Révolution scientifique : l’eau se divise en deux liquides distincts à haute pression

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L’eau nous entoure, nous hydrate, alimente nos rivières, façonne nos paysages… Mais la connaissez-vous vraiment ? Derrière son apparente simplicité, elle cache des comportements fascinants et parfois contre-intuitifs. Des chercheurs de l’université de Californie à San Diego viennent de lever le voile sur l’un de ses mystères les plus intrigants : à haute pression et basse température, l’eau liquide ne serait pas une, mais deux.

Une eau ? Non. Deux eaux. Une phase de haute densité et une phase de faible densité. Jusque-là, cette hypothèse, formulée en 1992, restait une simple prédiction théorique. Aujourd’hui, grâce à des simulations ultraréalistes basées sur des modèles moléculaires avancés, elle prend enfin forme.

Quand l’eau liquide devient… deux liquides

L’eau, en général, c’est homogène. Chaque molécule se fond dans l’ensemble sans différence notable. Mais à une température extrêmement basse (198 kelvins, soit -103 °C) et sous une pression de 1 250 fois celle de notre atmosphère, un phénomène inattendu se produit : l’eau se sépare en deux liquides distincts.

À ce point critique, l’eau oscille brutalement entre ses deux phases. En dessous de cette pression, elle adopte uniquement la forme de faible densité. Au-dessus, elle bascule entièrement vers la forme plus compacte. Une danse moléculaire invisible à l’œil nu, mais bien réelle. Un comportement hors du commun qui n’a encore jamais pu être reproduit en laboratoire.

Des simulations qui repoussent les limites du réalisme

Les expériences directes sur ce phénomène ? Impossible. À ces températures et pressions extrêmes, l’eau défie les techniques expérimentales actuelles. La seule voie possible : les simulations numériques.

Mais pas n’importe lesquelles. Jusqu’à présent, les modèles utilisés étaient trop rudimentaires pour capturer cette séparation des phases. Les chercheurs ont donc développé un outil révolutionnaire : le modèle MB-pol. Il repose sur des calculs quantiques de haute précision, associés à l’intelligence artificielle pour simuler le comportement des molécules d’eau avec une fidélité inégalée.

Le principe de MB-pol est simple : chaque molécule d’eau interagit avec ses voisines de manière dynamique. Comme dans un groupe de personnes, où chaque nouvel arrivant modifie subtilement la dynamique sans bouleverser l’ensemble, ce modèle prend en compte ces interactions à plusieurs échelles pour restituer un comportement ultra-réaliste.

Grâce à cette approche, les chercheurs ont pu exécuter des simulations couvrant plusieurs microsecondes, une prouesse qui aurait été inimaginable il y a encore quelques années.

Des calculs colossaux… pour un avenir prometteur

Faire tourner ces simulations ? Deux ans de calculs ininterrompus sur certains des supercalculateurs les plus puissants de la planète, comme Expanse, situé au San Diego Supercomputer Center. Un marathon numérique, mais qui permet aujourd’hui d’obtenir la meilleure prédiction jamais réalisée sur ce phénomène.

Et demain ? Les chercheurs espèrent voir ces résultats confirmés expérimentalement. Une piste prometteuse : les nanogouttelettes d’eau, qui pourraient générer des pressions internes suffisamment élevées pour révéler cette séparation des phases.

Au-delà de l’eau elle-même, cette découverte pourrait inspirer la création de liquides synthétiques aux propriétés similaires, capables de changer de densité sur commande. Imaginez un liquide capable d’absorber des polluants ou de faciliter le dessalement de l’eau de mer simplement en alternant entre deux états. Un pas de plus vers une chimie inspirée de la nature, mais maîtrisée par l’homme.

Une nouvelle ère pour la compréhension de l’eau

L’eau est un paradoxe permanent. Sa phase liquide, que nous pensions parfaitement homogène, se révèle être bien plus complexe qu’elle n’y paraît. Et si ce phénomène de séparation des phases existait aussi dans les profondeurs des océans, sur des exoplanètes lointaines, ou même dans nos cellules ?

La prochaine étape est entre les mains des expérimentateurs. Les simulations ont ouvert une porte. Il ne reste plus qu’à la franchir.

Source de l’étude : http://dx.doi.org/10.1038/s41567-024-02761-0

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Eric GARLETTI
Eric GARLETTIhttps://www.eric-garletti.fr/
Je suis curieux, défenseur de l'environnement et assez geek au quotidien. De formation scientifique, j'ai complété ma formation par un master en marketing digital qui me permet d'aborder de très nombreux sujets.

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