Les matériaux de construction tels que le béton et les plastiques pourraient jouer un rôle clé dans la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2). Une étude récente, menée par des ingénieurs civils et des experts en systèmes terrestres des universités de Californie (UC Davis) et Stanford, montre que ces matériaux pourraient emprisonner des milliards de tonnes de CO2. Publiée le 10 janvier dans Science, cette recherche explore comment cette approche, combinée à des mesures pour décarboner l’économie, pourrait contribuer à atteindre les objectifs climatiques mondiaux.
Des matériaux du quotidien pour emprisonner le carbone
La séquestration du carbone consiste à capturer le CO2, qu’il soit directement issu des activités humaines ou prélevé dans l’atmosphère, puis à le transformer en une forme stable, isolée de l’atmosphère. Si des solutions comme l’injection sous-terraine ou le stockage dans les océans ont été proposées, elles restent complexes et comportent des risques environnementaux.
« Et si, au lieu de cela, nous utilisions des matériaux déjà produits en grande quantité pour stocker le carbone ? » s’interroge Elisabeth Van Roijen, autrice principale de l’étude.
Avec ses collègues Sabbie Miller (UC Davis) et Steve Davis (Stanford), Van Roijen a évalué le potentiel de stockage du carbone dans des matériaux de construction courants : béton, asphalte, plastiques, bois et briques. Plus de 30 milliards de tonnes de ces matériaux sont fabriquées chaque année dans le monde.
Le béton : un levier majeur
Le béton, en particulier, offre un potentiel de stockage significatif. Les chercheurs ont examiné des techniques comme l’intégration de biochar (issu de la biomasse chauffée) dans le béton, l’utilisation de granulats artificiels chargés en carbone pour les pavages, ou encore le remplacement des liants asphaltiques et plastiques fossiles par des alternatives bio-sourcées.
Le résultat est sans appel : le béton, matériau le plus utilisé au monde avec plus de 20 milliards de tonnes produites par an, pourrait absorber une quantité substantielle de carbone. Les calculs montrent que si seulement 10 % de la production mondiale de granulats destinés au béton devenaient capables de stocker du CO2, cela permettrait de capturer un gigatonne de dioxyde de carbone.
Des technologies en attente d’adoption
Certaines des technologies évoquées sont déjà prêtes à être utilisées, tandis que d’autres nécessitent encore des recherches pour valider leurs performances et leur impact net sur le stockage du carbone. Par exemple, les plastiques bio-sourcés présentent le plus grand potentiel de capture de carbone par unité de poids, mais leur mise en œuvre à grande échelle reste limitée.
Pour Van Roijen, les matières premières nécessaires à ces nouvelles approches proviennent principalement de déchets à faible valeur ajoutée, tels que la biomasse. Leur valorisation pourrait stimuler l’économie et promouvoir un modèle circulaire. Cependant, il reste essentiel de vérifier les performances des matériaux et de s’assurer que les méthodes de fabrication n’annulent pas les bénéfices environnementaux.
Une opportunité pour la décarbonation
Selon Sabbie Miller, ces technologies représentent une opportunité immédiate pour réduire les émissions. « Beaucoup de ces approches attendent simplement d’être adoptées », souligne-t-elle. L’intégration du carbone dans les bâtiments permettrait de transformer le secteur de la construction en un allié dans la lutte contre le changement climatique.
Elisabeth Van Roijen, aujourd’hui chercheuse au Laboratoire national des énergies renouvelables du Département de l’Énergie des États-Unis, insiste sur l’urgence de ces solutions. « Le potentiel est considérable », conclut-elle, rappelant que la transition vers ces matériaux innovants peut également apporter des bénéfices économiques et environnementaux.
Des bâtiments au cœur de la transition écologique
Alors que la course mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre s’intensifie, intégrer le stockage du carbone dans les matériaux de construction représente une piste prometteuse. En misant sur des solutions déjà en développement, cette stratégie pourrait non seulement réduire la pollution, mais également transformer un secteur clé en acteur central de la transition écologique.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1126/science.adq8594