Quand on parle de protection des côtes et de lutte contre le changement climatique, on imagine des digues, des forêts sous-marines de kelp ou des bancs d’huîtres filtrant l’eau. Mais qui aurait parié sur une limace de mer de quelques centimètres comme protectrice de nos écosystèmes marins ?
Et pourtant, Phyllaplysia taylori, une discrète petite limace des herbiers de la côte Ouest des États-Unis, se révèle être un atout inattendu. Une équipe de chercheurs de Chapman University vient de démontrer que cette espèce est non seulement très tolérante aux hausses de températures, mais aussi génétiquement résiliente sur une vaste zone géographique.
Autrement dit : un parfait petit auxiliaire pour la restauration des herbiers sous-marins !
Les herbiers marins : des poumons bleus menacés
Les herbiers de zostères, ces prairies sous-marines où vit notre fameuse limace, jouent un rôle essentiel pour l’équilibre côtier. Ils stockent d’immenses quantités de carbone, protègent les rivages contre l’érosion et servent de nurseries à une multitude d’espèces marines, dont des poissons commerciaux.
Mais ces herbiers subissent de plein fouet les activités humaines : urbanisation du littoral, pollutions agricoles, hausse des températures… Un autre fléau les menace particulièrement : la prolifération d’algues microscopiques (appelées épiphytes), qui se fixent sur leurs feuilles et les privent de lumière.
Et c’est justement là qu’intervient Phyllaplysia taylori.
Une équipe de nettoyage ultra-efficace
Les chercheurs ont découvert que ces petites limaces jouent le rôle de nettoyeuses d’herbiers. Elles se nourrissent des algues parasites qui envahissent les zostères, leur permettant ainsi de mieux capter la lumière et de poursuivre leur photosynthèse.
Mais ce n’est pas tout. La dernière étude révèle que Phyllaplysia taylori possède une tolérance thermique impressionnante. Certains individus supportent une plage de températures étendue de 11 °C, du jamais vu chez une seule et même espèce ! Cela signifie qu’ils pourront continuer leur service de nettoyage même si les océans deviennent plus chauds.
Autre surprise : ces limaces forment une seule grande population génétiquement connectée, de Washington jusqu’à la baie de Morro en Californie, alors qu’elles n’ont pas de stade larvaire flottant. D’une manière ou d’une autre, elles parviennent à se disperser sur des centaines de kilomètres.
Une révolution pour la restauration écologique
Habituellement, les projets de restauration des herbiers se contentent de replanter des zostères, en espérant que l’écosystème suivra. Mais cette étude change la donne.
Intégrer les limaces de mer dans ces initiatives pourrait être une stratégie bien plus efficace. Elles aideraient à maintenir la santé des nouvelles plantations en limitant naturellement les algues nuisibles, sans avoir recours à des interventions humaines lourdes et coûteuses.
Les chercheurs ne comptent pas s’arrêter là : un nouveau projet financé par l’USC Sea Grant, en collaboration avec l’Université de Washington, vise à tester cette idée sur le terrain. L’objectif ? Évaluer comment ces limaces peuvent être mobilisées pour booster les réussites des efforts de restauration côtière.
Ce qu’il faut retenir
- Les herbiers marins sont cruciaux pour l’écosystème côtier, mais subissent des menaces grandissantes.
- Phyllaplysia taylori joue un rôle-clé en nettoyant ces prairies sous-marines des algues envahissantes.
- Sa tolérance thermique record lui permet de survivre dans des conditions extrêmes.
- Elle forme une population génétiquement connectée sur un vaste territoire, assurant sa résilience.
- Son intégration aux projets de restauration des herbiers pourrait maximiser leur succès.
- Une expérimentation grandeur nature est en cours pour confirmer son impact positif.
- Une toute petite limace pourrait bien devenir une grande alliée de la protection des côtes !
Source de l’histoire : http://dx.doi.org/10.1002/ecs2.70191
Crédit photo : Chapman University