La reconnaissance individuelle, une capacité souvent associée aux vertébrés dotés de grands cerveaux, a été identifiée chez une espèce d’arachnides : Phidippus regius, une araignée sauteuse. Des chercheurs de l’Université de Neuchâtel et de l’Institut Médical de Taipei ont mené une série d’expériences pour démontrer que cette espèce, pourtant asociale, est capable de distinguer des congénères grâce à une mémoire sociale à long terme.
Une approche expérimentale rigoureuse
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont utilisé une méthode de « habituation-déshabituation ». Des paires d’araignées ont été confrontées visuellement dans des conteneurs transparents pendant sept minutes, suivies de trois minutes de séparation visuelle. Les chercheurs ont ensuite réintroduit soit la même araignée (habituation), soit une nouvelle araignée (déshabituation). Les distances inter-individuelles dans le plan XY ont été mesurées pour quantifier l’intérêt entre les individus.
Les résultats montrent que l’intérêt diminue lorsque l’araignée est exposée plusieurs fois au même individu, mais revient fortement lorsqu’elle est confrontée à un nouvel individu. Cela suggère une reconnaissance individuelle basée sur une mémoire sociale durable.
Des résultats inattendus chez une espèce asociale
Contrairement aux espèces sociales où la reconnaissance individuelle apporte des avantages adaptatifs évidents (réduction des agressions, choix de partenaires), Phidippus regius présente un comportement largement solitaire. Cette capacité cognitive pose donc une question essentielle : quel est le bénéfice évolutif d’une telle aptitude chez une espèce asociale ?
Les chercheurs proposent que cette aptitude pourrait être un sous-produit de l’évolution de stratégies complexes de chasse et de navigation. Les araignées sauteuses, comme Phidippus regius, utilisent des techniques sophistiquées pour localiser et capturer leurs proies, ce qui pourrait refléter une capacité générale d’apprentissage flexible et d’adaptabilité.
Implications pour la recherche sur les petites cerveaux
Ces découvertes remettent en question l’idée que les animaux dotés de petits cerveaux ont des capacités cognitives limitées. L’étude révèle que la reconnaissance individuelle repose sur des mécanismes cognitifs complexes, notamment la mémoire sociale à long terme. Ces processus impliquent des représentations mentales, similaires à celles observées chez des espèces beaucoup plus évoluées.
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Une nouvelle perspective sur l’intelligence animale
En démontrant que Phidippus regius est capable de reconnaissance individuelle, cette étude ouvre la voie à une redéfinition de la cognition chez les invertébrés. Ces travaux illustrent l’importance de poursuivre les recherches sur les interactions sociales et la mémoire chez les espèces moins étudiées. Ils soulignent également que l’évolution de l’intelligence ne se limite pas à la taille du cerveau, mais dépend de la complexité des écologies comportementales.
Je vis dans le sud de la France et il y a de toutes petites araignées sauteuses dans mon environnement. Un jour que l’une d’entre elles se déplaçait sur la table il m’est venu à l’idée de lui parler doucement. À ma grande surprise, au lieu de se sauver très vite, elle a levé la tête et m’a écoutée un moment.
Difficile de dire s’il s’agissait d’une interaction ou d’un hasard mais on peut supposer qu’une espèce pour survivre a besoin de connaître les conditions de son environnement et donc de s’intéresser aux espèces qui l’entourent