RTE et Nexans font du recyclage sous haute tension.
RTE et Nexans ont fait il y a quelques semaines une annonce fracassante avec un communiqué de presse relatif à la création d’une filière industrielle inédite de recyclage d’aluminium dédiée aux câbles du réseau électrique français.
Une boucle fermée inédite en Europe, des tonnes de CO₂ économisées, et une industrie électrique plus vertueuse… Ce projet pourrait bien redessiner l’avenir de l’électrification en Europe.
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Une filière 100 % européenne pour le recyclage des câbles électriques en câbles à haute tension
Dans les coulisses de la transition énergétique, un élément technique attire rarement l’attention : le câble. Pourtant, il est le nerf de la guerre électrique. Pour la première fois en France et en Europe, les câbles haute et très haute tension démontés du réseau RTE vont être recyclés, transformés, puis réutilisés… sur les mêmes lignes.
Nexans récupérera près de 1 000 tonnes de câbles par an, dont 600 tonnes d’aluminium seront extraites, fondues et refondues dans une filière totalement intégrée. Le tout sera centralisé sur le site Recycâbles de Noyelles-Godault, dans le Pas-de-Calais, avant d’être retransformé en « fil machine » en France, puis en câble prêt à l’emploi dans l’usine belge d’Elouges.
Moins de carbone, plus de circularité
Le gain environnemental est direct : au moins 400 tonnes de CO₂e évitées chaque année. Et jusqu’à 1 400 tonnes si l’on compare ce processus vertueux avec une production dans les pays les plus émetteurs. Car produire de l’aluminium primaire est très énergivore et émetteur de CO² : jusqu’à 15,1 tonnes de CO₂ par tonne d’aluminium. Le recyclage, lui, plafonne à 0,52 tonne.
Au-delà du carbone, cette filière inaugure une nouvelle logique industrielle : la boucle fermée. Ce qui est démonté est réutilisé, pour le même usage, dans un circuit court et traçable. Un objectif déjà partiellement atteint : en 2025, 10 % de l’aluminium utilisé dans les câbles haute tension de RTE est recyclé. L’ambition est claire : atteindre 30 % d’ici 2040.
Une expérimentation transformée en modèle industriel
Tout a commencé en 2023 avec une expérimentation du RTE (Réseau de transport d’électricité) dans le Maine-et-Loire et en Corrèze. Les résultat attendus : performances mécaniques, électriques et environnementales étant au rendez-vous, c’est donc toute une filière qui est structurée, avec Nexans en chef d’orchestre qui est désormais en préparation pour faire passer l’essai au rang de standard.
Une stratégie alignée avec le SDDR 2025
Cette initiative s’inscrit dans le Schéma de Développement du Réseau (SDDR 2025) présenté par RTE en février dernier. Objectif : sécuriser l’approvisionnement en matériaux critiques en Europe et diminuer l’empreinte carbone des opérations. À l’heure où la demande explose, le recyclage devient une solution crédible et indispensable.
Derrière cette stratégie, une ambition politique affirmée : ancrer l’industrie électrique européenne dans une économie circulaire, où chaque composant est pensé pour être démonté, trié et réutilisé. Un signal fort, à l’heure où les tensions sur les matières premières s’accumulent.
Un projet au service de toute la filière
Ce nouveau cycle industriel ne servira pas que RTE. Les câbles produits par Nexans profiteront aussi à ses autres clients en Europe. L’initiative crée un précédent : celui d’une filière mutualisée, où les bénéfices environnementaux, économiques et industriels sont partagés à l’échelle du continent.
Envolée du marché européen des câbles haute tension
En 2023, le marché européen des fils et câbles représentait environ 43,6 milliards d’euros, et les prévisions tablent sur 56,3 milliards d’euros d’ici 2030. Sur ce total, les câbles haute tension captent une part croissante, portés par les projets d’interconnexions transfrontalières, les raccordements offshore et la modernisation des réseaux nationaux. Leur croissance annuelle est estimée à 4,8 %, avec un pic dans les pays du Nord et les Balkans. À l’échelle mondiale, ce segment pourrait bondir de 27,9 milliards d’euros en 2025 à plus de 82 milliards d’euros en 2035. L’Europe, avec ses ambitions de neutralité carbone et ses fonds de relance, se positionne au cœur de cette dynamique, avec des industriels comme Nexans, Prysmian ou NKT qui triplent leurs capacités de production.
La France en chef de proue du recyclage des câbles haute tension ?
À ce jour, la France fait figure d’exception en Europe comme dans le monde, avec une filière complète de recyclage en boucle fermée pour les câbles à haute et très haute tension. Là où ses voisins européens peinent à structurer un écosystème équivalent : l’Allemagne externalisant, les Pays-Bas sous-traitant, la Belgique hébergeant une partie de la production mais sans traitement local, et les pays nordiques encore peu engagés, l’Hexagone démontre une maîtrise totale de la chaîne : démontage, tri, broyage, refabrication et réinstallation sur son propre réseau, le tout avec traçabilité et réduction carbone intégrée.
À l’échelle mondiale, cette performance reste sans équivalent. Aux États-Unis, les infrastructures sont fragmentées et peu adaptées au secteur énergétique. En Chine, le recyclage est massif mais générique, sans logique de circularité pour les réseaux. Le Japon et la Corée du Sud privilégient quant à eux des solutions de valorisation énergétique plutôt que de réutilisation matière.
Dans ce paysage, la filière française portée par RTE et Nexans incarne ainsi un modèle industriel pionnier, traçable, décarboné et potentiellement exportable à l’heure où la planète s’engage dans la refonte de ses infrastructures électriques.
Sources :
- Croissance marché européen du câble électrique : https://www.grandviewresearch.com/horizon/outlook/wires-and-cables-market/europe
- Communiqué de presse de Nexans