Thales bat un record avec son gyrotron qui comptera pour la recherche sur la fusion nucléaire.
Le TH1507U, ce nom ne vous dit probablement rien et pourtant il constitue le fer de lance français en matière de gyrotron et de fusion nucléaire. Son fabricant ? Thales, une entreprise française que vous connaissez elle peut-être pour ses radars ou ses satellites, mais qui brille aussi dans un domaine bien plus brûlant… celui de la fusion nucléaire.
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Thalès bat un nouveau record dans la fusion avec 1,3 MW de puissance générée pendant 180 secondes
Alors, c’est quoi ce fameux gyrotron ? On dirait un simple tube en métal au premier abord mais c’est en réalité l’un des plus puissants émetteurs d’ondes radio au monde.
Le record que vient d’établir gyrotron : une émission continue de 1,3 mégawatt pendant 180 secondes à 140 gigahertz, soit une puissance électrique équivalente à 13 000 ampoules de 100 watts générée pour engendrer du plasma dans le plus grand stellarator du monde : Wendelstein 7-X. Situé à Greifswald, en Allemagne, ce dernier est un gigantesque anneau torsadé qui cherche à reproduire sur Terre ce qui se passe au cœur du Soleil.
Chauffer un gaz à plus de 100 millions de degrés ? Pas une sinécure
Pour qu’un gaz atteigne l’état de plasma, il faut lui donner une sacrée dose d’énergie. On parle quand même de porter la température d’un gaz à 10 fois celle du cœur du soleil. Et comme aucun matériau connu ne résiste à cette chaleur, impossible de faire ça avec un briquet géant. Il faut donc chauffer sans toucher et c’est là qu’intervient le gyrotron.
Ce tube électronique est capable d’envoyer une onde électromagnétique ultra-puissante dans la chambre de confinement. De cette façon les électrons du plasma s’excitent, montent en température et le réacteur prend vie.
Pour y parvenir il faut que la fréquence de l’onde soit parfaitement ajustée, que l’émission soit continue, et que l’équipement résiste à des conditions extrêmes. Le TH1507U vient de prouver qu’il peut le faire et mieux et plus longtemps que tout autre système de sa catégorie dans le monde.
Le Wendelstein 7-X, le plus grand stellarator du monde
Le Wendelstein 7-X est le plus grand stellarator du monde. Contrairement aux réacteurs tokamaks (comme ITER, par exemple), il n’a pas besoin d’impulsions cycliques pour maintenir le plasma. Grâce à sa forme en tire-bouchon et à un champ magnétique super précis, il peut garder un plasma stable plus longtemps. C’est un peu comme un piège à souris pour particules énergétiques.
Lancé en 2015, ce laboratoire à la forme tordue est une perle de l’ingénierie. Il permet aux scientifiques de tester des paramètres jamais atteints auparavant. En septembre 2024, il a lancé sa campagne expérimentale, et ce record signé Thales tombe donc à point nommé.
Différences stellarator et tokamak :
Critère | Stellarator | Tokamak |
---|---|---|
Principe de confinement | Champ magnétique généré uniquement par des bobines externes en forme torsadée | Champ magnétique produit par des bobines externes et un courant électrique dans le plasma |
Stabilité du plasma | Très stable, pas besoin d’entretien cyclique | Plasma instable, nécessite des impulsions régulières |
Durée de fonctionnement | Fonctionnement en continu possible | Fonctionne par cycles (pulsé) |
Complexité de conception | Très complexe à construire et à calibrer | Design plus simple et mieux maîtrisé à grande échelle |
Exemples emblématiques | Wendelstein 7-X (Allemagne) | ITER (France), EAST (Chine), JET (Royaume-Uni) |
Maturité technologique | Encore en phase expérimentale avancée | Plus avancé dans les essais de production d’énergie |
Une techno rare, made in France
Thales est le seul fabricant européen de gyrotrons haute puissance, un domaine qui promet de devenir aussi stratégique que celui des turbines dans quelques années.
Le gyrotron TH1507U a été conçu avec le Consortium européen EGYC, et il fonctionne à 140 GHz, une fréquence adaptée aux besoins des réacteurs expérimentaux même s’il peut être réglé pour fonctionner à d’autres fréquences si nécessaire. Bref, c’est un chauffage de plasma sur-mesure, pensé pour évoluer avec les besoins futurs.
La route est encore longue mais les pièces du puzzle sont là
Bien sûr, battre un record n’est pas construire une centrale. Il faudra encore des années, voire des décennies, pour voir les premiers réacteurs à fusion connectés au réseau électrique. Il faudra aussi maîtriser la durée de confinement du plasma, produire du tritium en quantité suffisante, et faire baisser les coûts d’infrastructure.
Les briques sont là il ne reste plus qu’à monter le mur : on sait chauffer, on sait confiner, on sait modéliser. Il reste à assembler ces compétences dans un démonstrateur viable.
L’Europe, avec le savoir-faire de Thales, du Max Planck Institute et de nombreuses autres institutions a encore sa carte à jouer dans la recherche sur le précieux Graal que constitue la fusion nucléaire.
Image mise en avant : Gyrotron TH1511 de Thales (notamment utilisé dans le projet WEST)