Quelques heures seulement après l’alunissage de la mission Blue Ghost 1, le Lunar Magnetotelluric Sounder (LMS), dirigé par le Southwest Research Institute (SwRI), a été activé et déployé à la surface de la Lune.
C’est la première fois que la technique du magnétotellurisme est appliquée au-delà de la Terre.
Une technologie éprouvée sur Terre, désormais sur la Lune
Depuis plus de cinquante ans, les géophysiciens utilisent le magnétotellurisme sur Terre pour cartographier la structure interne de notre planète. Cette méthode repose sur la mesure des variations naturelles des champs électrique et magnétique à la surface. En analysant la réponse électromagnétique des matériaux du sous-sol, il est possible d’estimer leur conductivité électrique et, par déduction, leur composition.
Sur Terre, cette technique permet de localiser des nappes phréatiques, des gisements miniers ou encore des ressources géothermiques. Elle offre également des indices sur des phénomènes tectoniques complexes. Sur la Lune, cette approche devient un levier inédit pour sonder des couches jusqu’ici inaccessibles.
Cinq capteurs déployés sur un demi-terrain de football
Le LMS a déployé quatre capteurs électromagnétiques dans un schéma en croix, à 90° les uns par rapport aux autres, sur une zone équivalente à la moitié d’un terrain de football. Un cinquième capteur, le boîtier électronique central, reste connecté aux autres pour assurer la synchronisation des mesures.
Ces capteurs sont disposés à plus de 18 mètres du module d’atterrissage, afin de minimiser les interférences électromagnétiques générées par les équipements de Blue Ghost 1.
Le dispositif peut ainsi scruter la structure interne de la Lune jusqu’à 1 100 kilomètres de profondeur, soit environ les deux tiers de son rayon. Cela permet aux scientifiques de comprendre l’hétérogénéité du manteau lunaire et d’en tirer des enseignements sur son évolution thermique.
La Lune bientôt connectée : Nokia va installer le premier réseau 4G lunaire
Une cible géologique peu explorée : Mare Crisium
Le LMS a été livré sur la Lune dans le cadre de l’initiative Commercial Lunar Payload Services (CLPS) de la NASA. Il s’agit d’un programme visant à confier à des acteurs privés la livraison de charges utiles scientifiques.
Le site d’atterrissage choisi, Mare Crisium, constitue une zone d’étude idéale. Il s’agit d’un bassin d’impact de 550 km de diamètre, formé il y a plusieurs milliards d’années, puis rempli par des coulées de lave.
Contrairement aux plaines de lave interconnectées explorées par les missions Apollo, Mare Crisium est isolé géologiquement. Cela signifie que les données collectées pourraient être plus représentatives de la Lune dans son ensemble, et non biaisées par des régions atypiques.
Une collaboration technologique rigoureuse
Le SwRI a conçu l’instrument LMS, réalisé l’électronique embarquée et dirige les opérations scientifiques. Le centre spatial Goddard de la NASA a fourni le magnétomètre chargé de mesurer les champs magnétiques. L’entreprise Heliospace Corp. a quant à elle conçu le mât du magnétomètre et les quatre électrodes utilisées pour les mesures électriques.
L’ensemble est conçu pour fonctionner durant la courte durée de la mission Blue Ghost 1 : quatorze jours terrestres, soit une journée lunaire.
Pourquoi mesurer les champs électromagnétiques lunaires ?
Lorsque des ondes électromagnétiques naturelles, comme celles générées par l’activité solaire, interagissent avec le sous-sol, elles y pénètrent à différentes profondeurs. Leur comportement dépend de la nature des matériaux rencontrés : roches, métaux, poches de magma refroidi ou résidus volcaniques. En mesurant les champs résultants à la surface, les scientifiques peuvent modéliser les structures internes sans forage.
Le LMS agit donc comme un sismographe électromagnétique, capable de révéler les strates internes de la Lune avec une précision inédite, sans contact direct.
Une mission au service des futures explorations lunaires
Grâce à cette première utilisation du magnétotellurisme en contexte extraterrestre, les scientifiques espèrent mieux cerner les variations régionales du manteau lunaire, mais aussi établir des cartes de conductivité utiles pour de futures missions d’exploration ou d’exploitation. Ces données sont également précieuses pour confronter les modèles d’évolution thermique planétaire élaborés pour d’autres corps célestes.
Sous la houlette du CLPS, la NASA adopte un rôle de client principal parmi d’autres, favorisant une approche commerciale de l’exploration spatiale. Ce modèle permet une accélération des campagnes scientifiques lunaires tout en développant des technologies transposables à d’autres missions planétaires.
Source de l’article : https://www.swri.org/newsroom/press-releases/swri-led-sounder-instrument-deploys-across-lunar-surface