Le futur du nucléaire mondial s’inscrit en France avec ce nouveau combustible destiné à alimenter les nouvelles générations de réacteurs

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Naarea réussit un pas de géant pour son réacteur XAMR.

Naarea, c’est la start-up nucléaire qui secoue les codes avec un enthousiasme presque contagieux. Fondée en 2020, cette jeune pousse française dépoussière l’atome avec son réacteur à sel fondu de génération IV : le XAMR. Ce dernier est pensé comme un réacteur compact, modulaire et capable de recycler ce que personne ne veut traiter. Les Anglo-Saxons appellent ça un SMR, ou mieux encore, un AMR : Advanced Modular Reactor. En clair ? Une centrale nucléaire de poche, taillée pour le XXIe siècle.

Naarea avance vite, soutenue par des investisseurs privés, épaulée par des scientifiques chevronnés, mais sans être dans la roue d’EDF ou de l’État. L’entreprise collabore avec des institutions prestigieuses comme le CNRS, l’Université Paris-Saclay ou encore le Centre commun de recherche de la Commission européenne, tout en gardant son indépendance farouchement assumée. Une sorte de start-up nation version nucléaire.

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Le XAMR de Naarea sonne l’avènement d’une nouvelle génération de réacteurs nucléaires dans le monde

Le projet central de Naarea, c’est le XAMR pour eXtreme compact Advanced Modular Reactor. Il s’agit d’un micro-réacteur à neutrons rapides, refroidi au sel fondu, conçu pour produire 40 mégawatts électriques (et jusqu’à 80 MW thermiques). Il est en outre pensé pour brûler du plutonium et d’autres déchets radioactifs à vie longue, en fermant le cycle du combustible nucléaire.

Le combustible du XAMR n’a rien à voir avec les pastilles d’uranium classiques. Ici, le plutonium est dissous sous forme de chlorure dans du chlorure de sodium (NaCl).

La France l’avait imaginé il y a des années mais c’est bien la Chine qui est en train de construire le premier réacteur nucléaire rapide refroidi au sodium

Un cocktail de gaz, de sel et de plutonium

Avec le soutien du CNRS, de l’Université Paris-Saclay et du Joint Research Centre de la Commission européenne, les chercheurs ont mis au point une méthode de synthèse pyrochimique du sel combustible. Le procédé repose sur le bullage d’un gaz dans un mélange de sel de table fondu (NaCl) et d’oxyde de plutonium (PuO₂) à haute température.

Ce gaz, en traversant la matière en fusion, transforme l’oxyde en chlorure de plutonium (PuCl₃), la forme souhaitée pour être dissoute et utilisée comme combustible dans le réacteur.

“C’est une première démonstration expérimentale de faisabilité”, souligne l’équipe de Naarea. “Une étape indispensable pour valider notre stratégie de cycle du combustible.”

Le mot-clé : non-prolifération

Travailler avec du plutonium, c’est s’approcher d’un sujet très sensible. Toute technologie nucléaire est scrutée sous l’angle de la sécurité et de la prolifération. Naarea ne fait pas exception.

La méthode développée ici rend le processus inexploitables à des fins militaires. Le combustible reste liquide, mélangé, impure, instable à séparer, ce qui empêche toute extraction détournée. C’est un verrou technique intégré dès la conception, essentiel pour pouvoir travailler avec du plutonium en toute transparence réglementaire.

Des tests à échelle réelle dans un laboratoire XXL

La prochaine étape se jouera dans le I-Lab, un centre de test de 2 400 m² situé à Cormeilles-en-Parisis. C’est là que Naarea prévoit de passer du gramme au kilo, avec des tests d’ingénierie sur des matières simulées, puis sur de véritables composés radioactifs. Objectif : valider la reproductibilité du processus, purifier les sels, mesurer leur stabilité à haute température, et surtout préparer la montée en puissance vers un prototype industriel.

Le défi n’est pas uniquement chimique. Il est aussi logistique, réglementaire, thermique, et même politique. Chaque validation expérimentale renforce la crédibilité d’un réacteur compact qui pourrait bien devenir la coqueluche des territoires isolés, des bases militaires ou des réseaux décarbonés.

Pourquoi les réacteurs au sel fondu reviennent en force ?

Le principe du Molten Salt Reactor (MSR) date des années 60, mais il revient aujourd’hui avec un vent nouveau, porté par les contraintes climatiques et les besoins d’énergie bas carbone.

Contrairement aux réacteurs classiques, les MSR fonctionnent à basse pression, avec des sels fondus comme caloporteurs, ce qui réduit les risques de fuite ou d’explosion. Ils peuvent utiliser plusieurs types de combustibles (uranium, thorium, plutonium) et fonctionnent en spectre rapide ou épithermal selon le design.

Plusieurs concepts existent, mais la complexité de la chimie, la gestion des matériaux à haute température et la qualification des composants freinent leur déploiement. D’où l’importance d’initiatives comme celle de Naarea, qui valident étape par étape des briques technologiques indispensables.

Tableau récapitulatif de technologies de réacteurs de génération IV

Type de réacteur Principe Caractéristiques clés Exemples de projets
RNR – Réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium Neutrons rapides, caloporteur sodium liquide Fermeture du cycle, haute température, très bonne efficacité BN-800 (Russie), ASTRID (France, abandonné), MBIR (Russie), TWR (TerraPower, USA), CFR-1000 (Chine)
RNR-Gaz – Réacteur à neutrons rapides refroidi au gaz Neutrons rapides, refroidissement au gaz (hélium ou CO₂) Très haute température (850–1000 °C), production d’hydrogène possible ALLEGRO (Europe), concepts chinois en développement
MSR – Réacteur à sels fondus Combustible dissous dans un sel liquide, fonctionnement à basse pression Très grande sécurité passive, possible avec thorium, neutrons rapides ou thermiques XAMR (Naarea, France), ThorCon (Indonésie), Copenhagen Atomics (Danemark), Terrestrial Energy IMSR (Canada)
VHTR – Réacteur à très haute température Uranium faiblement enrichi, caloporteur gaz (hélium), cœur en blocs graphites Température jusqu’à 1000 °C, production industrielle de chaleur et d’hydrogène HTR-PM (Chine), NGNP (USA, ex-projet), U-Battery (UK)
SCWR – Réacteur à eau supercritique Eau à haute pression et haute température, au-delà du point critique Très haute efficacité thermodynamique, conception proche des REP CANDU-SCWR (Canada), projets japonais et européens
GFR – Réacteur à gaz à neutrons rapides Neutrons rapides, gaz comme caloporteur (souvent hélium), cœur en céramique Très haute température, matériaux très résistants, difficile à développer ALLEGRO (Europe, expérimental), projets exploratoires CNRS/CEA
LFR – Réacteur à neutrons rapides au plomb Refroidissement au plomb (ou plomb-bismuth), spectre rapide Résistant à la corrosion, inertie thermique, très bon rendement BREST-OD-300 (Russie), SEALER (Suède), MYRRHA (Belgique)

 

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Guillaume AIGRON
Guillaume AIGRON
Très curieux et tourné vers l'économie, la science et les nouvelles technologies, (particulièrement ce qui touche à l'énergie et les entreprises françaises) je vous propose de de découvrir les dernières actualités autour de cette passion

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