Pourquoi les modèles climatiques peinent à prévoir nos déluges extrêmes ?
Depuis les années 1950, les pluies extrêmes se multiplient en Europe, parfois en dehors de toute logique saisonnière, en provoquant inondations dévastatrices et glissements ainsi que de trop nombreuses morts. Ces épisodes se produisant à intervalles réguliers, on ne peut plus parler d’exception… Vient alors une question : pourquoi semble-t-on incapable de les prédire ? Les modèles climatiques que l’on utilise pour anticiper les futures catastrophes sont-ils capables de les reproduire ? Une étude récente publié dans la revue PLOS apporte des éléments aussi fascinants qu’inquiétants que nous allons voir dans cet article.
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Une hausse bien réelle et documentée des hausses des précipitations en Europe
Les stations météo européennes sont formelles : depuis 1950, les jours de précipitations extrêmes sont en nette augmentation. On parle ici de jours où la pluie dépasse le 99,9e percentile, autrement dit des événements rarissimes. Sur l’ensemble du continent, environ 70 % des stations montrent une augmentation du nombre de jours très pluvieux.
Dans le nord de l’Europe, cette hausse est plus marquée qu’au sud, sans que cela ne signifie bien sûr que le sud est épargné. L’Italie ou la Grèce ont elles aussi connu des inondations historiques ces dernières années.
La question est donc simple : est-ce que les modèles climatiques, ces fameuses boules de cristal mathématiques, parviennent à reproduire cette tendance ?
Des modèles climatiques sous haute surveillance
Pour le vérifier, les chercheurs ont comparé les données observées avec les simulations issues de modèles globaux (CMIP6) et régionaux (CORDEX et ClimEX). Résultat : certains modèles s’en sortent plutôt bien, avec une augmentation des précipitations extrêmes de l’ordre de 20 % entre 1955–1984 et 1985–2014, même si tous ne se valent pas.
Là où la plupart des modèles tombent d’accord, c’est que la fréquence de ces événements augmente plus que leur intensité. Pour le dire autrement : il pleut fort plus souvent, mais pas nécessairement beaucoup plus à chaque fois. Cette fréquence grimpe d’environ 20 %, contre 5 % pour l’intensité moyenne. Cela peut sembler modeste, mais en matière d’inondations, c’est une très mauvaise nouvelle.
Prendre en compte les extrêmes… les vrais
Un point fondamental ressort de l’étude : les modèles climatiques ratent souvent les événements les plus extrêmes, ceux du 99,97e percentile, c’est-à-dire environ quatre événements tous les 30 ans. Or ce sont précisément ces cas-là qui causent les plus gros dégâts. En ne les prenant pas en compte, on sous-estime fortement les risques.
C’est un peu comme observer les tempêtes en oubliant les ouragans. Les auteurs montrent que l’augmentation des précipitations pour ces événements extrêmes est plus forte que pour les seuils inférieurs. Cela signifie que le futur pourrait nous réserver des déluges plus violents et plus fréquents que prévu si l’on se contente des modèles actuels.
CMIP6 contre CORDEX : match serré, pas toujours fiable
D’un côté, les modèles globaux CMIP6 offrent une vue d’ensemble fiable mais parfois trop lissée : la résolution est trop faible pour bien capter les orages de montagne ou les pluies convectives localisées. De l’autre, les modèles régionaux CORDEX apportent plus de détails (12 kilomètres de résolution), mais ils ont tendance à surestimer l’intensité des épisodes extrêmes, surtout dans les Alpes ou les Carpates.
Autre souci : la variabilité interne. Certains modèles testent plusieurs versions, appelées “ensembles”. Or, même au sein d’un même modèle, les résultats varient peu. C’est donc moins un problème de hasard que de structure du modèle lui-même. La physique, les approximations, les paramétrisations utilisées expliquent en grande partie les écarts entre prévisions.
Une Europe qui se divise sous les nuages
Le fameux gradient nord-sud est encore bien présent dans les modèles : le nord se mouille, le sud s’assèche. Plus on monte dans les percentiles, plus ce gradient s’estompe. À partir du 99,97e, les différences géographiques deviennent floues : l’extrême peut frapper aussi bien en Norvège qu’en Sardaigne. Cela montre qu’en cas de changement climatique avancé, toute l’Europe pourrait être exposée à des événements extrêmes hors normes, quelles que soient les latitudes.
Petite subtilité : les modèles régionaux montrent un mélange d’augmentations et de diminutions très localisées, notamment en raison de la manière dont ils traitent les effets de relief. Un modèle global, comme EC-Earth3-Veg, donne des résultats plus “lissés”, alors qu’un modèle CORDEX révèle des contrastes parfois violents entre vallées et sommets.
L’intensité ou la fréquence : que faut-il surveiller ?
Les chercheurs ont également comparé la hausse de la fréquence et celle de l’intensité, sous forme de ratios. Dans les observations réelles, on voit souvent que la fréquence augmente trois fois plus vite que l’intensité. Mais certains modèles régionaux donnent des résultats très différents, voire inversés, avec une hausse de l’intensité dominante. Cela dépend souvent de la localisation des stations et de la qualité des interpolations, surtout dans les zones peu couvertes comme l’est de la France.
Voici une synthèse du comportement des modèles :
Type de modèle | Résolution | Tendance générale | Biais principal |
---|---|---|---|
CMIP6 (global) | 100 à 250 km | Bonne cohérence avec les observations | Manque les détails locaux |
CORDEX (régional) | 12 km | Hausse plus marquée des extrêmes | Surestimation des pics locaux |
ClimEX (régional) | 12 km | Faible variabilité entre les membres | Sensibilité au choix du modèle hôte |
On note aussi que les modèles les plus récents, avec une résolution kilométrique et sans paramétrisation convective, sont les plus prometteurs. Ils permettent de mieux suivre les orages soudains ou les épisodes cévenols, souvent mal captés dans les grandes grilles.
Une prévision locale encore hors de portée
Malgré les progrès, il reste difficile de prévoir précisément où et quand tomberont les futures pluies torrentielles. Les modèles ont besoin d’une meilleure résolution, mais aussi d’un réseau de stations dense, notamment dans les zones montagneuses. Il faut aussi intégrer plus finement les effets de l’humidité atmosphérique, de la topographie, et de la convection à petite échelle.
En attendant, une chose est sûre : ce qui était rare deviendra plus fréquent, et l’Europe devra se préparer à encaisser des chocs hydrologiques de plus en plus sévères. Les modèles nous alertent, mais c’est aux humains d’agir.
Source :
A critical analysis of marine carbon sequestration opportunities in South Korea
Peter I. Macreadie ,Finnley W. R. Ross,Carlos M. Duarte,Ji Won Hong,Ho-Sung Yoon
Publishé le 5 mai 2025 sur PLOS
https://doi.org/10.1371/journal.pclm.0000591
Cet article a été écrit, relu et corrigé par les journalistes de la rédaction de Média24.fr à l’aide des sources renseignées ci-dessus. Il peut contenir des passages générés par IA pour du texte, des tableaux ou des images afin d’améliorer l’expérience du lecteur.
Image : Composition des effets météorologiques (Freepik)