Des chimistes tchèques ont trouvé comment recycler des aimants juste avec de l’eau.
Un aimant usagé, un peu d’eau, une pincée de chimie… et hop ! On en extrait des métaux rares sans fumée ni résidus. Cela ressemble à un projet de TPE de lycée un peu musclée ? C’est en réalité le fruit du travail très sérieux d’une équipe tchèque de l’IOCB (Institut de chimie organique et biochimie) à Prague, et ce qu’ils viennent de mettre au point pourrait bien bouleverser la manière dont on recycle les métaux critiques de notre monde connecté.
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Une nouvelle méthode de recyclage des aimants et beaucoup d’espoir en République tchèque
Le néodyme est un métal indispensable aux aimants permanents qui font tourner nos moteurs électriques, nos éoliennes, nos smartphones, et même nos voitures. À ses côtés, on trouve souvent le dysprosium, le praséodyme, ou encore le terbium, des noms exotiques pour des éléments omniprésents.
Le problème, c’est qu’aujourd’hui, pour récupérer tout ce petit monde, on utilise des solvants acides bien corsés, à haute température, dans des conditions pas franchement douces pour l’environnement. Comme la Chine fournit plus de 90 % des terres rares mondiales, l’équation devient aussi politique que toxique.
Une potion douce, efficace, et (vraiment) propre
C’est là que nos chimistes de Prague arrivent avec une recette à base d’eau agrémentée d’un chélateur maison, une molécule conçue pour aller se coller uniquement sur les ions de néodyme. De cette manière le néodyme précipite (il forme un petit solide), pendant que le dysprosium reste tranquillement dissous dans l’eau.
Pas besoin d’acides violents, pas de fumées, pas de boues toxiques. On filtre, on récupère, et on recommence. C’est simple, élégant et prometteur. La molécule magique, c’est Kelsea G. Jones, doctorante dans l’équipe, qui l’a conçue dans le cadre de sa thèse. Et ce qu’elle a prouvé, c’est qu’on peut faire aussi bien, voire mieux, que les méthodes classiques et sans abîmer la planète.
Recycler la ville au lieu de creuser la montagne
Cette méthode s’inscrit dans ce qu’on appelle l’urban mining, ou “mine urbaine” : au lieu d’aller chercher des métaux au fond des Andes ou du Sahara, on les trouve dans nos décharges, nos appareils cassés, nos vieux équipements. C’est une bonne nouvelle car un atome de néodyme ne vieillit pas. On peut le recycler dix fois, cent fois, sans qu’il perde ses propriétés.
Comme l’explique Miloslav Polášek, le chercheur à la tête de l’équipe : “Les éléments chimiques ne se dégradent pas comme le plastique. Une fois qu’on les a extraits, ils peuvent servir encore et encore.”
Déjà breveté, bientôt sur les chaînes de production ?
Le procédé a été breveté et les ingénieurs de IOCB Tech, la branche transfert industriel, sont en train de le faire passer du labo à l’usine. Leur patron, Milan Prášil, est confiant : “On est déjà en discussion avec plusieurs partenaires. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’on l’adapte à grande échelle.”
Et en bonus : un intrus dans le moteur
En analysant des moteurs de voitures électriques, les chercheurs tchèques ont découvert quelque chose d’étonnant : la présence d’holmium, un élément rare qui n’était pas censé se trouver là. Jusqu’ici, il n’était pas répertorié dans les compositions classiques des aimants néodyme-fer-bore. Alors… erreur d’étiquetage ? Nouvelle tendance industrielle ? Réduction des coûts ? Personne ne le sait encore.
Mais ce qui est sûr, c’est que cette surprise oblige à revoir les schémas de recyclage, car les filières actuelles ne tiennent même pas compte de l’holmium. Une petite énigme chimique en plus… qui pourrait avoir un gros impact industriel.
Les chiffres parlent : recycler malin, ça coûte moins cher
Procédé | Solvants utilisés | Conditions | Résidus toxiques | Coût estimé (€/kg) |
---|---|---|---|---|
Méthode classique | Acides + solvants organiques | Haute température | Élevés | 30 à 60 |
Méthode IOCB Prague | Eau + chélateur ciblé | Température ambiante | Faibles à nuls | 20 à 35 (estimé) |
Et pendant ce temps, le marché explose
Ce n’est pas juste une curiosité de laboratoire. En 2024, le marché mondial des aimants permanents pesait déjà 43 milliards d’euros. Et si tout continue à ce rythme, on atteindra les 108 milliards par an en 2034. Rien que ça.
À la manœuvre : la Chine, avec plus de 85 à 90 % de la production mondiale, loin devant le Japon, la Corée du Sud ou l’Inde. Et la demande ne faiblit pas. Voitures électriques, robots, éoliennes, systèmes de guidage, drones… Tous ces objets gourmands en puissance ont besoin d’aimants performants pour fonctionner.
Et comme les gouvernements mettent les gaz sur la transition énergétique, il va falloir en produire toujours plus.
Donc en recycler toujours plus, pourquoi pas, avec un peu d’eau, et beaucoup d’ingéniosité tchèque.
Sources :
Etude tchèque :
Journal of the American Chemical Society
Cite this: J. Am. Chem. Soc. 2025, 147, 26, 22666–22676
https://doi.org/10.1021/jacs.5c04150
Publié le 19 juin 2025
Marché des aimants permanents :
https://www.gminsights.com/fr/industry-analysis/permanent-magnet-market
Image : Produit d’une séparation réalisée à l’aide d’une méthode mise au point dans le laboratoire du Dr Miloslav Polášek. Miloslav Polášek et son équipe ont traité un aimant provenant d’une voiture électrique et ont obtenu du néodyme pur à 99,7 %. (Photo : Tomáš Belloň/IOCB Prague)
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