Imaginez un élément né aux premiers instants de l’Univers, il y a plus de 13 milliards d’années, et qui serait encore présent dans les profondeurs de notre planète. C’est le cas de l’hélium-3, un isotope rare de l’hélium, vestige du Big Bang. Des études récentes suggèrent que des quantités significatives de cet hélium primordial pourraient être piégées dans le noyau terrestre, offrant ainsi de nouvelles perspectives sur la formation et l’évolution de la Terre.
L’hélium-3 : un isotope aux origines cosmiques
L’hélium-3 (He-3) est un isotope léger de l’hélium, composé de deux protons et d’un neutron. Contrairement à l’hélium-4, majoritaire sur Terre et produit principalement par la désintégration radioactive d’éléments lourds comme l’uranium et le thorium, l’hélium-3 est considéré comme primordial. Il a été synthétisé lors de la nucléosynthèse primordiale, quelques minutes après le Big Bang, en même temps que l’hydrogène et l’hélium-4. Dans l’Univers, l’hélium est le deuxième élément le plus abondant après l’hydrogène, constituant environ 24 % de la masse de la matière baryonique.
Des fuites d’hélium-3 à la surface terrestre
Chaque année, environ 2 kilogrammes d’hélium-3 s’échappent des dorsales médio-océaniques et des points chauds volcaniques, tels que Hawaï et l’Islande. Ces émissions indiquent la présence de réservoirs profonds d’hélium-3 à l’intérieur de la Terre. Cependant, la question de la localisation précise de ces réservoirs restait en suspens.
L’hélium et le fer : une association inattendue au cœur de la Terre
Des chercheurs de l’Université de Tokyo, dirigés par le professeur Kei Hirose, ont récemment mené des expériences pour comprendre comment l’hélium pourrait être stocké dans le noyau terrestre. En utilisant une cellule à enclumes de diamant chauffée au laser, ils ont soumis des échantillons de fer et d’hélium à des pressions comprises entre 5 et 55 gigapascals (soit 50 000 à 550 000 fois la pression atmosphérique) et à des températures allant de 1 000 à près de 3 000 kelvins. Ils ont découvert que, dans ces conditions extrêmes, l’hélium peut se dissoudre dans le fer à des concentrations atteignant 3,3 %, soit environ 5 000 fois plus que ce qui avait été observé précédemment.
Implications pour la formation et l’évolution de la Terre
Cette découverte suggère que le noyau terrestre pourrait servir de réservoir majeur pour l’hélium-3 primordial. La capacité du fer à dissoudre l’hélium sous haute pression et haute température pourrait expliquer comment cet isotope est resté piégé depuis la formation de la Terre, il y a environ 4,5 milliards d’années. De plus, la présence d’hélium-3 dans le noyau pourrait influencer les propriétés thermiques et dynamiques de la Terre, notamment la convection du manteau et le géomagnétisme
Une structure cachée découverte dans le noyau terrestre intrigue les chercheurs
Nouvelles perspectives sur la géochimie profonde
La découverte de la solubilité de l’hélium dans le fer à des conditions extrêmes ouvre de nouvelles avenues de recherche en géochimie et en géophysique. Elle pourrait aider à mieux comprendre les échanges de matières entre le noyau et le manteau, ainsi que l’origine des gaz rares observés à la surface. De plus, cela pourrait fournir des indices sur la composition du noyau terrestre et sur les processus ayant conduit à la formation de la Terre et des autres planètes telluriques.
Résumé
- L’hélium-3 est un isotope primordial formé lors du Big Bang
- Des fuites d’hélium-3 sont observées à la surface terrestre, notamment dans les zones volcaniques
- Des expériences récentes montrent que l’hélium peut se dissoudre dans le fer sous des conditions extrêmes de pression et de température
- Cette découverte suggère que le noyau terrestre pourrait contenir des quantités significatives d’hélium-3
- La présence d’hélium-3 dans le noyau a des implications pour la compréhension de la formation et de l’évolution de la Terre.
- Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives en géochimie et en géophysique pour l’étude des profondeurs terrestres
Source de l’étude : https://dx.doi.org/10.1103/PhysRevLett.134.084101