Le premier exportateur mondial de pétrole anticipe la fin de l’or noir et prépare un “monstre” capable de produire 400 000 tonnes d’hydrogène vert par an

Date:

Dans le désert saoudien, un monstre d’hydrogène vert deux fois plus grand que Neom se prépare à décoller.

Yanbu, côte ouest de l’Arabie saoudite. Le sable, la chaleur, la mer Rouge à l’horizon. Et bientôt, un champ d’électrolyseurs gigantesque, une forêt de câbles, de tuyaux, de tours industrielles prêtes à produire 400 000 tonnes d’hydrogène vert par an ! C’est l’un des projets les plus fous du moment : le Yanbu Green Hydrogen Hub, piloté par ACWA Power avec le soutien de l’allemand EnBW, qui promet d’être deux fois plus grand que celui de Neom.

Autrement dit ? Le plus gros projet d’hydrogène vert du Moyen-Orient et même du monde… Rien que ça !

Lire aussi :

Yanbu va bientôt héberger la plus grande usine à hydrogène vert du monde avec une production de 400 000 tonnes par an

Attention : pas de magie ici. Pour faire de l’hydrogène vert, il faut casser des molécules d’eau avec de l’électricité. Donc de l’eau ultra pure, des électrolyseurs géants, et surtout… une électricité propre. Pour l’instant, le contrat signé ne couvre que la partie industrielle : les machines, le dessalement, et un terminal d’exportation dédié à l’ammoniac.

L’hydrogène reste très compliqué à transporter alors on le convertit en ammoniac vert, plus stable, plus dense, plus facile à expédier vers les ports d’Europe ou d’Asie. Un peu comme du jus d’hydrogène concentré prêt à l’emploi pour décarboner les industries lourdes.

Les éoliennes, les panneaux solaires ? Pas encore intégrés. Il faudra les ajouter. Et à cette échelle, on parle de plusieurs gigawatts de puissance renouvelable. De quoi couvrir un département français de panneaux, ou aligner des centaines de mâts dans le vent du désert.

L’Allemagne n’a pas de pétrole mais elle a des idées avec cette première mondiale : une usine flottante capable de produire de l’hydrogène à partir la mer et du vent

Une usine géante, pensée comme une plateforme d’export

Le projet intègre tout ce qu’il faut pour produire à la chaîne :

  • une usine de dessalement de l’eau de mer (eh oui, pas de fleuve à Yanbu),
  • 4 gigawatts d’électrolyse pour transformer l’eau en hydrogène,
  • une usine de conversion pour produire de l’ammoniac vert,
  • et un port industriel pour charger les cargos vers l’Europe ou l’Asie.

L’ensemble sera conçu par un duo hispano-chinois : Técnicas Reunidas (Espagne) et Sinopec (Chine). Les deux géants ont 10 mois pour peaufiner les plans. Ensuite, si tout se passe bien, ils enchaîneront sur un contrat de construction de plusieurs milliards d’euros.

Plusieurs pays se rêvent en superpuissance de l’hydrogène

L’Arabie saoudite ne fait pas cavalier seul. Les Émirats arabes unis ont déjà mis plus de 10 milliards d’euros dans leur stratégie hydrogène. Le Maroc, de son côté, déroule un projet colossal à 29 milliards d’euros pour devenir le fournisseur numéro 1 de l’Europe.

Ensemble, ces pays représentent 10 % de toute la capacité mondiale d’électrolyse en projet. Bien sûr, tout cela reste à construire, et les investisseurs scrutent encore les courbes de rentabilité. Mais l’intention est là, affirmée, assumée : le Golfe veut être à l’hydrogène ce que l’OPEP a été au pétrole.

L’Europe regarde, mais tarde à courir

Et nous, en Europe ? On regarde tout ça avec intérêt… et un peu d’inquiétude. L’Union européenne veut produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici 2030. Problème : les projets industriels à grande échelle tardent à émerger, les électrolyseurs coûtent cher, et les décisions d’investissement traînent.

Si on ne se réveille pas, on achètera notre hydrogène vert, ou plutôt notre ammoniac vert, au prix fixé par Riyad et les navires partiront de Yanbu, pas de Dunkerque…

Técnicas Reunidas, en première ligne du grand basculement

Côté industriel, l’espagnol Técnicas Reunidas devient un acteur central de la transition énergétique mondiale. Déjà présent en Arabie saoudite avec 2,2 milliards d’euros de contrats signés en deux ans, l’entreprise travaille aussi à La Robla, en Espagne, sur l’une des plus grandes usines d’e-méthanol d’Europe.

Son ADN ? Ingénierie lourde, intégration CO₂, conversion de molécules vertes, bref, tout ce qu’il faut pour alimenter l’industrie du futur. Et en s’alliant avec Sinopec, l’un des géants chinois de l’énergie, elle entre dans une dimension mondiale, entre désert saoudien et laboratoires espagnols.

Un but pour Ryad : préparer l’avenir

Aujourd’hui encore, l’Arabie saoudite reste le premier exportateur mondial de pétrole brut, avec plus de 7 millions de barils expédiés chaque jour, soit environ 260 milliards de dollars de recettes en 2023. C’est colossal. C’est ce qui a bâti les autoroutes, les tours de verre, et les universités du royaume. Mais sous le sable, les réserves ne sont pas éternelles. Les chiffres officiels parlent d’environ 260 milliards de barils prouvés, mais à ce rythme, le compte à rebours a commencé. Alors Riyad anticipe. Le pétrole a financé le XXe siècle, l’hydrogène vert doit financer le XXIe. En investissant des centaines de milliards dans l’énergie propre, le pays prépare l’après-or noir, sans attendre que le robinet se tarisse. Et cette fois, c’est le soleil et le vent qui devront alimenter les cargos.

Une nouvelle diplomatie de l’énergie se met en place

Soyons lucides : le pétrole ne va pas disparaître demain. Mais l’hydrogène devient une arme géopolitique. Un outil pour exporter de l’énergie propre, sans carbone, et avec un prix à définir. Celui qui maîtrise les volumes, les ports, les contrats d’export… fixera les règles du jeu.

Le projet de Yanbu n’est pas seulement une usine. C’est une ambition diplomatique, industrielle, stratégique. Si Riyad réussit ce pari, alors oui, le Golfe deviendra l’un des centres de gravité de l’hydrogène mondial.

Comment lutter contre la Chine qui construit des centrales nucléaires à 1,84 € le watt quand la France paie le double et les États-Unis près de 14 ?

Principaux projets mondiaux d’hydrogène vert (2025)

Nom du projet Pays Capacité électrolyse (GW) Production annuelle estimée (tonnes H₂) Statut Opérateur principal
Yanbu Green Hydrogen Hub Arabie saoudite 4 400 000 Phase de conception (FEED) ACWA Power / EnBW
NEOM – Helios Green Fuels Arabie saoudite 2.2 240 000 En construction ACWA Power / Air Products / NEOM
Western Green Energy Hub Australie > 3 (phase 1) ~250 000 En développement InterContinental Energy / CWP Global
H2U Eyre Peninsula Gateway Australie 1.5 ~230 000 Phase initiale H2U (Hydrogen Utility)
AMAN (Nouadhibou) Mauritanie 3.5 (prévu) 380 000 Étude de faisabilité CWP Global
Hyphen Hydrogen Energy Namibie 3 (phase 1) ~300 000 Pré-FID Hyphen / Enertrag
Reihnmetall Green Hydrogen Hub Allemagne 1.5 150 000 Planification Reihnmetall / Siemens Energy
La Robla e-Methanol Plant Espagne 0.5 (hydrogène intégré) ~50 000 Pré-FID Técnicas Reunidas

 

Source : https://fuelcellsworks.com/2025/07/28/green-hydrogen/tecnicas-reunidas-and-sinopec-to-design-4-gw-green-hydrogen-to-ammonia-plant-in-saudi-arabia

Image : Port de Neom (vue d’artiste)

Notre site est un média approuvé par Google Actualité.

Ajoutez Media24.fr dans votre liste de favoris pour ne manquer aucune news !

Nous rejoindre en un clic
Suivre-Media24.fr

Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

3 Commentaires

  1. Mais tous ces projets enegges importants, c’est important d’intégrer nous lw acteurs économiques locaux africains et les acteurs nationaux de développement ouest africains francophones dans les besoins urgents de services et d’accès universel à l’énergie.

  2. Bonjour
    En France, les premiers contres seraient le écolos et les partisans de préserver la nature
    D’où notre politique de misère

  3. Les Allemands en ont besoin pour remplacer le gaz Russe et a une production électrique en sous capacité.
    En France, on n’a pas d’usage pour l’hydrogène en grande quantité. La construction de 6GW l’électrolyseurs est tout de même prévue pour remonter les prix spot de production de l’électricité qui deviennent négatifs par moment.
    Le mieux pour la France est d’attendre 10 ans de plus pour que les prix du matériel baissent et voir si d’éventuels usages apparaissent.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Articles connexes

Personne ne l’avait vu venir mais le Groenland a « éclaté » comme un ballon de baudruche à cause d’une gigantesque masse d’eau prisonnière...

Une inondation surgie des profondeurs a éventré la glace du Groenland. Personne ne l’avait vu vue venir et pourtant......

La technologie du laser vit une heure décisive avec 1000 fois plus de puissance pour une taille équivalente grâce à cette avancée américaine

Les lasers géants bientôt miniaturisés grâce à une percée américaine. Une équipe du Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab)...

Plus grande qu’un Paris / Marseille et pourtant oubliée ! Une chaine de volcans “atypique” de 700 km découverte en Chine

Une chaîne de volcans fantômes sous la Chine, plus vieille que les dinosaures. 700 kilomètres, plus que la distance...

Comment lutter contre la Chine qui construit des centrales nucléaires à 1,84 € le watt quand la France paie le double et les États-Unis...

La Chine construit des centrales nucléaires à 1,84 € le watt, la France en paie le double, les...