La Chine marque l’histoire de la navigation avec le premier service régulier de porte-conteneurs entre l’Asie et l’Europe par la route arctique

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Vingt jours chrono pour relier la Chine au Royaume-Uni par l’Arctique.

Une boîte d’ampoules, un smartphone, des rouleaux de moquette, un drone… en apparence, une cargaison qui parait très banale. Sauf que ces marchandises chinoises sont arrivées à Felixstowe, au Royaume-Uni, après un périple inédit de 7 500 milles nautiques (8 630 km) par le Nord, via l’Arctique russe.

Le navire Istanbul Bridge vient d’achever le premier service régulier de porte-conteneurs entre l’Asie et l’Europe par la route arctique, en seulement 20 jours. C’est deux fois plus rapide que l’itinéraire habituel via le canal de Suez !

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Chaque année, ce sont plus de 13 000 navires qui empruntent le canal de Suez pour acheminer les biens de consommation entre la Chine et l’Europe. Problème : le trajet dépasse les 11 000 milles nautiques (12 660 km), et implique des goulets d’étranglement, des taxes, et une navigation dense, voire tendue.

En comparaison, la route dite du « passage du Nord » longe la Sibérie par le nord, en suivant la fameuse « Route maritime du Nord » ouverte à la fonte saisonnière des glaces. À cette période de l’année, il ne reste quasiment plus de banquise sur le trajet principal. Résultat : Istanbul Bridge a pu naviguer sans escorte de brise-glace, à 17 nœuds (31,5 km/h) de moyenne sur 5 jours à travers les eaux russes.

Ce cargo hollandais de 5000 tonnes bloqué pendant 6 semaines dans les glaces arctiques a été libéré avant d’emprunter un itinéraire bis pour finir son voyage

Le premier service régulier entre ports chinois et européens par le Nord

C’est la société chinoise Sealegend qui est derrière cette opération pionnière. Elle appelle ce nouveau service : « China-Europe Arctic Express ». L’idée n’est pas nouvelle, mais elle franchit ici un cap. Le navire, un Panamax d’une capacité de 4 843 conteneurs standards (TEU ou « équivalent 20 pieds » en français), a quitté Ningbo-Zhoushan le 22 septembre et atteindra tour à tour Felixstowe, Rotterdam, Hambourg et Gdansk.

Pas un coup d’essai pour Sealegend qui avait déjà racheté l’année précédente un navire de classe Ice-1, capable d’évoluer dans les mers partiellement gelées. D’autres opérateurs chinois se sont lancés dans des voyages similaires cet été et au total, plus de 20 transits de porte-conteneurs ont été enregistrés sur cette route en 2025, un record absolu.

40 % de stocks en moins, des coûts financiers allégés

Selon le directeur des opérations de Sealegend, Li Xiaobin, ce raccourci par l’Arctique représente un atout économique majeur. En réduisant les délais de livraison de 40 à 20 jours, les entreprises peuvent réduire leurs stocks de sécurité de près de 40 %. Et comme les marchandises restent deux fois moins longtemps en transit, cela diminue d’autant les coûts de stockage et le capital immobilisé.

On parle ici de chaînes logistiques plus rapides, moins de besoins en entrepôt, et une capacité accrue à répondre à la demande saisonnière. Ce n’est pas un détail à l’approche des fêtes de fin d’année, période où les quais européens croulent sous les conteneurs venus d’Asie.

Une avancée logistique qui inquiète les climatologues

Alors que la fonte des glaces de l’Arctique ouvre de nouveaux couloirs maritimes, certains y voient une opportunité. D’autres y lisent une alerte.

Naviguer dans ces zones sensibles implique un risque d’émissions locales de carbone noir, surtout si les navires utilisent des combustibles lourds. Ces particules noires, en se déposant sur la glace, accélèrent sa fonte en réduisant son albédo. Problème : on ignore encore le carburant exact utilisé par Istanbul Bridge, et s’il respecte l’ensemble des exigences du Code polaire de l’OMI, censé encadrer les opérations dans ces régions extrêmes.

Une navigation plus rapide, oui, mais à quel prix pour l’écosystème polaire ? Des ONG environnementales, notamment en Norvège et au Canada, appellent déjà à une interdiction du fioul lourd dans les eaux arctiques.

Une route encore marginale mais peut-être pas pour longtemps

Si on compare froidement, le canal de Suez reste ultra-dominant : environ 13 000 passages contre à peine une centaine par l’Arctique en 2024. Pourtant, l’Arctique grignote lentement sa part.

En 2018, le tout premier passage d’un porte-conteneurs avait été réalisé par Maersk avec le Venta Maersk. Sept ans plus tard, les compagnies chinoises, plus souples sur les normes environnementales, prennent l’avantage. NewNew Shipping, par exemple, aligne déjà cinq navires sur cette route cet été et prévoit de battre son propre record de 13 voyages arctiques réalisés l’an dernier.

Tandis que les opérateurs occidentaux hésitent, Pékin s’installe. Lentement, méthodiquement.

Et si la Route maritime du Nord devenait un jour l’autoroute principale du commerce eurasiatique, il y a fort à parier que le leadership ne sera pas européen.

Le canal de Suez en détail

Chaque jour, environ 50 navires traversent le canal de Suez, représentant près de 12 % du commerce maritime mondial. En 2023, ce sont plus de 1,4 milliard de tonnes de marchandises qui ont transité par cette artère stratégique reliant la mer Rouge à la Méditerranée. Le canal a accueilli 23 800 transits sur l’année, générant plus de 8 milliards d’euros de recettes pour l’Égypte, un record historique.

Le passage y est facturé en moyenne entre 300 000 et 600 000 euros selon la taille et le type de navire. Pour les porte-conteneurs géants, l’addition peut grimper à près d’un million d’euros. Ces coûts incitent certains armateurs à chercher des routes alternatives, notamment l’Arctique, même si celle-ci reste soumise à des contraintes saisonnières et géopolitiques.

Dans ce contexte, le canal de Suez conserve une position dominante, mais le simple fait que des routes comme la Route maritime du Nord deviennent techniquement viables commence à redistribuer les cartes.

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Parcours du Istanbul Bridge.
Parcours du Istanbul Bridge.

Comparatif route par le canal de Suez VS passage du Nord

Critère Canal de Suez Passage du Nord
Distance moyenne Chine – Europe Environ 11 000 milles nautiques (20 372 km) Environ 7 500 milles nautiques (13 890 km)
Durée moyenne du trajet 40 à 50 jours 20 à 25 jours
Nombre de transits par an 23 800 (2023) Environ 100 (2024)
Part du commerce maritime mondial Environ 12 % Inférieure à 0,1 %
Coût moyen de passage 300 000 à 1 000 000 € selon la taille Pas de péage, coûts liés aux assurances et au carburant
Disponibilité annuelle 365 jours sur 365 Saison limitée (été–début automne)
Risques géopolitiques Blocages ponctuels (ex : Ever Given en 2021) Tensions avec la Russie, zones peu surveillées
Contraintes environnementales Trafic dense, émissions concentrées Risques sur l’écosystème polaire, carbone noir
Escales et infrastructures portuaires Ports majeurs très bien desservis Peu d’infrastructures intermédiaires, logistique limitée

Source : https://www.bjreview.com/Opinion/Fact_Check/202510/t20251013_800417612.html

Image : Le porte-conteneurs Venta Maersk de la compagnie Maersk emprunte la Route maritime du Nord lors d’un essai unique de cette voie arctique, en septembre 2018.
Photo d’archive : Maersk.

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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