Pile à combustible à céramique protonante utilisant l’ammoniac direct, bientôt une réalité ?

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Les piles à combustible (PAC) sont au cœur des recherches sur la transition énergétique, en raison de leur potentiel pour convertir l’énergie chimique en électricité de manière plus propre et efficace. Une étude récente, menée par une équipe de chercheurs de l’université de Fuzhou, et publiée dans Frontiers in Energy, marque une avancée significative dans ce domaine. Cette étude présente une amélioration notable des performances des piles à combustible à céramique protonante utilisant l’ammoniac direct (DA-PCFCs), grâce à une couche catalytique à base de nickel (Ni) et de ruthénium (Ru), supportée par de l’oxyde de cérium (CeO2). Cette innovation pourrait ouvrir la voie à des solutions énergétiques plus durables, en particulier dans un contexte où l’ammoniac, carburant riche en hydrogène et neutre en carbone, devient de plus en plus attrayant pour la production d’énergie.

L’ammoniac : un carburant prometteur mais complexe

L’ammoniac (NH3) est progressivement reconnu comme une alternative prometteuse aux combustibles fossiles traditionnels dans les technologies énergétiques, notamment dans les piles à combustible. Cela est dû à sa forte teneur en hydrogène (qui est l’élément essentiel pour les réactions électrochimiques dans les PAC) et à son potentiel de réduction des émissions de carbone, puisqu’il ne contient pas de carbone dans sa structure moléculaire. Ces propriétés font de l’ammoniac un candidat attractif pour remplacer l’hydrogène traditionnel dans les piles à combustible à oxyde solide (SOFCs).

Cependant, bien que l’ammoniac présente de nombreux avantages en tant que carburant, obtenir des performances électrochimiques satisfaisantes dans une gamme de températures intermédiaires (500–600 °C) a longtemps été un défi. Les chercheurs se concentrent donc sur le développement de catalyseurs efficaces qui non seulement facilitent la décomposition de l’ammoniac en ses composants de base (azote et hydrogène), mais qui optimisent également les réactions électrochimiques dans les PAC.

La solution CeO2 : une couche catalytique innovante

Afin de relever ces défis, l’équipe dirigée par Yu Luo et Yunyun Huang a mis au point une approche innovante en utilisant une couche catalytique supportée par l’oxyde de cérium (CeO2), combinée à des métaux tels que le Ni et le Ru. Cette couche catalytique a été conçue pour améliorer les performances des DA-PCFCs, en facilitant à la fois la décomposition de l’ammoniac et les réactions électrochimiques dans l’anode.

Ce support CeO2 joue un rôle crucial dans la stabilité des catalyseurs métalliques. Le cérium, avec ses propriétés redox exceptionnelles, permet d’améliorer l’activation des molécules de carburant et favorise la décomposition de l’ammoniac, tout en minimisant les phénomènes de dégradation qui limitent souvent la durée de vie des catalyseurs. En combinant le Ni et le Ru avec ce support, les chercheurs ont pu reconstruire efficacement la surface de l’anode et optimiser la réaction d’oxydation de l’hydrogène à des températures intermédiaires.

Structure du système et performance

L’étude a examiné les performances électrochimiques d’une pile à combustible construite avec une architecture spécifique. L’électrolyte utilisé est le BaZr0.1Ce0.7Y0.2O3–δ (BZCY), un matériau réputé pour ses propriétés de conductivité protonique. Le cathode est constitué de Ba0.5Sr0.5Co0.8Fe0.2O3–δ (BSCF), qui présente une activité élevée pour la réduction de l’oxygène.

La pile a été testée en utilisant l’ammoniac comme carburant, sur une plage de températures de 500 à 700 °C. Ce choix de températures reflète les conditions idéales pour optimiser à la fois l’efficacité du catalyseur et la conductivité de l’électrolyte sans nécessiter des températures extrêmes, ce qui est souvent un obstacle à la commercialisation des PAC.

L’introduction de la couche M(Ni,Ru)/CeO2 a eu un effet remarquable sur l’amélioration des performances de la pile. En particulier, les densités de puissance de crête (PPD) ont été largement augmentées, notamment à des températures intermédiaires. Par exemple, à 700 °C, la pile avec catalyseur Ni/CeO2 a montré une réduction du taux de dégradation de la PPD à seulement 13,3 %, tandis qu’à 500 °C, ce taux était de 30,7 %. Cette baisse significative du taux de dégradation, en particulier à haute température, suggère que l’intégration du catalyseur à base de CeO2 offre une meilleure stabilité et une meilleure résistance à la dégradation.

Les catalyseurs Ni et Ru : une comparaison technique

Une autre partie importante de cette étude porte sur la comparaison entre le Ni et le Ru en tant que catalyseurs pour la décomposition de l’ammoniac. Bien que le nickel ait longtemps été utilisé comme catalyseur dans les piles à combustible en raison de son coût relativement faible et de sa bonne efficacité à haute température, l’étude montre que le ruthénium offre des performances supérieures à des températures inférieures à 600 °C. À des températures plus élevées, cependant, le catalyseur au Ni tend à prendre l’avantage en termes de stabilité et de réduction des coûts.

Le ruthénium semble être particulièrement prometteur pour les DA-SOFCs fonctionnant à des températures intermédiaires, là où les réactions chimiques nécessitent une grande activité catalytique mais sans atteindre des conditions thermiques trop extrêmes. Toutefois, au-delà de 600 °C, l’effet de renforcement du Ru devient moins significatif, et le nickel reprend une position plus favorable en raison de sa meilleure durabilité dans ces conditions. Ce contraste de performance entre les deux métaux illustre la nécessité d’adapter le catalyseur en fonction des conditions opérationnelles spécifiques de chaque système de pile à combustible.

Défis à relever et perspectives de développement

Malgré les progrès impressionnants réalisés par cette étude, plusieurs défis technologiques et scientifiques subsistent avant que ces systèmes puissent être déployés à grande échelle. Parmi eux, la stabilité à long terme des couches catalytiques, notamment en ce qui concerne la tolérance aux impuretés présentes dans l’ammoniac, ainsi que la capacité à maintenir des performances optimales dans des conditions d’exploitation continues, restent des priorités de recherche.

Par ailleurs, les aspects économiques doivent également être pris en compte. L’utilisation du ruthénium, bien que très efficace à des températures intermédiaires, est limitée par son coût élevé, ce qui pourrait freiner son adoption dans des applications commerciales. En revanche, l’utilisation du nickel, bien que moins performant à basse température, pourrait offrir une solution plus rentable à long terme.

Une transition énergétique plus durable ?

L’étude menée par l’université de Fuzhou ouvre de nouvelles perspectives pour l’utilisation de l’ammoniac comme carburant alternatif dans les piles à combustible. Grâce à l’introduction d’une couche catalytique CeO2 supportant des métaux tels que le Ni et le Ru, cette recherche démontre une amélioration significative des performances électrochimiques des DA-PCFCs, en particulier dans des plages de températures intermédiaires.

Cette avancée constitue un pas important vers le développement de solutions énergétiques plus efficaces et durables, notamment dans un contexte où la transition vers des carburants neutres en carbone devient une priorité mondiale. Cependant, des travaux supplémentaires seront nécessaires pour optimiser la durabilité des systèmes, réduire les coûts des matériaux et améliorer la tolérance aux impuretés des carburants.

L’avenir des piles à combustible à ammoniac direct semble prometteur, mais leur développement continu dépendra de la capacité des chercheurs et des ingénieurs à surmonter les défis techniques restants. Avec des innovations comme celle-ci, l’ammoniac pourrait devenir une composante clé du paysage énergétique de demain, offrant une voie vers une énergie propre, efficace et plus respectueuse de l’environnement.

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Eric GARLETTI
Eric GARLETTIhttps://www.eric-garletti.fr/
Je suis curieux, défenseur de l'environnement et assez geek au quotidien. De formation scientifique, j'ai complété ma formation par un master en marketing digital qui me permet d'aborder de très nombreux sujets.

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