La loi n° 2022-217 du 21 février 2022, communément appelée loi 3DS (pour différenciation, décentralisation, déconcentration, et simplification), introduit des changements substantiels dans la gestion des adresses par les communes françaises. L’article 169 de cette loi, renforcé par le décret d’application du 11 août 2023, confère aux communes une compétence pleine et entière en matière de dénomination des voies et de numérotation des habitations. Cette réforme, longtemps réclamée par les associations d’élus et d’agents territoriaux tels que l’AMF ou France urbaine, vise à clarifier et renforcer le rôle des communes dans la gestion des adresses.
Autonomie renforcée pour toutes les communes
Jusqu’à la promulgation de cette loi, une distinction était opérée selon la taille des communes. Les communes de moins de 2000 habitants n’étaient pas tenues de transmettre la liste de leurs voies aux centres des impôts fonciers ou aux bureaux du cadastre. Désormais, toutes les communes, quel que soit leur nombre d’habitants, sont reconnues comme autorité compétente sur l’adresse. Elles doivent délibérer sur les noms des voies publiques et privées ouvertes à la circulation, ainsi que sur les lieux-dits. Ce changement est crucial car il permet même aux petites communes, souvent dépourvues de systèmes d’adressage formalisés, de structurer et de diffuser leurs adresses officielles.
Définition élargie et précisée de l’adresse
L’article 169 élargit également la définition de ce qui doit être considéré comme une adresse. Les communes doivent désormais inclure dans leur champ de compétence les voies privées ouvertes à la circulation et les lieux-dits, et non seulement les voies publiques. Cela signifie que les voies privées accessibles, même si elles ne sont pas fermées par un portail, doivent être clairement identifiées et numérotées. Cette mesure vise à améliorer la précision des adresses pour les besoins des secours, des services de livraison et d’autres services essentiels.
Simplification du partage de données : le principe ‘Dites-le nous une fois’
Une des innovations les plus notables de la loi 3DS est l’application du principe de ‘Dites-le nous une fois’ à la gestion des adresses. Selon ce principe, une fois qu’une commune met à disposition ses données d’adressage sur le site internet adresse.data.gouv.fr, ces informations doivent être utilisées par tous les services de l’État et organismes publics, sans que la commune ait à les soumettre à nouveau. Ce dispositif vise à éviter la redondance des demandes de données aux communes et à simplifier les démarches administratives tant pour les administrations que pour les citoyens.
Allègement des charges pour les communes
Enfin, un aspect moins discuté mais tout aussi important de la réforme est la modification de la gestion des plaques de numérotation des voies. L’article 169 stipule que la pose de la première plaque de numéro sera désormais à la discrétion de la commune et non plus systématiquement à sa charge. Cela permet aux communes de mieux gérer leur budget dédié à l’adressage, en optant pour des solutions plus économiques si nécessaire.
Vers une meilleure gestion des adresses
En consolidant le rôle des communes dans la gestion des adresses, la loi 3DS contribue à une meilleure organisation territoriale et à l’amélioration des services offerts aux citoyens. Elle simplifie les échanges de données entre les communes et l’État et assure une plus grande précision dans le suivi des adresses sur tout le territoire. Cette réforme est un pas significatif vers une république numérique plus efficace et plus intégrée, où chaque commune, petite ou grande, a les outils pour gérer ses adresses de manière autonome et efficace.
Impact potentiel sur les services d’urgence et la livraison
L’un des bénéfices immédiats de cette réforme est l’amélioration de la précision des adresses pour les services d’urgence et de livraison. Avec une base de données locale mise à jour et précise, les interventions en cas d’urgence peuvent être plus rapides et plus ciblées, réduisant ainsi les délais d’intervention qui peuvent être cruciaux en situation de crise. De même, pour les services de livraison, l’accès à des adresses détaillées et correctement numérotées peut simplifier les processus de livraison et augmenter l’efficacité, réduisant ainsi les coûts et améliorant l’expérience client.
Défis et opportunités pour les petites communes
Cependant, cette réforme représente également des défis, notamment pour les petites communes qui ne disposaient pas auparavant d’un système d’adressage structuré. L’obligation de délibérer sur l’adressage nécessite des ressources administratives et techniques que toutes les communes n’ont pas forcément. Pour répondre à ces défis, des outils comme l’éditeur en ligne “Mes Adresses” et des guides disponibles gratuitement sont mis à disposition par l’État. Ces ressources permettent aux communes de construire et de gérer leurs bases d’adresses locales de manière autonome et conforme aux nouvelles réglementations.
Rôle des acteurs nationaux et locaux
Des acteurs tels que l’IGN (Institut National de l’Information Géographique et Forestière), l’ANCT (Agence Nationale de la Cohésion des Territoires) et la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique) jouent un rôle clé dans l’accompagnement des communes dans cette transition. Ces organismes fournissent un soutien technique et des formations pour aider les communes à mettre en œuvre efficacement les exigences de la loi 3DS. Leur accompagnement est essentiel pour assurer que les communes de toutes tailles, y compris les plus isolées, puissent tirer parti des avantages de cette réforme.
Vers une souveraineté numérique accrue
En mettant les données d’adressage à disposition en open data, la loi 3DS favorise également une plus grande transparence et ouvre la voie à des innovations dans des secteurs variés, allant des technologies de l’information à l’urbanisme. La disponibilité des données permet aux développeurs, aux chercheurs et aux entreprises de créer des applications et des services qui peuvent enrichir la vie des citoyens et améliorer la gestion des territoires.
Un Changement d’Adresse pour 1,8 Million de Français
Ce n’est pas moins de 1,8 million de Français qui verront leur adresse modifiée à la suite de l’application de la loi 3DS, que cette évolution soit souhaitée ou non. L’objectif de ce vaste changement d’adressage est clair : faciliter l’accès aux habitations pour les secours, les techniciens de différents réseaux ainsi que les livreurs de colis. Dans ce cadre, la loi stipule que le choix des noms des nouvelles rues et autres voies doit être effectué lors des réunions du conseil municipal, garantissant ainsi que les décisions soient prises de manière démocratique et transparente.
Les maires des communes concernées jouent un rôle crucial dans l’organisation et la mise en œuvre de ces changements. Pour les accompagner dans ce processus, ils peuvent compter sur le soutien de La Poste, qui met à disposition son expertise et ses ressources. En effet, La Poste détient un répertoire exhaustif de tous les noms de voies déjà existants, permettant ainsi d’éviter les doublons et de simplifier le processus de nomination des nouvelles adresses. Ce partenariat est essentiel pour assurer une transition harmonieuse et efficace vers un système d’adressage amélioré, renforçant ainsi la capacité des services essentiels à répondre plus efficacement en cas de besoin.
La loi 3DS marque une étape importante dans la modernisation de la gestion publique et la démocratisation de l’accès aux données. En donnant aux communes le plein contrôle de leurs adresses et en simplifiant le partage de ces informations, la France se dote d’un outil puissant pour son développement numérique et territorial. Cette réforme, bien que présentant certains défis, offre de multiples opportunités pour améliorer les services publics et stimuler l’innovation à l’échelle locale. Elle est un exemple éloquent de la manière dont la législation peut être utilisée pour promouvoir une gestion plus efficace et plus équitable des ressources et des services dans l’ère numérique.