Le Havre va se chauffer grâce à TotalEnergies et ce projet qui transforme les fumées en chaleur.
Le long de la côte normande, là où les cheminées industrielles dessinent un paysage familier aux habitants du Havre, une transformation discrète mais spectaculaire est en train de prendre forme : récupérer la chaleur perdue de l’industrie pour chauffer la ville.
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Une énergie “perdue” utilisée par TotalEnergies pour fournir de la chaleur à 12 000 foyers du Havre
Chaque jour, les installations industrielles produisent des quantités considérables de chaleur, souvent dissipée sans usage. Cette « chaleur fatale », comme on l’appelle, est un sous-produit des procédés chimiques ou de raffinage. Elle s’envole, littéralement, dans les airs.
Depuis début 2025, ce gaspillage a trouvé une contre-offensive. Sur la plateforme Normandie de TotalEnergies, les calories inutilisées des unités de production sont captées puis injectées dans un réseau urbain de chauffage pour 80 gigawattheures de chaleur récupérés par an. Une quantité suffisante pour alimenter 12 000 logements en chauffage !
Une rallonge qui serpente sur 60 kilomètres
Le projet baptisé RésOcéane a consisté à étendre le réseau de chaleur urbain du Havre Sud. Ce réseau, exploité par Dalkia, fait désormais 60 kilomètres de long. Il s’agit de tuyaux enterrés qui transportent de l’eau à haute température, produite ici en grande partie par l’industrie locale plutôt que par des chaudières à gaz.
À terme, 37 000 logements seront connectés au réseau. La chaleur ainsi distribuée atteindra 275 gigawattheures par an, et surtout, permettra d’éviter l’émission de 50 000 tonnes de CO₂ chaque année.
C’est l’équivalent des émissions annuelles de plus de 20 000 voitures parcourant 10 000 kilomètres.
Une alliance entre raffinerie et service public
Derrière cette prouesse technique, trois partenaires : TotalEnergies, Dalkia (filiale d’EDF spécialisée dans les réseaux de chaleur), et Le Havre Seine Métropole, la communauté urbaine locale. C’est un mariage inédit entre industrie pétrochimique et service public environnemental.
TotalEnergies, bien connu pour ses raffineries et ses investissements fossiles, s’est engagé à réintégrer l’énergie perdue dans le circuit local. Ce geste stratégique n’a rien d’anecdotique : il s’inscrit dans un vaste plan de décarbonation de la plateforme industrielle.
Sur le site de Gonfreville-l’Orcher, TotalEnergies produit près de 12 millions de tonnes de produits pétroliers par an, soit 12 % de la capacité nationale. Une partie de l’énergie nécessaire à cette production est maintenant réinjectée dans les habitations.
Un soutien financier venu de l’État
Le projet n’aurait pas vu le jour sans l’intervention de l’ADEME, l’agence publique en charge de la transition énergétique. En apportant des subventions ciblées, elle a soutenu les travaux d’extension du réseau et les infrastructures de captation de chaleur.
Ce soutien a permis de franchir un cap technologique. Car capter la chaleur n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Il faut l’isoler, la transporter à bonne température, la stocker parfois, et la redistribuer à des foyers, sans pertes excessives.
La performance énergétique du réseau atteint 80 % d’énergie renouvelable ou récupérée. Un chiffre qui le place parmi les meilleurs d’Europe pour un réseau de cette taille.
Une vision industrielle à contre-pied
Le Havre n’est pas une ville verte au sens traditionnel. Elle est industrielle, portuaire, traversée par des canalisations, des hangars et des pétroliers. Et c’est justement ce paysage qui devient un atout.
Plutôt que d’effacer son passé industriel, la métropole l’utilise comme levier de transition énergétique. Ce choix, pragmatique et efficace, évite de construire de nouvelles centrales ou d’importer de l’énergie. Il repose sur l’existant, en le rendant plus intelligent.
La plateforme Normandie ne compte pas s’arrêter là. Quatorze autres projets de décarbonation y sont en cours ou à l’étude : carburants aériens durables, hydrogène bas carbone, électrification de la flotte de véhicules internes, ou encore une ferme solaire sur le site même.
Chiffres clés du projet RésOcéane :
Indicateur | Valeur |
---|---|
Chaleur industrielle récupérée | 80 GWh/an |
Logements actuellement chauffés | 12 000 |
Objectif de raccordement d’ici 2026 | 37 000 logements |
Longueur du réseau | 60 km |
Chaleur totale distribuée (prévision) | 275 GWh/an |
Émissions de CO2 évitées (objectif) | 50 000 tonnes/an |
Taux d’énergie renouvelable ou récupérée | 80 % |
Autres projets de récupération de la “chaleur fatale” en France
Plusieurs projets de récupération de la chaleur fatale sont en cours dans des usines en France, soutenus notamment par l’ADEME. Par exemple, le groupe Lesaffre à Marcq-en-Barœul compte installer en 2025 deux pompes à chaleur de 19 MW pour réutiliser la chaleur issue de la fermentation dans le séchage des levures, permettant d’éviter 30 000 tonnes de CO₂ par an et d’économiser 150 000 m³ d’eau.
Plus largement, la France dispose d’un important potentiel de chaleur fatale industrielle (environ 110 TWh/an), et des dispositifs publics comme le Fonds Chaleur financent des projets valorisant cette énergie, que ce soit en interne sur le site industriel ou via des réseaux de chaleur vers des utilisateurs externes.
Ces initiatives concernent des secteurs variés : agroalimentaire, chimie, métallurgie, cimenterie, et visent à accélérer la décarbonation de l’industrie française.
Source : Communiqué de presse de TotalEnergies
Image de mise en avant : lundi 5 Mai 2025, inauguration du nouveau Réseau de Chauffage Urbain du Havre au sein de la plateforme de TotalEnergies de Normandie (source : SIEMO / LinkedIn)
Bonsoir,
C’est une très bonne initiative. On se rappellera également qu’une operation similaire mais moins importante fut réalisée près de Strasbourg à partir de la raffinerie SHELL de Reichstett quelques mois après le choc pétrolier de 1973. Environ 3000 personnes furent chauffés pendant plusieurs années jusqu’à la fermeture de la raffinerie.
Récupérer la chaleur fatale apparaît de bon sens, à condition qu’il y en ait (industrialisation) ainsi que des clients (à relative proximité).
Cordialement