Bienvenue dans l’ère de l’énergie osmotique !
Solaire, éolien, hydraulique… et maintenant osmose.
Depuis le 5 août 2025, le Japon alimente une partie de sa ville de Fukuoka avec du courant généré par une centrale osmotique et c’est une grande première en Asie.
À l’échelle mondiale, seul le Danemark s’était aventuré jusque-là sur ce terrain. Le Japon devient donc le deuxième pays à démontrer que cette énergie bleue peut passer du concept au concret.
On vous explique dans cet article comment on peut faire de l’électricité avec un simple mélange… D’eau.
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Une centrale qui tourne sans soleil, sans vent, et sans la moindre fumée avec de l’eau de mer
Le procédé utilisé repose sur un principe aussi simple que naturel : l’osmose. D’un côté, on injecte de l’eau douce venant d’une station d’épuration. De l’autre, de l’eau de mer très salée, un résidu produit par une usine de dessalement voisine. Entre les deux : une membrane semi-perméable qui ne laisse passer que les molécules d’eau, et empêche les sels de suivre.
L’eau douce traverse de cette manière la membrane pour diluer la plus salée, ce qui crée une pression osmotique. Une pression suffisante pour faire tourner une turbine. Et donc… produire de l’électricité. Sans combustion, sans fumée, sans climat à surveiller.
Peu de puissance, mais une régularité exemplaire
La centrale de Fukuoka ne va pas faire tourner un métro ou alimenter un parc industriel. Sa production annuelle est estimée à 880 000 kilowattheures, de quoi fournir environ 220 foyers japonais. C’est peu, mais cette électricité a un avantage majeur : elle est constante, jour et nuit, été comme hiver. Pas besoin d’attendre que le vent souffle ou que le soleil perce.
Et comme elle alimente l’usine de dessalement d’où elle tire en partie ses matières premières, le système fonctionne en boucle locale. Une mini-centrale pour une micro-boucle d’eau, dans une logique d’autonomie énergétique optimisée. C’est propre, prévisible, et sans surcoût carbone.
Une idée des années 1950… enfin sortie des cartons
L’osmose comme source d’énergie, ce n’est pas nouveau. En 1954, un chercheur britannique nommé R.E. Pattle en pose les premières bases. Puis dans les années 1970, Sidney Loeb, déjà connu pour avoir co-inventé l’osmose inverse (celle utilisée pour dessaler l’eau), développe le concept de PRO, pour « pression osmotique retardée ».
Pendant des décennies, tout ça est resté sur les bancs des labos. Pourquoi ? Parce que les membranes coûtaient cher, les rendements étaient décevants, et les pertes d’énergie liées aux frottements ou au pompage étaient trop importantes. Bref, la théorie était bonne, mais la pratique ne suivait pas.
Ce qui a changé : les matériaux et les ambitions
Ce qui permet aujourd’hui à l’énergie osmotique de devenir un vrai candidat dans le paysage énergétique mondial, ce sont les nouveaux matériaux. Au Japon, la société Toyobo a mis au point des membranes creuses en fibres polymères capables de laisser passer l’eau tout en bloquant les impuretés, avec un minimum de perte de pression. Ce sont elles qu’on retrouve à Fukuoka, et aussi à Mariager, au Danemark, la toute première centrale de ce type opérationnelle au monde.
D’autres approches émergent aussi. En France, la startup Sweetch Energy travaille sur une technologie appelée INOD (nano-diffusion ionique osmotique), utilisant des membranes bio-sourcées et une meilleure sélectivité ionique. L’objectif est simple : rendre cette énergie compétitive sur le réseau, et pas seulement sur des sites isolés ou expérimentaux.
Un marché encore petit, mais au potentiel immense
Derrière ces avancées discrètes, les perspectives sont vertigineuses. D’après plusieurs instituts spécialisés, le marché mondial de l’énergie osmotique pourrait dépasser 20 milliards d’euros d’ici 2040. Le potentiel théorique est tel qu’à chaque delta ou estuaire, là où l’eau douce se mêle naturellement à l’eau salée, on pourrait générer jusqu’à 1 mégawatt par mètre cube d’eau douce mélangée par seconde.
À peine 1 % des estuaires exploitables suffirait à couvrir la consommation électrique annuelle de plus de 100 millions de personnes. Autrement dit, on tient peut-être là une solution de fond pour les villes côtières, stable, prévisible et locale, qui évite les pics de tension et les pannes de courant.
Des prototypes sont d’ailleurs en cours en Norvège, Corée du Sud, Espagne, Qatar et Australie. On n’en est plus au stade du fantasme technique. On entre dans l’ère des démonstrateurs reproductibles, et ce sont des pays très concrets qui s’en emparent.
Source : https://sj.jst.go.jp/news/202508/n0825-01n.html