Une planète fantôme à la traîne de Neptune : 2020 VN40, l’objet qui danse à contretemps.
C’est une planète qui met plus de 1 600 ans à faire un tour complet autour du Soleil. Elle est si lointaine qu’elle ne reçoit qu’un millième du rayonnement que capte la Terre. Bienvenue sur 2020 VN40 ! Outre sa distance, elle a une particularité : elle est verrouillée dans une étrange chorégraphie céleste avec Neptune, à un rythme inédit de 10 pour 1.
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2020 VN40, la planète dans l’ombre de Neptune
Dans le grand bal du système solaire, certains corps ne tournent pas au hasard. Ils entrent en résonance orbitale, une relation gravitationnelle où leurs périodes de révolution suivent des rapports simples. On connaît bien le cas de Pluton et Neptune, engagés dans un rapport de 3 orbites pour Pluton pour 2 pour Neptune. 2020 VN40, lui, pousse la logique bien plus loin : dix orbites pour Neptune contre une seule pour notre mystérieuse planète !
Il faut un peu de patience pour le suivre : Neptune boucle un tour en 165 ans. Ce qui signifie que 2020 VN40 met environ 1 650 ans à revenir à son point de départ ! Pourtant, malgré ces vitesses divergentes, les deux ne se croisent jamais. Leur synchronisation agit comme une barrière invisible, un système de sécurité gravitationnelle où chacun reste à sa place, à bonne distance.
Un objet perdu aux confins du système solaire
Découvert par le programme LiDO en 2020 (comme son nom l’indique), depuis le télescope Canada-France-Hawaï, 2020 VN40 se balade bien au-delà de l’orbite de Neptune. Son demi-grand axe est estimé à environ 140 unités astronomiques, soit près de 21 milliards de kilomètres. Son orbite est très excentrique, avec un aplatissement prononcé, et une inclinaison de 33 degrés. Cela signifie qu’il ne tourne pas dans le même plan que la plupart des planètes. Il voyage loin au-dessus et au-dessous de cette “autoroute” plane où circulent les corps traditionnels.
C’est précisément cette inclinaison marquée qui le rend si intéressant. Il entre dans une catégorie d’objets rares, dont l’orbite oscille fortement autour du plan principal. Comme s’il avait été catapulté là par un mécanisme ancien, puis piégé dans une boucle cosmique.
Des simulations qui révèlent un mécanisme inattendu
Grâce à des simulations numériques poussées, les chercheurs ont compris que 2020 VN40 suit une trajectoire dite “eyehole”. Ce terme poétique désigne un type d’orbite exceptionnel, presque jamais rencontré, où l’inclinaison et l’excentricité tombent dans une fourchette très étroite. Un peu comme si cet objet suivait un rail invisible, à la stabilité surprenante.
Autre révélation : cette configuration peut durer des dizaines voire des centaines de millions d’années. Puis l’objet finit par dériver, lentement, sans heurt. Il se pourrait donc qu’une multitude d’objets du même genre gravitent dans les parages, invisibles, trop petits ou trop lointains pour être détectés aujourd’hui.
Une trace fossile de la migration de Neptune ?
À quoi servent ces observations, au-delà de la curiosité ? À reconstituer l’histoire mouvementée du système solaire. Car cette résonance particulière est bien plus qu’un alignement mathématique. Elle serait le souvenir figé d’un passé agité, quand Neptune, encore jeune, a migré vers l’extérieur. Dans son sillage, la planète géante aurait piégé des objets errants dans des orbites stables, les “gommant” au passage comme une lame de chasse-neige céleste.
On savait déjà que des résonances comme 3:2 ou 2:1 marquaient cette histoire. Le fait que le rapport 10:1 existe à une telle distance, au-delà de 140 unités astronomiques, suggère que le champ d’influence de Neptune a été bien plus large que ce que l’on imaginait.
Une fenêtre sur une population fantôme
2020 VN40, à lui seul, est une tête d’épingle dans l’immensité. Pourtant, sa seule détection est une alerte. Si cet objet existe, alors des centaines, voire des milliers d’autres peuvent partager son orbite. Des objets de quelques kilomètres à peine, faiblement éclairés, éparpillés dans des zones peu surveillées du ciel.
Les observations à venir du télescope Vera C. Rubin, avec son enquête décennale sur le ciel austral, promettent de révéler cette population fantôme. Grâce à sa cadence rapide et à sa sensibilité accrue, l’instrument devrait traquer ces voyageurs furtifs avant qu’ils ne disparaissent dans les zones inaccessibles de la voûte céleste.
Un système solaire plus complexe qu’on ne le pensait
L’étude de 2020 VN40 enrichit notre compréhension des dynamiques orbitales et des forces gravitationnelles invisibles qui sculptent notre voisinage cosmique. C’est une preuve de plus que le système solaire ne s’est pas figé après sa formation. Il vit encore, lentement, dans des rythmes secrets que seule la patience des astronomes parvient à révéler.
Une planète géante, un objet glacé, quelques pulsations gravitationnelles bien placées : il n’en faut pas plus pour dessiner une danse millénaire, parfaitement réglée, au cœur d’un espace que l’on croyait désert !
Source :
LiDO: Discovery of a 10:1 Resonator with a Novel Libration State
Rosemary E. Pike, Ruth Murray-Clay, Kathryn Volk, Mike Alexandersen, Mark Comte, Samantha M. Lawler, Ying-Tung Chen (陳英同), Arcelia Hermosillo Ruiz, Cameron Semenchuck, Cameron Collyer
Publié le 7 juillet 2025. Publié dans the American Astronomical Society.
The Planetary Science Journal, Volume 6, Number 7
Citation Rosemary E. Pike et al 2025 Planet. Sci. J. 6 156
DOI 10.3847/PSJ/addd22
Image : Rosemary Pike, CfA