Enfin une bonne nouvelle pour nos rivières avec cette découverte qui va permettre d’inverser la tendance dans nos eaux polluées

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Des filtres au fluor pour nettoyer nos rivières des médicaments que personne ne voit.

Ils sauvent des vies, mais une fois dans l’eau, ils empoisonnent la nature. Les bêta-bloquants, ces médicaments qu’on prescrit contre l’hypertension ou les troubles du rythme cardiaque, passent à travers les stations d’épuration comme des fantômes. Trop petits, trop résistants, trop discrets et au final ils s’infiltrent dans nos rivières, nos lacs, nos écosystèmes.

Même en traces infimes, ils commencent à faire des dégâts. Les poissons changent de comportement. Les algues ne poussent plus comme avant. Les équilibres se dérèglent, sans que personne ne s’en aperçoive.

Sauf qu’en Corée du Sud, une équipe de chercheurs a décidé de s’attaquer au problème molécule par molécule. Ce qu’ils ont trouvé pourrait bien révolutionner le traitement de l’eau dans les années à venir et annonce “ENFIN” une inversion de la tendance dans nos eaux qui consomme sérieusement à regorger de problèmes…

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Bêta-bloquants : trop petits pour être filtrés, trop stables pour disparaître

Dans une station d’épuration classique, on filtre les boues, on décante, on oxygène. C’est très efficace pour les polluants “classiques”. Mais les bêta-bloquants, eux, sont conçus pour résister aux acides de l’estomac, aux enzymes du foie, aux attaques du système digestif. Autant dire qu’un filtre à sable ou à charbon ne leur fait ni chaud ni froid.

Ils traversent les bassins de traitement sans broncher, se retrouvent dans les cours d’eau, et ne se dégradent quasiment pas. Ce sont des polluants persistants. Invisibles. Silencieux. Et ça, c’est un vrai problème.

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Un matériau sur mesure pour capturer l’invisible

L’équipe du professeur Yuhoon Hwang, à la Seoul National University of Science and Technology a alors développé un polymère très spécial : un matériau organique poreux, enrichi en atomes de fluor : un FCOP (pour Fluorinated Covalent Organic Polymer). Derrière ce nom, une idée toute simple : créer une surface qui attire et retient les bêta-bloquants plus efficacement que tout ce qu’on connaissait jusqu’ici.

Une efficacité quasi immédiate

Lors des essais, le matériau a été plongé dans de l’eau contaminée par deux molécules : l’aténolol (ATL) et le métoprolol (MTL). Résultat ? En moins d’une minute, il avait capté 70 % des résidus d’ATL et plus de 67 % de ceux de MTL.

Les chercheurs en outre ont observé un phénomène très particulier : plus la concentration de médicament augmente, plus l’adsorption s’emballe. On l’appelle également courbe sigmoïde, en forme de “S” : d’abord une adsorption lente, puis un décollage brutal passé un certain seuil.

Pourquoi ? Parce que les molécules se mettent à s’empiler les unes sur les autres, au lieu de former une seule couche. Comme si le filtre se transformait en tour de Lego moléculaire. Une propriété rarissime, qu’on ne retrouve pas dans les matériaux classiques.

Trois effets qui font la différence

Alors pourquoi ce FCOP fonctionne-t-il si bien ? La réponse est à chercher dans sa structure chimique.

  1. Les atomes de fluor : ils créent des ponts puissants avec les bêta-bloquants, un peu comme des crochets moléculaires.
  2. La surface chargée négativement : elle attire naturellement les molécules chargées positivement comme un aimant attire le fer.
  3. Le caractère hydrophobe : les molécules “n’aiment pas l’eau” et préfèrent se réfugier sur la surface du FCOP. Elles s’y entassent, formant des couches successives.

Trois mécanismes qui agissent ensemble, et donnent à ce matériau une efficacité que les chercheurs eux-mêmes ne soupçonnaient pas au départ.

Un filtre pour demain, pensé dès aujourd’hui

Ce matériau a été conçu pour être simple à produire, sans catalyseurs complexes, et pourrait être intégré dans les futures stations d’épuration. Soit comme filtre modulaire, soit comme membrane, soit même dans des cartouches à insérer en sortie de traitement.

Ce mécanisme n’est par ailleurs pas limité aux bêta-bloquants. Si on ajuste la surface du matériau, on pourrait viser d’autres molécules pharmaceutiques : antidépresseurs, contraceptifs, anti-inflammatoires… Tous ces résidus que l’on retrouve aujourd’hui dans les milieux aquatiques sans moyen simple de les éliminer.

Une eau devenue un cocktail invisible

Le cas des bêta-bloquants n’est en effet que la partie émergée de l’iceberg. Aujourd’hui, l’eau du robinet, des rivières ou des nappes phréatiques contient des traces de dizaines de substances chimiques que nos systèmes actuels ne filtrent pas ou très mal. Antibiotiques, antidépresseurs, hormones de synthèse, résidus de chimiothérapie : autant de molécules conçues pour être actives, puissantes, et surtout très résistantes à la dégradation.

À cela s’ajoutent les microplastiques, issus de l’usure des pneus, des vêtements synthétiques ou de l’industrie cosmétique. Présents dans 100 % des échantillons analysés en eau douce et en mer, ils servent de vecteurs à d’autres polluants, comme les métaux lourds ou les perturbateurs endocriniens.

Les pesticides et les engrais azotés, quant à eux, polluent massivement les nappes et les cours d’eau, affectant non seulement les organismes aquatiques, mais aussi la qualité de l’eau potable. Même à faibles doses, ces polluants ont des effets cumulatifs sur la santé humaine et animale.

Il devient urgent de passer d’un traitement de masse à un traitement de précision, capable d’intercepter ces polluants un par un, selon leur structure chimique. Cette découverte coréenne est un premier pas dans la bonne direction.

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Récapitulatif des pollutions émergentes dans l’eau

Polluant Origine principale Effets environnementaux Difficulté de traitement
Bêta-bloquants Médicaments cardiovasculaires Altère le comportement des poissons, persistance dans l’eau Très élevée
Antibiotiques Médecine humaine et vétérinaire Résistance bactérienne, déséquilibre des écosystèmes microbiens Très élevée
Antidépresseurs Psychotropes humains Affecte le système nerveux des poissons et invertébrés Élevée
Hormones (contraceptifs) Pilules contraceptives, traitements hormonaux Perturbation endocrinienne, féminisation des poissons Très élevée
Microplastiques Textiles, cosmétiques, pneus, emballages Accumulation dans la chaîne alimentaire, transport de toxiques Élevée
Pesticides Agriculture intensive Toxiques pour les insectes aquatiques, algues et amphibiens Moyenne
Nitrates/nitrites Engrais azotés Eutrophisation, prolifération d’algues toxiques Moyenne
Métaux lourds Industrie, corrosion de canalisations Neurotoxicité, bioaccumulation dans les organismes aquatiques Variable selon le métal

 

Source :

Etude principale de cet article :

Efficient removal of beta-blockers from water using fluorinated covalent organic polymers: Insights into sigmoidal adsorption behavior and environmental applications, (en français : Élimination efficace des bêta-bloquants présents dans l’eau à l’aide de polymères organiques covalents fluorés : “analyse du comportement d’adsorption sigmoïdal et applications environnementales”)
Soyeon Kim, Yuri Park, Yuhoon Hwang,
Environmental Research,
Volume 285, Part 3,
2025,
122439,
ISSN 0013-9351,
https://doi.org/10.1016/j.envres.2025.122439

Sources secondaires :

  • Interview du Pr Yuhoon Hwang – Communiqué officiel de SeoulTech, octobre 2025
  • World Health Organization (OMS) – “Pharmaceuticals in Drinking Water”, rapport 2023
  • United Nations Environment Programme (UNEP) – “Bracing for Superbugs”, rapport sur les antibiotiques dans l’environnement, 2023
  • INRAE / CNRS – “Microplastiques dans les eaux douces : état des connaissances et impacts écologiques”, synthèse 2024
  • European Medicines Agency (EMA) – Environmental Risk Assessment of Medicinal Products, ligne directrice 2022
  • Observatoire de l’Eau et de la Biodiversité – “Pesticides et nitrates : contamination des eaux françaises”, bilan annuel 2024
  • Ifremer – Étude 2022 sur la présence de métaux lourds et microplastiques dans les zones littorales françaises
  • Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) – Fiche “Résidus de médicaments dans l’eau”, mise à jour mars 2025

Image : Ecosystème goutte d’eau contexte de la nature pour la campagne de la journée de la terre (Freepik)

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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