Les chercheurs en sciences se trouvent souvent face à un dilemme crucial : poursuivre des recherches potentiellement révolutionnaires mais risquées, ou s’en tenir à des approches plus sûres mais moins innovantes. Ce conflit entre l’aversion au risque et la volonté d’innover est exacerbé par des structures d’incitation qui récompensent la prudence au détriment de l’audace.
La dualité des incentives en science
La nature de l’aversion au risque en science
La recherche scientifique exige de prendre des risques, car les approches les plus prudents ne mènent pas souvent aux progrès les plus rapides. Pourtant, de nombreux projets financés optent pour la sécurité, reflétant une dissonance entre les besoins de l’avancement scientifique et les structures d’incitation actuelles.
Incentives pour le travail dur vs. incentives pour la prise de risques
Les chercheurs font face à un problème d’action cachée : leurs efforts et le niveau de risque qu’ils prennent ne sont pas directement observables. Ils sont récompensés pour les résultats, pas pour le processus ou les risques encourus. Cela crée une tension : les incitations à travailler dur sont souvent en conflit avec les incitations à prendre des risques, car un projet échoué peut être vu soit comme une entreprise risquée, soit comme un manque d’effort.
Modèle mathématique et implications
Cadre de modélisation économique
Le modèle proposé utilise un cadre de contrat économique pour analyser comment les actions non observables des chercheurs influencent leur aversion au risque. Il est crucial de comprendre que les chercheurs, en tant qu’agents, doivent équilibrer les attentes de la communauté scientifique, agissant comme principal, avec leur propre sécurité de carrière.
Conséquences des structures d’incitation
Les structures actuelles tendent à décourager la prise de risques. Les chercheurs optent pour des projets sûrs qui garantissent des preuves d’effort mais qui n’avancent pas nécessairement la science aussi rapidement que le feraient des projets plus risqués.
Le contrat optimal et ses limitations
Traditions de récompense et leurs effets
Le contrat optimal dans la communauté scientifique, régi par ses propres traditions de récompense, tend à sous-valoriser les risques, favorisant une science plus conservatrice que ce que l’idéal productif pourrait justifier.
Le paradoxe des récompenses scientifiques
Les scientifiques sont réticents à embrasser des risques qui pourraient, en cas d’échec, diminuer considérablement leur réputation et leurs chances de financement futur. Cela conduit à un cercle vicieux où les incitations à la sécurité sont renforcées, au détriment de l’exploration scientifique audacieuse.
Solutions potentielles et perspectives
Réformer les politiques de financement
Pour encourager une prise de risque plus significative, il pourrait être nécessaire de réviser les mécanismes de financement et de récompense dans la recherche. Cela pourrait inclure des subventions spécialement conçues pour des projets hautement innovants et risqués.
Nouvelles voies de publication
L’introduction de formats comme les ‘Registered Reports’ pourrait également aider, en séparant les décisions de publication du succès ou de l’échec des résultats expérimentaux, réduisant ainsi le risque lié à la publication pour les chercheurs.
L’aversion au risque en science est un phénomène complexe et enraciné dans des structures profondément intégrées de récompense et de reconnaissance. Tant que ces structures favoriseront la prudence, les avancées scientifiques majeures pourraient être entravées. Pour véritablement favoriser une science innovante, il est impératif de repenser les incitations de manière à équilibrer sécurité des chercheurs et audace scientifique.
Source de l'article : https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.3002750