Le fromage est un incontournable de l’alimentation européenne. En 2023, chaque habitant du continent en a consommé en moyenne 20,5 kilogrammes. Pourtant, son impact environnemental, dû notamment à l’élevage bovin, n’est plus à démontrer.
Pour réduire cette empreinte, les chercheurs explorent depuis plusieurs années des pistes végétales. Mais jusqu’ici, reproduire la texture typique d’un fromage uniquement avec des protéines végétales reste un défi majeur.
Une piste hybride testée en laboratoire
Des scientifiques de l’université de Copenhague ont adopté une approche différente : le fromage hybride, un produit à mi-chemin entre le fromage laitier classique et l’alternative végétale.
Ce mélange repose sur une double base : la caséine, protéine principale du lait et du fromage traditionnel, et la protéine de pois, végétale, abondante et cultivée localement en Europe. Contrairement au soja souvent utilisé, les petits pois permettent une meilleure traçabilité régionale et une empreinte carbone plus faible.
Selon la professeure Lilia Ahrné, cette stratégie permet d’exploiter les avantages de chaque source de protéines, sans sacrifier la qualité gustative ou la texture. Car, comme elle le rappelle, la durabilité ne suffit pas à convaincre si le produit n’est pas agréable à manger.
Jusqu’à 25 % de protéines laitières remplacées
Dans leur étude publiée dans Food Research International, les chercheurs ont conçu un fromage hybride inspiré du paneer, un fromage de cuisson populaire en Inde. Il a l’avantage de ne pas fondre à la chaleur, ce qui le rend intéressant pour la cuisson, la friture ou la grillade.
Leur prototype remplace 25 % des protéines laitières par de la protéine de pois, sans altérer ni la forme, ni la fermeté, ni le goût. Cette proportion a été déterminée par une série d’expériences sur la résistance à la découpe, la rétention d’eau et la tenue thermique.
Pour compenser le fait que les protéines végétales retiennent davantage d’eau, les chercheurs ont appliqué une pression plus élevée lors du pressage du fromage. Ce procédé a permis de maintenir une structure cohérente et utilisable en cuisine.
Des avantages nutritionnels combinés
La composition hybride n’offre pas seulement un gain environnemental.
Sur le plan nutritionnel, elle permet de combiner les acides aminés essentiels et le calcium du lait avec les fibres alimentaires des protéines végétales. Cela permet de produire un aliment plus équilibré, susceptible de répondre à des besoins alimentaires plus variés.
Un candidat idéal pour les substituts de viande
Le choix du paneer n’est pas anodin. Ce fromage ne fond pas à la cuisson et peut être grillé, poêlé ou rôti. En Inde, il est utilisé depuis longtemps comme alternative à la viande, notamment dans les régimes végétariens.
Les chercheurs estiment que ce type de fromage pourrait également séduire les consommateurs occidentaux, de plus en plus à la recherche de substituts protéinés capables de passer à la poêle sans se liquéfier.
Des travaux à poursuivre
La texture est aujourd’hui maîtrisée. Mais le goût, plus subtil à calibrer, pourrait encore évoluer. Les chercheurs projettent donc d’affiner les arômes pour rapprocher davantage ce fromage hybride de ses équivalents 100 % laitiers.
Ils envisagent également d’augmenter la part de protéines végétales à l’avenir, tout en conservant l’acceptabilité sensorielle du produit.
Ce projet de recherche s’inscrit dans un mouvement plus large d’innovation agroalimentaire, qui vise à réconcilier consommation, santé et impact écologique, sans compromis sur l’expérience culinaire.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1016/j.foodres.2024.115326