Quand on parle de magnétisme, on pense souvent à un aimant collé sur la porte du frigo. Mais imaginez un peu un état magnétique qui se modifie à la demande, avec une précision nanométrique, sans émettre de chaleur, et capable d’imiter les synapses du cerveau. C’est exactement ce que vient de démontrer une équipe de chercheurs de l’Universitat Autònoma de Barcelona (UAB) avec leur nouvelle découverte : le “vortion”, ou vortex magéto-ionique.
Jusqu’à présent, modifier l’aimantation d’un matériau à l’échelle nanométrique était une entreprise périlleuse. L’astuce de cette équipe ? Utiliser un champ électrique pour extraire des ions azote, transformant ainsi un matériau initialement non magnétique en un état magnétique entièrement reconfigurable.
Des vortex magnétiques à la carte
Les vortex magnétiques, ces petites structures en spirale qui apparaissent à l’échelle sub-micrométrique, sont déjà bien connues en physique. Mais les contrôler de manière précise et réversible ? C’était jusqu’ici hors de portée.
Avec le “vortion”, on dépasse cette limite. En appliquant un champ électrique, les chercheurs peuvent créer, modifier et supprimer ces vortex dans des nanodots (des structures à l’échelle du nanomètre). Ce qui est encore plus fascinant, c’est que cette manipulation se fait avec une consommation d’énergie réduite au minimum, contrairement aux méthodes traditionnelles utilisant des courants électriques, qui gaspillent de l’énergie sous forme de chaleur.
Vers des ordinateurs inspirés du cerveau
Là où l’affaire devient encore plus intéressante, c’est que cette technologie ouvre la voie à des dispositifs neuromorphiques, c’est-à-dire des circuits électroniques inspirés du fonctionnement du cerveau humain.
Dans notre cerveau, les connexions entre neurones, appelées synapses, ne sont pas statiques : elles se renforcent ou s’affaiblissent en fonction de l’activité. Le “vortion” pourrait jouer ce rôle dans des circuits informatiques en ajustant dynamiquement ses propriétés magnétiques. Ce serait une avancée majeure pour la spintronique et l’intelligence artificielle matérielle.
Une alternative aux méthodes énergivores
Aujourd’hui, les data centers engloutissent une quantité phénoménale d’énergie pour traiter et stocker des informations. Les solutions classiques utilisent des courants électriques pour changer l’état des bits magnétiques, ce qui entraîne un dégagement thermique important.
Avec le “vortion”, le passage d’un état à un autre se fait par l’application d’une tension électrique et non par un courant, évitant ainsi ces pertes thermiques. Moins d’énergie, moins de chaleur, plus d’efficacité.
Un futur rempli de possibilités
Outre le stockage et le traitement de l’information, les “vortions” pourraient être exploités pour d’autres applications innovantes :
- Spintronique et calcul analogique, en proposant des composants plus flexibles et adaptatifs.
- Thérapies médicales, comme la manipulation magnétique de nanoparticules pour cibler des cellules cancéreuses.
- Systèmes de sécurité, en créant des dispositifs dont les propriétés peuvent être reconfigurées à la demande.
- Magnonics, un domaine où les ondes de spin remplaceraient les électrons pour le transport d’information.
L’équipe de l’UAB, dirigée par Jordi Sort et comprenant Irena Spasojević, Aleix Barrera, Anna Palau, ainsi que des chercheurs d’institutions en Italie et aux États-Unis, a publié ces résultats dans la revue Nature Communications. Ce projet bénéficie d’un soutien du Conseil européen de la recherche.
Résumé
- Une équipe de chercheurs de l’UAB a mis au point un nouvel état magnétique, le “vortion”.
- Ce phénomène repose sur l’extraction d’ions azote par un champ électrique, sans courant.
- Il permet de créer, modifier et supprimer des vortex magnétiques à la demande.
- Cette avancée réduit drastiquement la consommation d’énergie des dispositifs.
- Le “vortion” pourrait servir de synapse artificielle pour des ordinateurs neuromorphiques.
- Il ouvre des perspectives dans des domaines tels que la spintronique, la médecine et la sécurité des données.
- Les résultats ont été publiés dans Nature Communications, avec le soutien du Conseil européen de la recherche.
Source de l’étude : http://dx.doi.org/10.1038/s41467-025-57321-8