Une étude publiée dans The Journal of Physiology met en lumière les défis énergétiques des baleines à bosse mères et leurs petits tout au long de leur migration dans le Pacifique. Les chercheurs du Marine Mammal Research Program (MMRP) de l’Université d’Hawaï, en partenariat avec plusieurs institutions, ont utilisé des drones pour mesurer la condition corporelle de ces cétacés. Cette recherche révèle des données clés sur la manière dont les changements rapides dans les écosystèmes marins affectent ces animaux emblématiques.
Une méthodologie innovante pour suivre les baleines à bosse
Pour collecter des données précises, les scientifiques ont utilisé des drones équipés de caméras de haute résolution. Ces appareils ont permis de réaliser des mesures détaillées du volume corporel des mères et de la croissance de leurs petits. En tout, 2 410 mesures ont été effectuées sur 1 659 individus, dont 405 mesures répétées sur 137 femelles allaitantes. Ces observations couvrent les zones de reproduction à Hawaï et les zones d’alimentation en Alaska.
Martin van Aswegen, doctorant au MMRP et auteur principal de l’étude, précise : « Nous avons pu quantifier les variations corporelles sur une distance de plus de 3 000 miles, fournissant une vision complète des besoins énergétiques des baleines à bosse. »
Des pertes énergétiques colossales chez les mères allaitantes
Les résultats montrent que les femelles allaitantes perdent en moyenne 214 livres de graisse par jour à Hawaï, soit l’équivalent de 50 tonnes de krill sur une période de 60 jours. Au total, les mères perdent environ 20 % de leur volume corporel pendant l’allaitement, une dépense énergétique supérieure à celle de leur grossesse.
En revanche, dans les eaux d’Alaska, les mères allaitantes retrouvent du poids plus lentement que les autres femelles. Elles gagnent environ 32 livres par jour, soit un rythme bien inférieur à celui des femelles non allaitantes ou enceintes, qui accumulent du poids à un rythme deux à six fois plus rapide.
Video exceptionnelle d’une baleine à bosse au large d’hendaye
Une croissance rapide des petits
Les petits de baleines à bosse connaissent une croissance impressionnante. En six mois, leur volume corporel augmente de 395 % et leur longueur de 60 %. Cette croissance est directement liée à la taille et à l’état de santé de leur mère, soulignant l’importance de la condition physique des femelles avant et pendant la lactation.
Un contexte alarmant pour les populations de baleines
Les données montrent une diminution significative des taux de reproduction et de survie des petits dans le Pacifique Nord. Entre 2013 et 2018, Hawaï a enregistré une baisse de 76,5 % des rencontres mère-petit, tandis que les naissances ont chuté de 80 % entre 2015 et 2016. En Alaska, l’année 2018 a été marquée par une absence totale de reproduction viable, avec une survie des petits divisée par dix entre 2014 et 2019.
Ces déclins coïncident avec des vagues de chaleur marine prolongées, qui ont perturbé les réseaux trophiques et réduit la disponibilité des proies. Cette situation a entraîné un stress nutritionnel chez les baleines, affectant leur reproduction et leur abondance.
Une meilleure compréhension pour une gestion efficace
Les conclusions de cette étude soulignent la vulnérabilité des baleines à bosse pendant les périodes de lactation et de croissance des petits. Elles mettent également en lumière l’importance d’Hawaï en tant qu’habitat de reproduction essentiel. Ces découvertes pourraient orienter la gestion des activités humaines dans ces zones critiques pour préserver les mères et leurs petits.
Lars Bejder, directeur du MMRP, explique : « Cette base de données sur la santé des baleines à bosse, qui contient plus de 11 000 mesures, nous permet de mieux comprendre leur résilience face à des menaces comme les collisions avec des navires, les enchevêtrements ou les changements climatiques. »
La collaboration, un levier essentiel pour la recherche
La réussite de cette étude repose sur des partenariats étroits entre institutions. Jens Currie, candidat au doctorat et scientifique en chef à la Pacific Whale Foundation, souligne : « La coordination entre disciplines et organisations a permis d’explorer les liens complexes entre la santé maternelle, la croissance des petits et les pressions environnementales. »
Les financements, issus de multiples sources, dont des fondations, des institutions universitaires et des programmes fédéraux, ont joué un rôle clé dans la réalisation de cette recherche.
Un avenir incertain pour les baleines à bosse
Cette étude offre des informations essentielles pour évaluer l’impact des changements environnementaux sur les baleines à bosse. La conservation de ces mammifères nécessite une action collective et une gestion attentive de leurs habitats, particulièrement dans un contexte de réchauffement climatique. Les découvertes récentes renforcent l’urgence de protéger ces espèces emblématiques, véritables sentinelles des écosystèmes marins.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1113/JP287379