Une nouvelle étude menée par des scientifiques de Penn State met en lumière la vulnérabilité accrue des mouches, pollinisateurs essentiels mais souvent négligés, face au réchauffement climatique. Publiée dans le Journal of Melittology, cette recherche révèle que ces insectes jouent un rôle clé dans la pollinisation de nombreuses cultures et écosystèmes, mais leur faible tolérance à la chaleur pourrait gravement compromettre leur survie.
Les mouches : des pollinisateurs méconnus mais indispensables
Malgré leur réputation peu flatteuse, les mouches se classent au deuxième rang des pollinisateurs mondiaux, juste derrière les abeilles. Leur contribution est essentielle à la fois pour les écosystèmes naturels et pour l’agriculture. Elles interviennent notamment dans la reproduction des plantes, favorisant la biodiversité et le maintien des chaînes alimentaires.
Certaines espèces de mouches, comme les syrphes et les mouches à viande, jouent un rôle déterminant dans la pollinisation de cultures stratégiques telles que les cacaoyers, à l’origine du chocolat. Une analyse réalisée en 2020 a estimé que les cultures bénéficiant des pollinisateurs ont une valeur économique brute dépassant 800 milliards de dollars, les mouches occupant une place centrale dans ce processus.
Une vulnérabilité accrue aux températures élevées
Les insectes, incapables de réguler leur température corporelle, sont particulièrement sensibles au réchauffement climatique. L’étude s’est concentrée sur le “maximum thermique critique” (CTMax) de diverses espèces de mouches et d’abeilles dans des régions tropicales et subtropicales des Amériques. Le CTMax représente la température maximale qu’un insecte peut tolérer avant de perdre sa motricité.
Les résultats montrent que les abeilles peuvent supporter en moyenne des températures supérieures de 2,3 degrés Celsius à celles tolérées par les mouches. De plus, les mouches des zones tropicales d’altitude, comme Cajicá en Colombie, affichent des CTMax particulièrement bas, les rendant extrêmement vulnérables à de légères augmentations de température.
Une diversité géographique et temporelle des tolérances thermiques
L’étude révèle également que la tolérance à la chaleur varie selon l’heure de la journée pour les abeilles : celles actives le matin, lorsque les températures sont plus fraîches, présentent un CTMax supérieur à celles qui butinent l’après-midi.
La géographie joue aussi un rôle important. Les insectes des régions tropicales à haute altitude sont nettement moins résistants que ceux des zones subtropicales comme la Californie ou le Texas. Ces différences soulignent la nécessité de stratégies adaptées pour protéger les pollinisateurs des environnements les plus menacés.
Des conséquences écologiques et agricoles majeures
Dans certains environnements, comme les zones alpines ou subarctiques, les mouches constituent les principaux pollinisateurs. La disparition de ces espèces en raison du réchauffement climatique pourrait entraîner des perturbations graves, affectant directement la reproduction des plantes, la disponibilité des ressources alimentaires et les habitats pour d’autres organismes.
En agriculture, les pertes pourraient également être considérables. Les mouches sont impliquées dans la pollinisation de nombreuses cultures stratégiques, et leur disparition pourrait avoir des répercussions économiques et alimentaires à grande échelle.
Une approche collaborative et innovante
L’étude, menée en partie pendant la pandémie de COVID-19, s’est appuyée sur une collaboration internationale inédite. Les chercheurs ont envoyé du matériel à des étudiants basés dans différents pays des Amériques, leur permettant de collecter des données directement depuis leur domicile. Cette approche décentralisée a permis d’étudier un large éventail d’espèces et d’environnements malgré les restrictions de déplacement.
Vers une meilleure reconnaissance des mouches
Les auteurs de l’étude, dirigés par Margarita López-Uribe, appellent à une reconnaissance accrue du rôle des mouches en tant que pollinisateurs essentiels. Comme les abeilles, elles subissent les conséquences de la perte d’habitat, des pesticides, des maladies et du changement climatique.
“Il est temps de mieux reconnaître leur rôle et de mettre en place des mesures pour les protéger”, souligne López-Uribe.
Des solutions pour un avenir incertain
Face à ces constats, plusieurs pistes peuvent être explorées pour préserver ces pollinisateurs :
- Réduire l’usage des pesticides afin de limiter les impacts négatifs sur les mouches.
- Protéger les habitats naturels, notamment dans les zones les plus vulnérables aux variations climatiques.
- Promouvoir la recherche et la sensibilisation, afin de mieux comprendre et valoriser le rôle des mouches dans la pollinisation.
En adoptant ces mesures, il serait possible d’atténuer les conséquences du réchauffement climatique sur ces pollinisateurs souvent oubliés mais pourtant essentiels à l’équilibre de nos écosystèmes.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.17161/jom.vi122.22505