La pandémie de COVID-19 a bouleversé le monde de bien des manières, touchant presque chaque aspect de notre vie quotidienne. Au-delà des conséquences sanitaires directes, elle a aussi modifié l’accès et l’organisation des soins de santé. L’un des domaines affectés est celui de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En 2020, les habitudes, les accès aux soins et les taux d’IVG ont connu des changements notables, notamment en Île-de-France. Zoom sur ces modifications induites par la crise sanitaire.
Une Baisse Significative des IVG
Au cours de la première année de la crise sanitaire, une baisse significative du taux de recours à l’IVG a été observée, rompant avec la tendance à la hausse constatée les années précédentes. Cette baisse notable, observée particulièrement au second trimestre de 2020, coïncide avec la période de confinement strict instaurée pour freiner la propagation du virus. La réduction du nombre d’IVG suggère une diminution des conceptions durant cette période, vraisemblablement liée aux restrictions de déplacement et à la modification des interactions sociales.
Evolution des Méthodes d’IVG
La crise sanitaire a également modifié les pratiques en matière d’IVG. L’année 2020 a vu une préférence marquée pour les méthodes médicamenteuses au détriment des méthodes instrumentales, particulièrement au second trimestre. Cette évolution peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
- L’Engorgement des Hôpitaux : Face à l’afflux des patients COVID-19, les hôpitaux ont dû prioriser les soins, réduisant ainsi la disponibilité des services pour les IVG instrumentales, notamment celles nécessitant une anesthésie générale.
- L’Adaptation des Lois : Des mesures législatives temporaires ont été mises en place pour permettre la prise en charge des IVG jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée en médecine de ville et encourager la télémédecine, facilitant ainsi l’accès aux IVG médicamenteuses.
- La Crainte de Contamination : La peur d’une contamination en milieu hospitalier a pu également inciter à opter pour des méthodes médicamenteuses, réalisables hors du cadre hospitalier.
Réduction des IVG Tardives
Contre toute attente, l’année 2020 a vu une réduction du taux d’IVG tardives (> 12 semaines d’aménorrhée). Cette tendance suggère que la prise en charge des IVG a été maintenue malgré la crise, permettant aux femmes de bénéficier de ce droit fondamental en temps voulu. Cependant, la baisse des IVG tardives pourrait également refléter des IVG manquées pour des grossesses à terme avancé, en particulier avec la fermeture des frontières limitant la possibilité d’effectuer des IVG hors délai légal à l’étranger.
Disparités Territoriales Persistantes
La pandémie n’a pas estompé les disparités territoriales dans l’accès à l’IVG. Les taux de recours à l’IVG demeurent plus élevés dans certains départements, notamment en Seine-Saint-Denis. Ces disparités reflètent les inégalités socio-économiques qui jouent un rôle crucial dans l’accès aux soins et le choix des méthodes d’IVG.
Le Recours Accru à la Télémédecine
La pandémie a donné un coup d’accélérateur à l’utilisation de la télémédecine, et le domaine de l’orthogénie n’a pas été en reste. La télémédecine a permis de maintenir le lien entre les patientes et les professionnels de santé, facilitant ainsi le recours aux IVG médicamenteuses. Dans un contexte où les déplacements étaient limités et où l’engorgement des hôpitaux était une réalité, la télémédecine a représenté une alternative précieuse. Elle a permis de réaliser des consultations préalables à distance, de prescrire le traitement nécessaire et d’assurer un suivi post-IVG. La crise sanitaire a ainsi contribué à inscrire la télémédecine comme un outil complémentaire dans le parcours de soins des femmes souhaitant recourir à une IVG.
Une Réflexion Nécessaire pour l’Avenir
Les modifications observées dans les pratiques d’IVG pendant la pandémie soulignent l’importance d’anticiper les réponses des systèmes de santé face à des crises sanitaires majeures. Il est fondamental d’évaluer les retombées de ces changements sur l’accès aux soins et la qualité des services offerts aux femmes. De plus, la persistance des disparités territoriales dans l’accès à l’IVG met en lumière la nécessité de politiques publiques inclusives et équitables. L’expérience de la COVID-19 doit inciter les décideurs à envisager des mesures pérennes pour garantir l’accès à l’IVG, quelles que soient les circonstances. En outre, le recours accru à la télémédecine, les modifications des pratiques médicales, et la réponse des femmes face à ces changements, offrent une occasion unique d’apprendre et d’améliorer la prise en charge de l’IVG pour les années à venir.
En Conclusion
La crise sanitaire a mis en lumière la complexité des enjeux entourant l’accès à l’IVG en période de crise. Elle a également souligné la nécessité d’adapter les politiques de santé publique pour garantir l’accès aux soins essentiels, y compris l’IVG, en toutes circonstances. La pandémie offre une leçon précieuse sur la nécessité de renforcer la résilience des systèmes de santé pour faire face aux crises futures, tout en garantissant la continuité des services de santé reproductive.
Pour résumé :
- La pandémie de COVID-19 a entraîné une baisse significative des taux de recours à l’IVG en 2020, particulièrement observable au deuxième trimestre, période correspondant au premier confinement strict en France.
- Une transition vers la méthode médicamenteuse d’IVG en médecine de ville a été observée, probablement en réponse à la saturation des hôpitaux et aux directives visant à délester les services hospitaliers durant la crise sanitaire.
- Malgré la pandémie, le taux d’IVG tardives a diminué, suggérant une continuité dans la prise en charge des IVG, même dans un contexte de crise sanitaire.
Sources : B. Matulonga Diakiese, V. Féron, Interruption volontaire de grossesse et COVID-19 : ce que la pandémie a modifié en 2020, Revue d'Épidémiologie et de Santé Publique, Volume 70, Issue 6, 2022, Pages 277-285, ISSN 0398-7620, https://doi.org/10.1016/j.respe.2022.06.310.