Le skateboard est souvent perçu comme un sport visuel, marqué par des figures spectaculaires et une maîtrise technique. Pourtant, une étude récente révèle que le son joue un rôle essentiel et intime dans la relation des skateurs à leur pratique.
Une perception auditive et sensorielle unique
Les skateurs développent une capacité d’écoute fine des surfaces urbaines. Chaque son produit par leur planche leur fournit des informations essentielles :
- Ils utilisent le bruit du contact des roues et du bois contre le béton pour vérifier la réussite de leurs figures.
- Ils jugent, grâce au son, si une surface est adaptée à la pratique.
- Le son sert de signal social pour communiquer avec d’autres skateurs et partager l’espace.
Les images et vidéos ne suffisent donc pas à rendre compte de cette dimension immersive du skateboard. Les skateurs entendent et ressentent leur pratique autant qu’ils la voient.
Une expérience sonore entre plaisir et nuisance
L’étude met en lumière un “paradoxe sonore du skateboard” : les skateurs apprécient le son de leur sport mais sont conscients de son impact négatif sur leur environnement.
Certains le qualifient de “bruyant et abrasif”, d’autres de “rythmique et fascinant”. Les descriptions sont variées :
- “Le bruit d’une perceuse ou d’une meuleuse.”
- “Une bouteille de bière contre une autre.”
- “Le son des os frappant le béton.”
- “Une sensation rugueuse et intense.”
Cette dualité conduit certains à modifier leur comportement : ils évitent de skater près des habitations ou dans des tunnels résonnants. D’autres, en revanche, trouvent dans cette richesse sonore un effet thérapeutique, notamment parmi les pratiquants neuroatypiques.
Une pratique inclusive et adaptative
Le skateboard offre une expérience sensorielle particulièrement inclusive. Parmi les participants de l’étude :
- Trois portaient des aides auditives, mais seulement un les utilisait en skatant.
- Quatre avaient un diagnostic en lien avec l’autisme ou le TDAH.
Le skateboard permet ainsi à ces pratiquants de gérer la surcharge sensorielle et de renforcer leur confiance en eux.
L’importance du son dans l’aspect social du skateboard
L’étude souligne également le rôle du son dans la dimension communautaire du skateboard. Environ la moitié des participants étaient opposés à l’utilisation d’écouteurs pendant la pratique, jugeant cela antisocial.
- Gavin, fervent défenseur du partage, interpellait les skateurs équipés d’écouteurs pour les inciter à les retirer et rejoindre la session.
- Eddy considérait cela comme dangereux.
- Fiona, seule femme lors de certaines sessions, utilisait parfois des écouteurs pour se concentrer et se sentir plus en confiance.
- Steph les utilisait pour atténuer l’impact de la surcharge sonore des skateparks couverts.
Une pratique sensorielle en évolution
Les chercheurs ont intégré à leur étude un projet artistique interactif, “Texturologies”, permettant de vivre le skateboard à travers le son et le toucher. Cette expérience souligne que la planche n’est pas qu’un simple objet sportif : elle devient une extension du corps et une oreille sous les pieds.
Le skateboard est bien plus qu’un sport visuel. Il est une expérience sensorielle immersive, où le son structure l’apprentissage, la performance et la sociabilité. Comprendre cet aspect permet d’apprécier différemment la pratique et d’envisager de nouvelles façons de cohabiter avec les skateurs dans l’espace public.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1080/17430437.2024.2446115