Le Japon met à mal 128 ans de théorie sur le magnétisme avec cette découverte qui ouvre la voie à une nouvelle gamme d’appareils électroniques

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Les japonais découvrent un effet de Hall inattendu dans un matériau non magnétique.

En jouant avec un effet électrique connu depuis l’époque de Jules Verne, des chercheurs japonais viennent de chambouler un pan entier de la physique de l’état solide. Ces derniers ont en effet découvert un effet Hall… Dans un matériau non magnétique. On vous explique dans cet article ce que cela veut dire mais pour résumer en un métaphore brillante dont nous avons le secret : c’est un peu comme entendre un solo de guitare électrique sans ampli !

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Connu depuis 1897, l’effet de Hall avait encore un secret à révéler

Dans un conducteur classique, si vous faites circuler un courant électrique et que vous appliquez un champ magnétique perpendiculaire, un petit miracle se produit : une tension apparaît sur les côtés du matériau. C’est ce qu’on appelle l’effet Hall, découvert en 1879 par Edwin Hall. Ce phénomène est aujourd’hui partout : dans les capteurs de vitesse des vélos électriques, les boussoles numériques ou les moteurs de drones.

Lorsque le matériau est magnétique, cet effet prend une tournure différente. On parle alors d’effet Hall anormal (ou AHE pour Anomalous Hall Effect), car la tension transversale mesurée ne provient pas seulement du champ appliqué, mais d’un comportement interne du matériau, souvent lié au spin des électrons.

Ce qu’a démontré l’équipe du professeur Masaki Uchida, à Tokyo, c’est qu’on pouvait obtenir le même résultat dans un matériau non magnétique… en exploitant une autre propriété quantique.

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Une nouvelle vedette en scène : le semimétal de Dirac

Le matériau qui a permis cette découverte s’appelle Cd₃As₂, un semimétal de Dirac. Sous ce nom barbare se cache un cristal dans lequel les électrons se déplacent comme s’ils étaient sans masse, un peu à la manière des photons. Une configuration assez rare, obtenue ici sous forme de films ultra-fins grâce à une technique de dépôt appelée molecular beam epitaxy (en français “épitaxie par jet moléculaire”).

Dans un tel matériau, les points Dirac se comportent comme des carrefours quantiques. En appliquant un champ magnétique dans le plan du matériau, ces carrefours se transforment en points de Weyl, où les électrons prennent des trajectoires plus complexes et orientées. Résultat : le courant se tord, littéralement.

C’est précisément cette torsion électronique qui a permis d’observer un AHE géant, en l’absence de tout magnétisme interne.

Le spin n’est pas à l’origine du phénomène

Plus étonnant encore, l’origine du phénomène. En général, l’effet Hall anormal est attribué au spin des électrons, cette sorte de minuscule boussole quantique. Ici, les chercheurs ont mis en évidence une autre cause : la magnétisation orbitale. En clair, ce ne sont pas les aiguilles des électrons qui s’alignent, mais leurs trajectoires autour du noyau qui s’organisent collectivement sous l’effet du champ.

Ce comportement, beaucoup plus rare, était resté jusqu’ici purement théorique dans les matériaux non magnétiques. Grâce à leur protocole expérimental très précis, les chercheurs ont réussi à isoler ce signal faible et à le quantifier avec une précision chirurgicale.

Illustration de l'effet Hall pour différents sens du courant et du champ magnétique. Légende : 1. Électrons 2. Élément ou capteur à effet Hall 3. Aimants 4. Champ magnétique 5. Source de courant Dans le dessin A, une charge négative apparait à la bordure haute de l'élément (couleur bleue), et une charge positive à sa bordure basse (couleur rouge). En B et C, l'inversion du sens du courant ou de celui du champ magnétique provoque l'inversion de cette polarisation. En D, la double inversion du courant électrique et du champ magnétique donnent à l'élément la même polarisation qu'en A.
Illustration de l’effet Hall pour différents sens du courant et du champ magnétique. Légende : 1. Électrons 2. Élément ou capteur à effet Hall 3. Aimants 4. Champ magnétique 5. Source de courant Dans le dessin A, une charge négative apparait à la bordure haute de l’élément (couleur bleue), et une charge positive à sa bordure basse (couleur rouge). En B et C, l’inversion du sens du courant ou de celui du champ magnétique provoque l’inversion de cette polarisation. En D, la double inversion du courant électrique et du champ magnétique donnent à l’élément la même polarisation qu’en A.

Une porte ouverte vers l’électronique de demain

Cette découverte pourrait avoir des répercussions concrètes dans le domaine des capteurs, notamment les capteurs Hall, qui mesurent des champs magnétiques ou des courants. Aujourd’hui, ils reposent sur des matériaux magnétiques qui peuvent se dérégler avec la température ou s’aimanter avec le temps.

L’AHE observé ici pourrait permettre de concevoir des capteurs plus stables, sans magnétisme résiduel, capables de fonctionner dans des conditions variées, avec une sensibilité accrue. On pourrait aussi envisager des composants logiques basés sur l’orbite des électrons, moins sensibles au bruit thermique.

Ces effets, s’ils sont reproductibles et industrialisables, pourraient donner naissance à toute une gamme de dispositifs électroniques nouveaux, notamment dans les technologies quantiques.

Un vieux phénomène, un nouveau regard

Ce n’est pas la première fois que des effets bien connus prennent un coup de jeune. Ces dernières années, la physique de l’état solide a connu plusieurs rebondissements, souvent grâce à la miniaturisation extrême et à la qualité cristalline des échantillons fabriqués.

La clef ici, c’est l’ingénierie de la structure de bande électronique, une sorte de paysage énergétique que les électrons doivent parcourir. En sculptant ce paysage avec précision, les chercheurs parviennent à faire émerger des comportements collectifs inattendus, à mi-chemin entre l’optique, la mécanique et la théorie quantique.

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La physique des matériaux en pleine révolution

Voici quelques exemples récents qui, comme cette expérience japonaise, repoussent les limites de la matière :

  • Graphène magique : en superposant deux couches de graphène avec un angle précis (1,1 degré), on obtient un supraconducteur.
  • Effet Hall quantique fractionnaire : dans certains semi-conducteurs refroidis à des températures proches du zéro absolu, les électrons s’organisent en quasi-particules portant une fraction de charge.
  • Matériaux topologiques : ces cristaux exotiques conduisent l’électricité uniquement à leur surface, avec des applications possibles en informatique quantique.
  • Céramiques multiferroïques : capables de coupler électricité, magnétisme et déformations mécaniques dans un même matériau.

Chaque découverte ouvre un nouveau pan d’applications, souvent inattendues, qui mettent des années à émerger dans les objets du quotidien. Ce qu’on mesure dans un laboratoire aujourd’hui pourra peut-être demain servir à améliorer la précision d’un GPS, la consommation d’un drone, ou la rapidité d’un capteur médical.

Source :

« Effet Hall anormal dans le semi-métal de Dirac Cd₃As₂ sondé par un champ magnétique dans le plan »
par Shinichi Nishihaya, Hiroaki Ishizuka, Yuki Deguchi, Ayano Nakamura, Tadashi Yoneda, Hsiang Lee, Markus Kriener et Masaki Uchida,
2 septembre 2025, Physical Review Letters.
DOI : 10.1103/5d7l-mr7k

Image de mise en avant réalisée à l’aide de Flux 1.1 Pro Ultra et de Canva à des fins d’illustration de cet article.

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
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