Béton connecté : comment Saint-Gobain digitalise les chantiers avec Maturix
Dans le petit monde des matériaux de construction, il y a parfois des annonces qui passent inaperçues… à tort. Le 18 juin 2025, Saint-Gobain, entreprise tricentenaire, a discrètement renforcé son emprise numérique sur le béton en s’alliant avec un spécialiste danois de la donnée en temps réel.
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Le béton, une vieille affaire française qui entame une mue technologique et écologique
Le béton est une invention française qui a fêté récemment ses 200 ans. C’est Louis Vicat, ingénieur des Ponts et Chaussées, qui élabore dès 1817 les bases du ciment artificiel, ancêtre du ciment Portland qui est désormais partout : dans les ponts, les écoles, les parkings, les éoliennes, les barrages, les stades, les stations d’épuration etc
On en coule près de 30 milliards de tonnes chaque année dans le monde, soit plus de 3 500 kilogrammes par habitant, chaque année !
Malheureusement son principal ingrédient, le ciment, est l’un des plus gros émetteurs de CO₂ de l’industrie mondiale. À lui seul, il est responsable de près de 8 % des émissions planétaires de dioxyde de carbone. Pas parce qu’on le transporte en camion, mais parce qu’on le produit dans d’énormes fours à plus de 1 400 °C, où l’on calcine du calcaire, en libérant naturellement du CO₂.
Le marché mondial du béton représentait, en 2024, environ 750 milliards d’euros. Il devrait franchir la barre des 1 000 milliards d’euros d’ici 2030, sous la pression conjuguée de l’urbanisation galopante et de la transition énergétique.
On est donc face à un double enjeu écologique et économique.
Saint-Gobain face à un défi climatique en béton armé
Saint-Gobain fait partie des groupes dans le monde qui agit au quotidien pour trouver des solutions capable d’influer sur la transition écologique du BTP tout en ne faisant pas exploser les couts, une gageure ! Le groupe a tout de même trouvé 4 leviers sur lesquels agir :
Premier levier : l’optimisation de la formulation. En réduisant la quantité de ciment dans les bétons, grâce à des ajouts minéraux comme les cendres volantes ou les laitiers de haut fourneau, on abaisse les émissions sans compromettre la performance.
Deuxième levier : la précision permise par le numérique. Avec les solutions Maturix et Verifi (comme on le verra plus bas), les entreprises peuvent couler le juste volume nécessaire, au bon moment, avec le bon dosage. Cela évite les gâchis, les reprises et les démolitions inutiles, autant de sources de pollution évitable.
Troisième levier : l’analyse des données en temps réel pour adapter la production à la demande, réduire les stocks dormants, ajuster les chaînes logistiques et mieux planifier les coulages.
Quatrième levier : La recherche dans des bétons « bas carbone », développés en laboratoire, testés sur site et validés sur des projets pilotes.
Le rachat de Maturix et son savoir-faire dans le numérique
Sur un chantier, le béton est souvent un vrai défi technique. Son durcissement, appelé « cure », dépend de la température, de l’humidité, et du type d’adjuvants utilisés.
C’est là que la technologie Maturix entre en jeu : cette société danoise propose des capteurs sans fil intelligents, capables de suivre en direct les caractéristiques du béton pendant sa phase de durcissement.
Grâce à ces capteurs, il est désormais possible de savoir exactement quand décoffrer, quand monter l’étage suivant ou quand libérer les moules.
Résultat : un gain de temps qui peut aller jusqu’à 50 % sur les cycles de bétonnage. Ce n’est pas rien quand on sait qu’un retard de 24 heures sur un chantier coûte parfois des dizaines de milliers d’euros.
Une technologie qui parle béton
Les capteurs Maturix ne se contentent pas de surveiller. Ils communiquent en continu avec les équipes, via une plateforme numérique consultable sur ordinateur ou smartphone.
La température du béton est surveillée en temps réel, et les courbes de résistance s’affichent automatiquement, selon les normes locales. Un ingénieur peut ainsi vérifier à distance si le béton coulé la veille au Danemark a atteint les 25 mégapascals requis, depuis son bureau à Paris.
Un tandem numérique : Maturix + Verifi
Saint-Gobain ne mise pas uniquement sur Maturix. Le groupe possède déjà dans son giron Verifi®, une solution développée par GCP, qui surveille non pas le durcissement sur site, mais la qualité du béton en transit.
Imaginez un camion-toupie équipé de capteurs qui mesurent la consistance du béton, sa température et son homogénéité pendant le trajet. Si le béton commence à se séparer ou à durcir trop tôt, un correctif peut être injecté automatiquement dans la toupie.
Maturix intervient après la livraison, sur le chantier. Verifi agit pendant le transport. Ensemble, ils forment une boucle complète de contrôle qualité, de l’usine au coffrage.
L’industrie du béton entre dans l’ère du smart building
En intégrant ces technologies, Saint-Gobain crée une offre numérique intégrée sur toute la chaîne de valeur : formulation, production, transport, mise en œuvre.
Ce virage s’inscrit dans une stratégie plus large : la digitalisation de la construction. Un secteur encore très manuel, mais où les capteurs, l’IA et la donnée prennent de plus en plus de place et pourrait aider comme on l’a vu à atteindre des objectifs économiques et écologiques particulièrement ambitieux.
Source :
- Saint Gobain
- GIEC
- https://www.businessresearchinsights.com/fr/market-reports/construction-materials-market-101796
Image : Silhouettes de chantier (Freepik)
Bonjour vous ne mentionne pas un 5e levier aussi important, le recyclage du béton broyé qui économiser une grande.de quantité de béton neuf si je puis dire
Très intéressant, mais non, le béton n’est pas une invention française. Les Romains ont mis au point un excellent béton. La voûte du Panthéon à Rome est en béton et elle a très bien résisté pendant deux millénaires !