À Jeumont, Framatome relance une machine stratégique au cœur de la défense nucléaire française.
Dans les ateliers du Nord, les rotors tournent à nouveau pour la défense. Framatome et le CEA viennent d’inaugurer une nouvelle ligne d’activité dédiée à la propulsion nucléaire militaire. La France semble vouloir remettre les mains dans le cambouis pour assurer sa souveraineté dans ce domaine particulièrement stratégique.
Lire aussi :
- Un des plus vieux débats sur le nucléaire vient de trouver enfin une réponse tranchée ! Non les microcavités du graphite ne nuisent pas aux réacteurs
- Vous n’aurez pas de meilleure nouvelle pour votre portefeuille aujourd’hui : le nucléaire français devrait garantir des prix de l’électricité stables jusqu’en 2028
Le site historique de Jeumont transformé en bastion de la souveraineté nucléaire par Framatome
C’est au cœur de Jeumont, ville ouvrière et pilier de l’acier et l’électrotechnique, que Framatome a tenu a ouvrir cette nouvelle chaîne de production exclusivement dédiée aux composants de propulsion des sous-marins et du futur porte-avions français. Une première depuis des décennies. On y testera, ajustera et fabriquera des pompes primaires et composants critiques pour chaufferies nucléaires, à la main parfois et au micron près.
Des investissements lourds pour un outil d’exception
Tout a commencé en 2022 avec un chantier d’investissement massif pour doter Jeumont d’équipements de dernière génération, capables de produire à la fois en précision et en sécurité. Tours à commande numérique, bancs d’essai thermohydrauliques, chambres d’assemblage confinées… Tout a été repensé pour répondre aux exigences extrêmes de la propulsion navale nucléaire. Et en parallèle, une montée en compétence des équipes, avec des formations sur mesure, parfois en lien direct avec le CEA ou la DGA. Pas de machines sans cerveaux.
Une chaîne au service de la dissuasion, du fond des océans à la surface
Le directeur des applications militaires du CEA, Jérôme Demoment a déclaré sans détour : « Le soutien du CEA à l’atteinte des exigences élevées et spécifiques de la propulsion nucléaire s’exprime aujourd’hui encore, avec cette ligne d’activité défense, dont l’objectif premier est de pouvoir fabriquer, assembler, essayer, régler, mettre au point, dans de meilleures conditions ces composants complexes et spécifiques. […] Ce savoir-faire construit avec le soutien constant de l’Etat est le fruit du travail collectif des ingénieurs, techniciens, et opérateurs de Framatome de Jeumont, d’hier et d’aujourd’hui. Vous devez en être fiers ! »
Toute la dissuasion nucléaire française passera en effet par cette usine qui en assurera des composants essentiels.
Une filière duale, entre civil nucléaire et propulsion militaire
Framatome n’est pas “tout à fait la première venue” puisque l’entreprise alimente les réacteurs civils du monde entier avec ses combustibles, générateurs de vapeur et solutions de contrôle-commande. À travers sa division Framatome Defense, elle cultive de plus depuis des années un double savoir-faire civil et militaire.
Une dualité exigeante, qui impose la plus haute fiabilité possible. À Jeumont, cette expertise prend un nouveau virage : le nucléaire militaire ne sera plus une activité résiduelle. C’est un pilier assumé de la stratégie industrielle française.
Quatuor gagnant : Framatome, CEA, TechnicAtome et Naval Group
Dans cette aventure industrielle, Jeumont Electric joue aussi sa partition. Filiale de Framatome et Naval Group, elle fournit les moteurs électriques et assure le soutien des systèmes propulsifs des flottes françaises. Le site de Jeumont, en cumulant les forces de ces partenaires, devient un hub stratégique pour la propulsion navale française. Ce partenariat tripartite entre industrie, recherche et forces armées est la colonne vertébrale de la dissuasion française… et de sa continuité technologique dans les décennies à venir.
Une relance industrielle dans un paysage mondial sous tension
Cette inauguration arrive dans un contexte mondial où le contrôle des chaînes de production critiques est redevenu une priorité géopolitique. Tandis que les grandes puissances réarment, la France répond avec des gestes concrets.
Jeumont, loin de Paris, devient le symbole d’un réarmement industriel raisonné, basé sur la compétence, l’anticipation, et le refus de dépendre d’autrui.
Programme | Type d’unité | Composants produits à Jeumont | Partenaires industriels | Statut |
---|---|---|---|---|
SNLE 3G (Sous-marin nucléaire lanceur d’engins de 3e génération) | Sous-marin stratégique | Pompes primaires, équipements du circuit de propulsion nucléaire | Naval Group, CEA, TechnicAtome, Framatome | En développement (livraisons à partir de 2035) |
PANG (Porte-avions nouvelle génération) | Porte-avions nucléaire | Pompes primaires du réacteur de propulsion nucléaire | Naval Group, TechnicAtome, Framatome | Phase de conception (mise en service prévue vers 2038) |
Barracuda | Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) | Maintenance et rechange de composants nucléaires embarqués | Naval Group, Framatome, CEA | En service (Suffren livré, autres en production) |
Prototypes et essais CEA | Installations de recherche/développement | Composants d’essai pour propulsion et sécurité nucléaire | CEA, Framatome | En cours, selon programmes internes |
Source : Communiqué de presse de Framatome
Image : 1er démarrage pour la chaufferie du Tourville, SNA du programme Barracuda (source : TechnicAtome)