L’analyse porte sur 63 boissons différentes, parmi lesquelles de l’eau minérale, des sodas, du thé glacé, de la bière et du vin. Toutes contiennent des microplastiques (MPs), définis comme des particules inférieures à 5 mm. Plus précisément, l’étude révèle des niveaux de contamination allant de 2,9 ± 0,7 MPs/L dans les eaux à 82,9 ± 13,9 MPs/L dans les bières, avec des moyennes intermédiaires : 31,4 dans les colas, 28,5 dans les thés, 45,2 dans les limonades, 8,2 dans les vins.
Cette présence ubiquitaire découle d’un double phénomène : la dégradation des plastiques dans l’environnement, mais aussi leur migration depuis les emballages. Les fibres et fragments identifiés proviennent très majoritairement des capsules de fermeture, notamment sur les bouteilles en verre.
Le rôle central du contenant
Contrairement à une idée reçue, les bouteilles en verre ne sont pas les plus protectrices. Ce sont même celles qui présentent les taux de contamination les plus élevés. Par exemple, le cola conditionné en verre atteint 103,4 MPs/L contre seulement 2,1 MPs/L en bouteille plastique. L’origine de cette différence ne réside pas dans le matériau de la bouteille elle-même, mais dans la capsule métallique peinte utilisée pour la fermeture.
En effet, les analyses spectroscopiques FTIR montrent que les particules trouvées dans les boissons ont une signature chimique identique à celle des peintures polyester utilisées sur les capsules. Des expérimentations contrôlées ont permis de reproduire cette contamination, simplement en encapsulant de l’eau propre avec une capsule non nettoyée.
Le simple soufflage à l’air ou un rinçage à l’éthanol/eau de ces capsules avant la pose permet de diviser par trois le nombre de microplastiques libérés. Une solution simple, mais encore absente des standards industriels.
Un spectre de polymères révélateur
Les polymères identifiés sont dominés par trois familles : les polyesters (PET, alkydes), les polyoléfines (PE, PP) et les polystyrènes (PS, ABS). Leur répartition varie selon le type de contenant.
- Les bouteilles en verre concentrent les polyesters (jusqu’à 95,9 MPs/L dans les bières).
- Les plastiques révèlent une moindre contribution des polyoléfines (souvent en dessous de 5 MPs/L).
- Les canettes montrent une moindre contamination, mais pas une absence totale.
Les résultats sont donc compatibles avec une contamination issue des emballages eux-mêmes, et non de la boisson initiale.
Une méthodologie rigoureuse, encore peu standardisée
Les auteurs ont mis en œuvre un protocole strict : manipulation sous hotte à flux laminaire ISO 5, filtrations répétées, contrôle négatif et positif, dégazage spécifique des boissons gazeuses. L’utilisation de la microscopie stéréoscopique couplée à la µFTIR (ATR mode) assure une identification chimique fiable des particules jusqu’à 30 µm.
Cependant, la comparaison avec la littérature internationale reste délicate. Les protocoles diffèrent d’un article à l’autre : tailles de particules incluses, solvants, filtres, température de séchage. Par exemple, des filtres chauffés à plus de 40 °C peuvent altérer les fibres de polyester, biaisant les résultats.
À noter que cette étude a analysé 6 échantillons par référence, ce qui augmente la robustesse statistique par rapport aux études habituelles (souvent 3).
De nouvelles sources de contamination identifiées
Ce travail met en lumière une source de contamination peu évoquée : la peinture extérieure des capsules métalliques. Ces peintures, composées de résines thermodurcissables alkydes ou de polyester, peuvent migrer mécaniquement dans la boisson via les frottements ou chocs durant le transport ou l’embouteillage.
Les capsules non nettoyées génèrent 287 MPs/L, contre 86 après nettoyage. Le rinçage lui-même révèle en moyenne 47 particules jaunes par capsule, confirmant la libération spontanée de fragments de peinture.
Une hétérogénéité selon les marques et les types
Certaines marques sont plus contaminées que d’autres. Pour l’eau par exemple :
- W3 atteint 5 MPs/L,
- W7 tombe à 1,5 MPs/L.
Idem pour les colas :
- C2 affiche 76 MPs/L,
- C3 reste sous 3 MPs/L.
Ces écarts s’expliquent par la variabilité des process industriels, du conditionnement et probablement de la formulation (acidité, gaz dissous).
En l’absence de seuils toxicologiques
L’étude ne conclut pas à un risque sanitaire, mais alerte sur la présence systématique de microplastiques dans des produits de consommation courante. En l’absence de valeurs toxicologiques de référence pour l’exposition chronique aux MPs par ingestion, aucune extrapolation réglementaire n’est possible à ce stade.
Cependant, les auteurs proposent des leviers d’amélioration concrets, applicables sans bouleversement industriel majeur, notamment via l’hygiène des capsules.
Source de l’étude : https://anses.hal.science/anses-05066642v1