Des chercheurs viennent de réaliser une première mondiale en physique quantique : l’observation expérimentale de la condensation de Bose-Einstein (BEC) d’un état lié de deux magnons dans un matériau magnétique. Cette découverte a été rendue possible grâce au spectromètre de résonance de spin électronique à champ magnétique élevé, situé dans l’infrastructure SHMFF, en Chine.
L’équipe de chercheurs provient de plusieurs institutions, dont l’Université de Science et Technologie du Sud de la Chine et l’Organisation australienne des sciences et technologies nucléaires, qui a détecté ce phénomène, jusqu’alors uniquement théorique.
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La condensation de Bose-Einstein, un phénomène quantique fascinant
La condensation de Bose-Einstein est un état quantique dans lequel des particules bosoniques s’accumulent dans un même état fondamental à des températures extrêmement basses, formant un unique ensemble cohérent. Jusqu’à présent, ce phénomène était principalement observé avec des gaz d’atomes refroidis à quelques milliardièmes de degrés au-dessus du zéro absolu.
Ce qui rend cette nouvelle observation unique, c’est qu’elle concerne des quasi-particules magnétiques appelées magnons. Un magnon représente une excitation collective des spins électroniques dans un réseau cristallin.
Une paire de magnons qui se comporte comme une seule entité
Les chercheurs ont démontré que dans le matériau Na₂BaNi(PO₄)₂, les magnons peuvent s’apparier en état lié et se condenser, de manière similaire aux paires de Cooper en supraconductivité. Mais il existe une différence fondamentale : dans un supraconducteur, ce sont des fermions qui forment des paires, tandis que dans ce cas, ce sont des bosons, rendant la physique sous-jacente totalement différente.
Pourquoi ce matériau est si particulier
Le cristal Na₂BaNi(PO₄)₂ possède une structure en réseau triangulaire, un système dit frustré, où les interactions magnétiques sont en concurrence. Dans ces réseaux, les spins ne peuvent pas s’aligner de manière simple, ce qui génère des comportements quantiques exotiques.
C’est dans cet environnement que les magnons interagissent de façon inhabituelle. En appliquant un champ magnétique et en refroidissant le système, les magnons se regroupent deux par deux et entrent en phase condensée, formant une nouvelle phase quantique jamais observée auparavant.
Des outils d’analyse de pointe
Pour valider cette découverte, plusieurs techniques avancées ont été employées :
- La résonance de spin électronique haute fréquence, qui permet d’observer les excitations magnétiques.
- La diffusion neutronique, une méthode d’analyse de la structure et des interactions des spins.
- La résonance magnétique nucléaire (RMN), qui détecte les modifications à l’échelle atomique.
L’ensemble de ces techniques a permis d’attester que la condensation de Bose-Einstein des états liés de magnons se produisait bien dans ce matériau.
Un pas vers de nouvelles phases quantiques
Cette découverte ouvre des perspectives sur l’étude des phases quantiques exotiques et la manière dont les particules peuvent s’organiser à l’échelle microscopique. En explorant ces propriétés, les chercheurs pourraient découvrir des nouveaux matériaux aux comportements inattendus, avec des applications potentielles dans le stockage d’information quantique ou les technologies de spintronique.
Les réseaux triangulaires restent un terrain d’exploration fascinant pour les physiciens, et cette avancée marque une étape vers une meilleure compréhension des interactions quantiques émergentes.
Source de l’étude :
Sheng, J., Mei, JW., Wang, L. et al. Bose–Einstein condensation of a two-magnon bound state in a spin-1 triangular lattice. Nat. Mater. 24, 544–551 (2025). https://doi.org/10.1038/s41563-024-02071-z