La pollution sonore d’origine humaine dans les océans met en péril les baleines et les dauphins. Des explosions sonores puissantes, souvent liées aux activités de prospection, effraient ces animaux, perturbant leur comportement et leur santé. Cette menace, qui s’ajoute aux nombreux défis qu’ils rencontrent déjà, suscite une préoccupation croissante chez les chercheurs.
Des plongées désespérées pour échapper au bruit
Une récente étude publiée dans le journal Functional Ecology a mis en lumière les conséquences immédiates du bruit intense sur les narvals. Ces cétacés, lorsqu’ils sont exposés aux détonations des canons à air comprimé utilisés dans l’exploration pétrolière, plongent brusquement pour échapper au son. Ces plongées sont exceptionnellement profondes et consomment énormément d’énergie, mettant en péril leur santé.
Le professeur Terrie Williams, auteur principal de l’étude, explique : « Ces narvals nagent aussi rapidement qu’ils le peuvent pour fuir, mais leur rythme cardiaque ne suit pas. Cela semble être une réaction de peur, affectant la circulation sanguine et l’oxygénation, ce qui a des conséquences graves sur leur physiologie. »
L’importance vitale du son pour les cétacés
Les baleines et les dauphins utilisent le son de manière essentielle pour communiquer, naviguer et chasser. Dans l’obscurité des profondeurs marines, où la lumière ne pénètre presque pas, le son devient leur principal outil de perception. Les cétacés ont développé au fil des millions d’années des systèmes d’écholocation extrêmement sophistiqués. Par exemple, les chants des baleines à bosse peuvent parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres.
Cependant, les bruits d’origine humaine, souvent chroniques et extrêmement forts, perturbent cet équilibre. Un supertanker peut produire des sons atteignant 200 décibels pendant plus d’une heure, tandis que les canons sismiques atteignent jusqu’à 250 décibels. Ces niveaux sonores dépassent de loin la tolérance naturelle des organismes marins.
Des impacts physiologiques et comportementaux graves
Les effets de la pollution sonore sur les cétacés vont bien au-delà de la simple gêne. Les recherches montrent que ces bruits perturbent leur comportement, les amenant à moins se nourrir, à communiquer plus faiblement ou à produire des signaux de stress. Les sons puissants comme ceux des sonars militaires sont associés à des échouages massifs et à des accidents de décompression, provoqués par des remontées trop rapides à la surface.
Les résultats de l’étude sur les narvals révèlent que, immédiatement après une exposition sonore intense, leur rythme cardiaque chute à moins de 10 battements par minute, malgré une activité physique accrue. Cette incohérence entre l’effort fourni et la réponse physiologique normale met les narvals dans une situation critique, augmentant leur dépense énergétique de manière drastique.
Une menace croissante pour les écosystèmes marins
Richard Sabin, conservateur principal des mammifères au Musée d’histoire naturelle de Londres, alerte sur l’ampleur du problème : « La pollution sonore est omniprésente, mais souvent invisible pour nous. Elle affecte non seulement les cétacés, mais aussi une multitude d’autres espèces marines. »
Les vibrations des canons sismiques peuvent, par exemple, tuer le zooplancton dans un rayon d’un kilomètre, perturbant ainsi toute la chaîne alimentaire. À plus long terme, la pollution sonore contribue à des effets physiologiques tels que l’arrêt de la croissance, la baisse de la fertilité et un affaiblissement du système immunitaire.
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Vers une réglementation nécessaire
Alors que la menace de l’exploitation minière en eaux profondes se profile, les scientifiques craignent une intensification des nuisances sonores dans les océans. Les bruits générés par ces activités pourraient atteindre 120 décibels sur un rayon de six kilomètres, impactant des espèces sensibles comme les baleines à bec.
Bien que certains pays aient mis en place des lois limitant la pollution sonore marine, et que certaines entreprises développent des technologies pour réduire le bruit, les efforts restent très largement insuffisants. À ce jour, les initiatives internationales manquent de coordination et de caractère contraignant.
Un appel à une action urgente
Pour préserver les océans, les experts appellent à intégrer la lutte contre la pollution sonore dans les priorités environnementales globales, au même titre que le changement climatique. Comme le souligne Richard Sabin, « Nous devons mieux comprendre les effets de ces bruits, identifier les espèces les plus touchées et travailler sur des solutions pour limiter ces impacts. »
La science continue d’éclairer les effets destructeurs de la pollution sonore sur les cétacés et d’autres espèces marines. Les données s’accumulent, renforçant l’urgence d’agir pour protéger ces écosystèmes essentiels à la vie sur Terre.
Source de l’étude : https://www.nhm.ac.uk/discover/news/2022/july/underwater-noise-pollution-risking-lives-whales-dolphins.html