Les requins sont bien plus menacés par l’activité humaine que l’inverse. Près d’un tiers des espèces de requins sont aujourd’hui en danger d’extinction, principalement à cause de la pêche. Qu’il s’agisse de captures ciblées ou accidentelles, la pression exercée sur ces prédateurs est considérable.
Dans le cadre d’une étude récente, une équipe de chercheurs de l’université de Californie à Santa Barbara s’est intéressée aux mesures de conservation existantes, et en particulier aux interdictions de capture. Les résultats, publiés dans la revue Fish & Fisheries, montrent que ces réglementations, bien qu’efficaces, ne suffisent pas à stabiliser les populations.
La capture accidentelle, un fléau sous-estimé
Certains requins sont directement ciblés par l’industrie de la pêche. Mais plus de la moitié des requins tués chaque année le sont de manière accidentelle, piégés par des filets ou des lignes destinés à d’autres espèces comme le thon ou l’espadon.
Les interdictions de capture, mises en place par des organisations régionales de gestion des pêches, imposent aux pêcheurs de relâcher les requins pris dans leurs filets. Actuellement, 17 espèces océaniques bénéficient de cette protection afin de limiter leur mortalité liée aux pêcheries de thonidés. Pourtant, même avec ces interdictions, de nombreux requins ne survivent pas à leur capture.
Une mortalité élevée, même après la remise à l’eau
Les chercheurs ont rassemblé et analysé les données de plus de 150 études scientifiques sur la mortalité des requins. Ils ont ainsi pu estimer les taux de survie pour 341 espèces capturées accidentellement, notamment par des palangres et des filets maillants.
Les résultats sont inquiétants :
- Les petits requins et les espèces menacées sont les plus vulnérables. Les requins marteaux et les requins-renards figurent parmi les plus touchés.
- Les espèces vivant en eau profonde souffrent d’un taux de mortalité particulièrement élevé. L’énorme différence de pression entre les profondeurs et la surface leur est souvent fatale.
- Certaines espèces comme les requins-hâ (smoothhound sharks) affichent des taux de mortalité allant de 30 à 65 % après leur capture.
Les requins obligés de nager en permanence pour respirer sont aussi gravement affectés, leur capture les privant d’oxygène pendant de longues minutes.
Les interdictions de capture réduisent la mortalité, mais pas assez
Grâce à des simulations, les scientifiques ont évalué l’impact des interdictions de capture. En moyenne, ces mesures réduisent la mortalité des requins d’un facteur trois. Mais pour les espèces déjà surpêchées, comme le requin mako ou le requin soyeux, cela reste insuffisant pour assurer un renouvellement durable des populations.
Pour garantir la survie de ces espèces, il est impératif de compléter ces interdictions par d’autres mesures, comme :
- Des quotas de capture, limitant le nombre de requins pouvant être pêchés.
- Des restrictions géographiques, interdisant la pêche dans certaines zones clés, comme les nurseries.
- Des modifications des techniques de pêche, par exemple en bannissant l’usage de fils d’acier sur les palangres, qui rendent plus difficile la libération des requins capturés accidentellement.
Certaines espèces s’en sortent mieux que d’autres
Les requins à reproduction rapide, comme les requins bleus, les requins-marteaux tiburo (bonnethead) et les anges de mer, ont une meilleure capacité de récupération que les espèces à cycle de vie plus lent.
Le requin bleu est d’ailleurs l’espèce de requin la plus pêchée au monde. Sa population est encore relativement stable, mais si une protection stricte devenait nécessaire, les chercheurs estiment qu’une interdiction de capture pourrait être une solution efficace.
Un besoin urgent de données sur d’autres espèces
Cette étude met aussi en lumière une grande lacune dans les connaissances scientifiques. Les chercheurs ont manqué de données sur de nombreux poissons cartilagineux proches des requins, comme les raies, les chimères et les poissons-scies.
Aujourd’hui, 57 % des poissons cartilagineux menacés d’extinction ne sont pas des requins. Pourtant, faute d’informations suffisantes, ces espèces sont souvent laissées de côté dans les politiques de conservation.
Des discussions en cours pour améliorer la protection des requins
Face à ces enjeux, des experts de l’ONG The Nature Conservancy travaillent actuellement avec la Commission Interaméricaine du Thon Tropical pour proposer des solutions de gestion plus efficaces.
Les efforts doivent désormais se concentrer sur une combinaison de stratégies : interdictions de capture, régulations spécifiques à certaines zones, innovations techniques dans la pêche et surveillance des populations. Sans cela, de nombreuses espèces de requins continueront de disparaître à un rythme alarmant.
Source de l’article : https://news.ucsb.edu/2025/021801/sharks-are-dying-alarming-rates-mostly-due-fishing-retention-bans-may-help