L’usine qui transforme le vent en ammoniac : la Chine vient de lancer un monstre vert.
Bienvenue à Chifeng, dans la région autonome de Mongolie-Intérieure, où l’entreprise Envision Energy vient d’inaugurer la plus grande usine d’hydrogène et d’ammoniac vert au monde. Une usine hors réseau, 100 % renouvelable, pensée pour produire à l’échelle industrielle et optimisée grâce à l’IA.
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300 000 tonnes d’ammoniac vert dès la première phase pour la méga-usine chinoise
C’est un chiffre à faire tourner la tête : 300 000 tonnes d’ammoniac vert produites chaque année, dès la phase initiale. Et si tout se déroule comme prévu, on atteindra 1,5 million de tonnes par an d’ici 2028.
Petit rappel : l’ammoniac, ce n’est pas que pour les engrais. C’est aussi un vecteur d’énergie, un carburant chimique qui peut être stocké, transporté, et utilisé sans émettre de carbone. Sauf que jusqu’ici, il était produit à partir de gaz naturel, dans des usines qui crachaient des millions de tonnes de CO₂.
Envision fabrique de l’ammoniac à partir d’électricité verte, via un procédé électrochimique alimenté par le plus grand système d’énergie renouvelable hors réseau de la planète.
Une usine pilotée par l’IA : bienvenue dans le futur industriel
Cette usine, ce n’est pas juste une grosse cuve qui bouillonne au soleil. Elle est pilotée par une intelligence artificielle, qui ajuste en temps réel la production en fonction de la météo, de la disponibilité du soleil, du vent, et de l’état du réseau interne.
Et pour lisser les pics d’énergie, l’installation stocke l’électricité excédentaire sous forme de… liquide ! Oui, via de l’azote liquide produit sur place dans une unité de séparation d’air. Ce système de stockage cryogénique, couplé à des électrolyseurs intelligents, permet de convertir l’électricité renouvelable en hydrogène, puis en ammoniac, sans perte ni coupure.
En clair, on produit proprement, on stocke efficacement, et on ajuste intelligemment.
Une première mondiale réplicable
Ce que dit Envision, c’est que ce modèle peut être répliqué. L’usine de Chifeng est conçue comme modulaire, autonome, et rapide à déployer. Un peu comme un jeu de Lego pour décarboner l’industrie.
À terme, ces installations pourraient alimenter des ports, des zones industrielles, des centrales flottantes, voire des cargos ou des sites miniers. Et ce, partout où il y a du vent, du solei et un peu d’eau.
Les premières exportations d’ammoniac sont d’ailleurs prévues pour le quatrième trimestre 2025. Et ce n’est pas du vent : un accord a déjà été signé avec Marubeni Corporation, l’un des plus grands groupes japonais. Une première mondiale, qui pourrait bien poser les bases d’un marché mondial de l’ammoniac vert.
L’équation magique : soleil + eau = carburant mondial
Pour produire de l’hydrogène, on part de l’eau. On la sépare grâce à l’électricité (verte, ici). Puis on combine l’hydrogène à l’azote de l’air pour obtenir… de l’ammoniac (NH₃). Une molécule facile à liquéfier, à transporter, et à reconvertir en énergie.
Et surtout, l’ammoniac n’émet pas de CO₂ quand on le brûle. Il pourrait donc remplacer les carburants fossiles dans de nombreux usages, notamment dans le transport maritime, l’industrie lourde ou les centrales thermiques.
Le projet de Chifeng montre que c’est désormais possible à grande échelle. Envision n’a pas seulement construit une usine. Elle a posé la première pierre d’un réseau énergétique mondial décarboné, fondé non plus sur le pétrole, mais sur l’électron et l’ammoniac.
Un prix, un message, un signal
Ce projet n’est pas passé inaperçu : Envision a reçu le Energy Transition Changemaker Award à la COP28, et figure parmi les “Energy Innovators” du classement Fortune 2024.
Son PDG, Lei Zhang, résume les choses simplement :
“On ne peut pas atteindre la neutralité carbone sans hydrogène vert. Et on ne peut plus attendre.”
Cette usine est une preuve. Pas une maquette, pas une animation 3D. Une usine qui tourne. Qui exporte. Qui change la donne.
Synthèse différences ammoniac “classique” et “vert”
Critère | Ammoniac classique | Ammoniac vert |
---|---|---|
Source d’énergie | Gaz naturel (méthane) | Énergies renouvelables (solaire, éolien) |
Émissions de CO₂ (par tonne) | 1,6 à 2 tonnes | 0 tonne |
Rendement énergétique (%) | 55 à 65 % | 45 à 55 % |
Coût de production estimé (€/tonne) | 250 à 400 € | 600 à 900 € |
Impact sur la qualité de l’air | Élevé (NOx, CH₄) | Faible à nul |
Recyclage ou co-bénéfice | Non, forte dépendance fossile | Oui (hydrogène + décarbonation indirecte) |
Source : https://www.envision-group.com/news-detail?id=683e8a6f03cf8f002dc580ca&lang=en