La présence de cette plante croit de 10 à 24 % tous les 10 ans ! Au point que son expansion visible de l’espace est désormais une menace pour nos forêts tropicales

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Ces plantes tricheuses envahissent la jungle… et on peut les voir depuis l’espace !

Elles s’enroulent, s’étendent, s’installent… sans jamais rien construire. Bienvenue dans le monde des lianes, ces véritables “squatteuses” qui transforment les forêts tropicales en toiles d’araignée végétales !

Elles ne sont pas juste envahissantes : elles étouffent les arbres, affaiblissent les forêts, et sont tellement nombreuses qu’on les repère depuis l’espace ! Oui, vous avez bien lu : des images satellites permettent aujourd’hui de suivre leur progression… comme une épidémie verte.

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Alors qu’un arbre passe des décennies à pousser bien droit vers le ciel, avec un tronc bien solide, une couronne bien feuillue, et des racines profondes… la liane, elle, fait du stop végétal. Elle profite de l’arbre voisin pour grimper, sans jamais construire d’ossature. De cette manière elle va plus vite, plus haut, pour moins d’énergie.

Malheureusement pour l’hôte, ses feuilles sont plus plates, plus efficaces, et surtout plus nombreuses. Elle capte donc davantage de lumière, au détriment de tout ce qui pousse en dessous. C’est un peu comme si, dans une salle de classe, un élève étalait sa trousse sur toute la table… et interdisait les autres de prendre des notes.

Cette pierre verte au nom évocateur peut valoir 110 000 € le kilo et fait le bonheur de la seule région sur Terre où on la trouve

Une épidémie végétale… qui dure depuis 30 ans

Contrairement aux idées reçues, les lianes ne sont pas limitées à l’Amazonie. Des chercheurs de l’université de Leiden, aux Pays-Bas, ont confirmé que toutes les forêts tropicales de la planète sont concernées : Amérique du Sud, Afrique centrale, Asie du Sud-Est… Personne n’est épargné.

L’écologue Marco Visser, lui, a eu une idée brillante : modéliser les lianes comme des maladies infectieuses. Il a ainsi pu constater que leur présence augmente de 10 à 24 % par décennie. Si la tendance se poursuit, les forêts tropicales telles qu’on les connaît pourraient disparaître sous une épaisse couverture de lianes d’ici quelques décennies.

Couverture géographique des études sélectionnées pour la méta-analyse. Les triangles pleins représentent des tendances cohérentes à la hausse (toutes les tailles d’effet positives) ou à la baisse (toutes les tailles d’effet négatives) pour l’ensemble des résultats et des stades de vie. Les triangles vides indiquent des résultats contrastés, montrant principalement des tendances à la hausse (plus de 50 % des tailles d’effet positives) ou à la baisse (plus de 50 % des tailles d’effet négatives). Les points représentent les sites où le nombre de tailles d’effet positives et négatives est équivalent. Les zones vertes correspondent aux écorégions de forêts tropicales et subtropicales à feuilles larges (Olson et al., 2001).
Couverture géographique des études sélectionnées pour la méta-analyse. Les triangles pleins représentent des tendances cohérentes à la hausse (toutes les tailles d’effet positives) ou à la baisse (toutes les tailles d’effet négatives) pour l’ensemble des résultats et des stades de vie. Les triangles vides indiquent des résultats contrastés, montrant principalement des tendances à la hausse (plus de 50 % des tailles d’effet positives) ou à la baisse (plus de 50 % des tailles d’effet négatives). Les points représentent les sites où le nombre de tailles d’effet positives et négatives est équivalent. Les zones vertes correspondent aux écorégions de forêts tropicales et subtropicales à feuilles larges (Olson et al., 2001).

Le CO₂, leur carburant préféré

On connaît le rôle essentiel des arbres dans le stockage du dioxyde de carbone (CO₂). Mais voici le hic : les lianes en profitent encore plus que les arbres. Grâce à leur « stratégie du squat », elles peuvent concentrer toute leur énergie sur les feuilles, et grandir à vitesse turbo.

Dans certaines zones, elles empêchent complètement la régénération des arbres. Et les conséquences sont graves : jusqu’à 95 % de capacité de stockage du carbone en moins… Presque aussi mauvais que la déforestation, un arbre étouffé ne stocke plus rien !

Des plantes visibles… depuis l’espace !

Les lianes sont maintenant détectables par satellite. Marco Visser, toujours lui, a montré pourquoi. Avec des collègues américains et britanniques, il a mesuré les propriétés de leurs feuilles tout en haut de la canopée, grâce à une immense grue au Panama.

Verdict : les feuilles de lianes réfléchissent plus de lumière et d’infrarouge, et sont plus horizontales que celles des arbres. Ce profil lumineux unique les rend parfaitement repérables par les capteurs optiques des satellites. Un peu comme si elles portaient des gilets fluorescents dans une forêt de camouflage.

Modèle conceptuel des différentes étapes de vie et des indicateurs liés aux lianes pris en compte dans cette étude. Les semis et les jeunes pousses ont été définis dans chaque étude en fonction de seuils de hauteur ; dans nos analyses, nous avons conservé la classification utilisée par chaque auteur selon son site d’étude. Les lianes potentiellement présentes dans la canopée ont été considérées comme les individus ayant un diamètre à hauteur de poitrine (DHP) ≥ 1 cm, car la probabilité que ces tiges atteignent la canopée est déjà significative, variant de 10 % à 50 % selon les sites à partir de 1 cm de DHP (Kurzel et al., 2006). Les lianes en phase de reproduction correspondent aux lianes pour lesquelles des données de floraison ont été rapportées ou aux lianes colonisant les couronnes d’arbres, détectées par télédétection ou par observation sur le terrain. Mortalité = m. Reproduction clonale = c. Les indicateurs liés aux lianes sont représentés par des lignes pointillées. Ce schéma est une simplification de l’ontogenèse des lianes, car les semis et jeunes pousses peuvent ou non être autoportants selon les espèces (Letcher, 2015).
Modèle conceptuel des différentes étapes de vie et des indicateurs liés aux lianes pris en compte dans cette étude. Les semis et les jeunes pousses ont été définis dans chaque étude en fonction de seuils de hauteur ; dans nos analyses, nous avons conservé la classification utilisée par chaque auteur selon son site d’étude. Les lianes potentiellement présentes dans la canopée ont été considérées comme les individus ayant un diamètre à hauteur de poitrine (DHP) ≥ 1 cm, car la probabilité que ces tiges atteignent la canopée est déjà significative, variant de 10 % à 50 % selon les sites à partir de 1 cm de DHP (Kurzel et al., 2006). Les lianes en phase de reproduction correspondent aux lianes pour lesquelles des données de floraison ont été rapportées ou aux lianes colonisant les couronnes d’arbres, détectées par télédétection ou par observation sur le terrain. Mortalité = m. Reproduction clonale = c. Les indicateurs liés aux lianes sont représentés par des lignes pointillées. Ce schéma est une simplification de l’ontogenèse des lianes, car les semis et jeunes pousses peuvent ou non être autoportants selon les espèces (Letcher, 2015).

Faut-il les couper ? Surtout pas !

Devant cette invasion, la tentation est grande de sortir les machettes. Erreur stratégique, selon les chercheurs. Car les lianes, aussi invasives soient-elles, ont un rôle écologique. Elles produisent des fruits en continu, indispensables à de nombreuses espèces animales, notamment des singes et des oiseaux rares.

Et puis surtout, les couper ne résoudrait rien. Tant que les niveaux de CO₂ restent aussi élevés, elles repousseront. La vraie solution serait de ralentir le changement climatique. Moins de CO₂, moins d’énergie pour ces grimpeuses effrontées… Mais clairement ce n’est pas gagné !

Source :

Global increase of lianas in tropical forests
Manuela A. Rueda-Trujillo, Michiel P. Veldhuis, Peter M. van Bodegom, Hannes P. T. de Deurwaerder, Marco Visser

Première publication le 26 aout 2024

https://doi.org/10.1111/gcb.17485

Image (retouchée avec Canva à des fins d’illustration de l’article) : Bateau à moteur dans le lac entouré de beaux arbres verts sous un ciel nuageux (Freepik)

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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