Trump coupe les vivres au train à grande vitesse californien : 4 milliards de dollars évaporés, un chantier dans la tourmente.
Un coup de massue fédéral vient de frapper la Californie. Le président Donald Trump a confirmé le retrait de 4 milliards de dollars (3,5 milliard d’euros) de fonds fédéraux initialement alloués au projet de train à grande vitesse californien, déjà embourbé dans les retards, les surcoûts et les critiques. Officiellement, l’administration estime que le chantier a échoué à tenir ses engagements. En réalité, l’épisode révèle une bataille politique féroce autour de l’avenir des infrastructures de transport aux États-Unis.
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Déjà 15 milliards de dollars engloutis dans le TGV californien pour rien ?
L’annonce s’appuie sur les conclusions d’un rapport de 300 pages publié en juin par le Federal Railroad Administration (FRA). D’après ce document, le projet serait “en défaut de ses obligations contractuelles”. Une phrase qui pèse lourd : elle permet au ministère des Transports, dirigé par Sean P. Duffy, de geler les financements restants, voire de les réaffecter à d’autres projets.
Donald Trump, de son côté, n’a pas mâché ses mots. Sur les réseaux sociaux, il a qualifié le projet de “trop cher, trop réglementé, et jamais livré”. Duffy, lui, parle d’un “boondoggle”, un gouffre financier inutile,et affirme qu’aucune voie à grande vitesse n’a été posée malgré 16 ans de travail et 15 milliards de dollars (13 milliards d’euros) déjà dépensés.
La version californienne : chantier en cours, promesses tenues
Le patron de la California High Speed Rail Authority (CHSRA), Ian Choudri, réfute catégoriquement ces accusations. Selon lui, le retrait des fonds est illégal, car les obligations du contrat ont été respectées, preuve à l’appui lors de plusieurs revues fédérales, jusqu’en février 2025.
À l’heure actuelle, le projet compte :
- 171 miles (275 kilomètres) de lignes en cours de conception ou de construction
- 15 500 emplois créés
- Plus de 50 ouvrages d’art déjà achevés
L’autorité californienne affirme être sur le point de poser les rails, soit exactement à l’étape prévue dans son calendrier actualisé. Choudri rappelle que le projet est le seul train à grande vitesse en construction aux États-Unis. Un chantier ambitieux, qui ne mérite pas, selon lui, d’être abandonné au moment où les premières infrastructures prennent forme.
Une facture qui explose, une crédibilité qui vacille
Au départ, le projet lancé en 2008, validé par un vote populaire, devait relier San Francisco à Los Angeles pour environ 40 milliards de dollars (34,5 milliards d’euros). Seize ans plus tard, les estimations ont triplé : on évoque désormais entre 89 et 128 milliards de dollars (entre 77 et 110,43 milliards d’euros), sans certitude absolue sur le calendrier final.
Le tronçon Merced–Bakersfield, beaucoup plus court, dépasse déjà les coûts initiaux de la totalité du réseau prévu. La complexité du relief, les expropriations, les normes sismiques californiennes et les changements politiques ont considérablement ralenti l’avancée.
Le département des Transports accuse le gouverneur Gavin Newsom et les autorités locales de gérer un “projet fantôme”, incapable de prouver sa viabilité économique. Duffy insiste : les fonds fédéraux ne sont pas des chèques en blanc.
Un affrontement politique sur fond de rails
Le débat est tout sauf technique. Il est profondément politique. Trump cherche à pointer l’incapacité des démocrates à mener à bien des projets d’infrastructure à grande échelle. Il s’en prend à la Californie comme à un symbole : celui d’un État dépensier, bureaucratique, incapable de livrer.
Gavin Newsom répond en évoquant la souveraineté des États fédérés. Selon lui, Washington cherche à saboter un projet stratégique pour l’indépendance énergétique et industrielle du pays. Et surtout, laisser la voie libre à la Chine, qui déploie à grande vitesse son propre réseau de trains ultrarapides.
Newsom promet de continuer coûte que coûte, en explorant tous les recours juridiques possibles pour contester le retrait des subventions. Il rappelle que le projet texan de TGV, souvent cité par les républicains, n’a jamais décollé, alors que la Californie est, selon ses mots, “en avance de plusieurs kilomètres”.
Le précédent anglais avec le HS2
Le Royaume-Uni aussi connaît ses propres turbulences ferroviaires. Le projet HS2, censé relier Londres à Manchester via Birmingham, s’est transformé en véritable feuilleton budgétaire. Lancé en 2012, il devait symboliser le renouveau du réseau britannique, avec des trains à 360 km/h et un gain de temps conséquent entre les grandes villes anglaises. Sauf que la réalité est moins rapide que les promesses : seule la phase Londres-Birmingham est désormais maintenue, le reste a été annulé en 2023, faute de moyens.
Côté finances, la trajectoire est déraillée : prévu à 33 milliards d’euros, le projet flirte désormais avec 130 milliards, soit un coût moyen supérieur à 240 millions d’euros par kilomètre. Ce qui en fait probablement le projet ferroviaire le plus cher au monde, au kilomètre. Malgré des tunnels déjà creusés, des terres expropriées, et des chantiers bien engagés, le gouvernement britannique a décidé de réduire drastiquement la voilure, officiellement pour se concentrer sur d’autres priorités régionales.
Source : https://railroads.dot.gov/elibrary/termination-cooperative-agreements
Image : California High-Speed Rail Authority