatalité que les qubits (bits quantiques qui peuvent être 0 et 1 en même temps) ne survivent que dans des conditions extrêmes : -273 °C, champ magnétique contrôlé, isolation parfaite.

Même les diamants, pourtant champions de stabilité quantique à température ambiante, doivent souvent être dopés, purifiés, taillés et placés dans des environnements très spécifiques. Bref, rien de vraiment pratique pour un usage à grande échelle.

Le nouveau polymère mis au point par le Georgia Institute of Technology et l’Université d’Alabama propose un raccourci inattendu : un matériau organique, flexible, modifiable, et pourtant capable de se comporter comme un qubit stable en plein air.

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Chimie fine, spins bien alignés

Les chercheurs ont conçu une chaîne moléculaire à base de deux briques chimiques complémentaires : un donneur (le dithienosilole) et un accepteur (la thiadiazoloquinoxaline). Ces blocs permettent aux électrons célibataires, porteurs de spin quantique, de circuler sans trop s’agiter.

Un atome de silicium a été inséré dans l’unité donneuse pour induire une torsion dans la chaîne. Cette torsion évite aux polymères de s’empiler trop étroitement, ce qui provoquerait des interactions destructrices entre spins. Mieux encore : de longues chaînes hydrocarbonées ont été ajoutées en périphérie pour empêcher les amas, faciliter la solubilité et préserver la cohérence électronique.

Ce travail d’orfèvre moléculaire donne un polymère processable, imprimable, et surtout quantique.

Du labo au circuit imprimé

Ce polymère fonctionne comme semi-conducteur de type p, se dépose en films minces, et supporte une utilisation répétée sans se dégrader. On peut donc l’imaginer intégré à des dispositifs électroniques classiques, apportant une couche quantique à des composants traditionnels.

Mieux : charge et spin coexistent dans la même molécule, ouvrant la voie à des dispositifs hybrides capables à la fois de traiter de l’information et de la stocker sous forme quantique.

Une source équivalente à 50 000 fois tous les besoins énergétiques de l’homme bientôt à portée de main des Américains grâce à ce laser : un gyrotron

Des promesses, des limites, et beaucoup d’espoir

Tout n’est pas encore gagné. Les temps de cohérence restent trop courts pour de l’informatique quantique à grande échelle, même si l’utilisation en capteurs, en mémoires quantiques locales ou en dispositifs de spintronique paraît déjà envisageable.

Les chercheurs comptent désormais optimiser la structure, tester d’autres paires donneur/accepteur, et explorer des architectures de circuits où ces polymères pourraient être combinés à des transistors classiques.

Un marché milliardaire dans le viseur des américains et des australiens

La perspective de qubits fonctionnant à température ambiante n’est pas seulement un exploit scientifique, c’est aussi un signal puissant envoyé à toute l’industrie. Car le marché quantique mondial (informatique + capteur + Communication) pourrait atteindre entre 70 et 173 milliards de dollars (soit entre 59 et 147 milliards d’euros), selon les estimations de McKinsey.
En s’affranchissant des contraintes cryogéniques, ces polymères ouvrent la voie à une miniaturisation radicale des architectures, à une intégration dans des appareils portables et à une démocratisation des usages quantiques au-delà des grands centres de calcul. Cloud computing, finance, cybersécurité, modélisation moléculaire, intelligence artificielle… autant de secteurs qui pourraient basculer dès lors que les composants quantiques deviendront aussi faciles à manipuler que des circuits CMOS traditionnels. À ce stade, on ne parle plus seulement de science fondamentale, mais de compétition industrielle mondiale.

Sources

Etude sur le Polymère :

Solid-State Quantum Coherence From a High-Spin Donor–Acceptor Conjugated Polymer (en français : “Cohérence quantique à l’état solide à partir d’un polymère conjugué donneur–accepteur à haut spin”)

Alexander J. Bushnell, Tanya A. Balandin, Paramasivam Mahalingam, Chih-Ting Liu, Michael K. Bowman, Jason D. Azoulay

Publié le 06 Septembre 2025

https://doi.org/10.1002/adma.202501884

Chiffres sur le marché quantique :

Quantum Technology Monitor, Avril 2024 (p28)

https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/business%20functions/mckinsey%20digital/our%20insights/steady%20progress%20in%20approaching%20the%20quantum%20advantage/quantum-technology-monitor-april-2024.pdf

Image : Un zoom sur une plaquette de puces d’ordinateur quantique (D-Wave).

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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