La tuberculose est la deuxième cause de mortalité due à une maladie infectieuse à l’échelle mondiale, derrière la Covid-19. Des scientifiques d’INRAE et de l’Inserm ont découvert deux sous-types de neutrophiles qui jouent des rôles opposés dans la réponse inflammatoire lors d’une infection. Ils pourraient constituer des biomarqueurs pour identifier les individus risquant de développer une forme contagieuse de la maladie. Ces résultats sont publiés le 21 mai dans la revue Life Science Alliance.
Un ennemi ancien toujours présent
La tuberculose est une maladie qui atteint le plus souvent les poumons, et est causée par la bactérie Mycobacterium tuberculosis. Cette maladie inflammatoire, qui affecte l’humain depuis des milliers d’années, n’appartient pourtant pas au passé et reste encore très présente dans le monde entier, causant en 2022 la mort de 1,3 million de personnes. L’évolution de la maladie est très compliquée à suivre et les tests actuels ne permettent pas de différencier une forme de tuberculose active (contagieuse) d’une forme latente (non contagieuse). Or près d’un tiers de la population mondiale serait infectée par la bactérie de manière latente. Les cas d’infection latente, sans aucun signe clinique, sont les plus nombreux. Ainsi, un enjeu majeur est de détecter les individus qui risquent de transmettre aux autres les bactéries.
Le rôle crucial des neutrophiles
C’est dans ce contexte que des scientifiques d’INRAE et de l’Inserm, en collaboration avec des chercheurs du Brésil et de Belgique, se sont intéressés aux neutrophiles, un type de globule blanc qui tue les pathogènes grâce à un arsenal toxique. Mais leur concentration massive dans les foyers d’infection peut détruire les tissus, notamment les poumons dans le cas de la tuberculose.
L’équipe de recherche a découvert deux sous-types de neutrophiles qui ont des rôles opposés dans le processus d’inflammation suite à une infection par M. tuberculosis. Ils ont identifié d’une part des neutrophiles conventionnels, qui agissent comme un accélérateur de l’inflammation, en produisant la cytokine pro-inflammatoire nommée IL-1b. D’autre part, ils ont montré le rôle des neutrophiles régulateurs qui opèrent comme un frein via la protéine PD-L1, permettant de bloquer la prolifération des lymphocytes T pro-inflammatoires. De cette manière, ce sous-type de neutrophiles permet de tempérer la réponse immunitaire pour éviter la destruction du poumon. Les chercheurs ont montré que l’injection de neutrophiles régulateurs chez des souris très sensibles à M. tuberculosis a eu pour effet d’atténuer leurs lésions pulmonaires.
Implications thérapeutiques et risques
Ces observations mettent en évidence les dangers associés à la prescription dans certaines thérapies anti-cancéreuses d’anti-PD-L1 pour les patients à tuberculose latente. En effet, ce traitement, qui peut être indiqué pour lever l’inactivation du système immunitaire causée par les cellules cancéreuses, pourrait réactiver l’infection tuberculeuse en bloquant l’action de PD-L1.
Par ailleurs, les chercheurs ont montré que les souches les plus virulentes de cette bactérie étaient capables de contrer l’activité des neutrophiles régulateurs en inhibant la production de PD-L1, et d’ainsi installer un environnement inflammatoire à leur propre profit.
Vers de nouveaux outils de diagnostic
Ces résultats ouvrent des perspectives pour un diagnostic des différents états cliniques des patients, du passage de la forme latente asymptomatique à active, en fonction de la concentration de neutrophiles classiques et régulateurs dans le sang. En effet, la détection des sous-types de neutrophiles comme biomarqueurs permettrait alors de cibler la prescription d’antibiotiques aux individus qui risquent de développer une forme contagieuse. Pour tester la faisabilité de cette détection, les chercheurs poursuivront leurs travaux en collaboration avec des cliniciens.
La découverte de ces deux sous-types de neutrophiles ouvre des perspectives prometteuses pour le traitement et le diagnostic de la tuberculose. En identifiant les individus susceptibles de développer une forme contagieuse de la maladie, il sera possible de mieux cibler les traitements et de prévenir la transmission. Ce progrès scientifique pourrait représenter un tournant majeur dans la lutte contre cette maladie infectieuse millénaire.