Des chercheurs de l’université Heriot-Watt à Édimbourg viennent de franchir une étape déterminante dans le domaine de la photonique. Pour la première fois, le comportement de la lumière a été modifié dans le temps, ajoutant à ses propriétés une dimension supplémentaire, jusqu’ici purement théorique.
Ce progrès s’appuie sur l’utilisation de matériaux bien connus mais rarement exploités à ce niveau : les transparent conducting oxides, ou TCO. Ces matériaux, déjà utilisés dans les écrans tactiles ou les panneaux solaires, deviennent ici le terrain d’une nouvelle physique.
Des matériaux ultra-minces qui réagissent à la vitesse de la lumière
Les TCO sont des couches de verre conductrices d’électricité, mesurant seulement 250 nanomètres d’épaisseur. Autrement dit, elles sont plus fines que la longueur d’onde de la lumière visible.
Le cœur de l’expérience repose sur un phénomène optique non linéaire : en irradiant ces films avec des impulsions lumineuses ultra-rapides, les chercheurs sont parvenus à modifier temporairement la manière dont la lumière interagit avec le matériau. Cette modification se produit à des échelles de temps extrêmement courtes, de l’ordre de la femtoseconde (10⁻¹⁵ seconde).
En créant cette « couche temporaire », le matériau agit comme un milieu programmable. Il ne se contente plus de laisser passer la lumière ou de la réfléchir : il contrôle son énergie et sa direction en temps réel.
Une révolution pour l’intelligence artificielle et l’informatique optique
Jusqu’à présent, la manipulation de la lumière se faisait principalement dans l’espace : en modifiant sa trajectoire, sa polarisation ou son spectre. L’introduction de la variable temporelle dans les propriétés optiques constitue un changement de paradigme.
Cela ouvre la voie à des composants photoniques capables de traiter l’information uniquement avec la lumière, sans passer par des signaux électroniques, lents et énergivores.
En pratique, cela signifie que des centres de données pourraient multiplier leur capacité de calcul par plusieurs ordres de grandeur, tout en consommant moins d’énergie. Cela permettrait notamment de répondre à la demande exponentielle de bande passante pour les technologies immersives, comme la visioconférence 3D ou les métavers.
Une équipe internationale et des résultats publiés
Cette avancée est le fruit d’une collaboration transatlantique entre Heriot-Watt University et Purdue University, aux États-Unis. Le professeur Marcello Ferrera et son équipe, dont le post-doctorant Wallace Jaffray et le doctorant Sven Stengel, ont conduit les expériences à Édimbourg, tandis que les professeurs Vladimir Shalaev et Alexandra Boltasseva ont apporté leur expertise en nano-optiques à Purdue.
Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Photonics, référence mondiale dans le domaine.
Le matériau rêvé des opticiens : une réponse rapide et énergétique minimale
Ce que les chercheurs ont réussi à démontrer, c’est qu’il est possible de modifier les propriétés optiques d’un matériau de manière ultra-rapide, avec très peu d’énergie. Jusqu’ici, les matériaux utilisés pour l’optique non linéaire exigeaient des intensités lumineuses élevées ou des dispositifs encombrants. Avec les TCO, il devient possible d’obtenir ces effets sur puce, à l’échelle nanométrique.
C’est cette combinaison – rapidité, faible consommation, compatibilité avec l’intégration – qui enthousiasme la communauté scientifique.
Vers des ordinateurs optiques inspirés du cerveau
L’un des objectifs majeurs de la recherche actuelle en photonique est de concevoir des systèmes qui imitent le fonctionnement du cerveau humain, en utilisant la lumière au lieu de l’électricité pour transmettre et traiter l’information.
Les matériaux temporellement modulables comme les TCO offrent ici une voie prometteuse. Ils permettent non seulement des calculs parallèles très rapides, mais aussi une réduction drastique de la consommation énergétique des unités de calcul.
Il ne s’agit plus simplement d’augmenter la vitesse de traitement : c’est tout le modèle informatique qui peut être repensé.
Une nouvelle ère dans l’optique non linéaire
La découverte de Heriot-Watt ne consiste pas à miniaturiser une technologie existante, mais à en introduire une totalement nouvelle. En modifiant un matériau à l’échelle du temps, les chercheurs ont mis au point un milieu dynamique, capable de transformer un faisceau lumineux en action.
Parmi les effets observés : amplification des photons, génération d’états quantiques, et manipulation directe de la vitesse de propagation de la lumière.
Selon le professeur Ferrera, cette classe de matériaux marque le tournant le plus important dans les technologies optiques depuis l’invention du laser.
Une technologie en avance sur les usages
Il est probable que les applications concrètes de cette découverte ne soient pas encore totalement imaginables. Comme souvent dans l’histoire des sciences, une innovation de rupture précède l’usage qu’on en fera.
Cependant, certains secteurs sont déjà en ligne de mire : les technologies quantiques, l’intelligence artificielle, la réalité augmentée, les télécommunications, ou encore les capteurs optiques ultra-rapides.
L’enjeu n’est plus seulement de faire transiter des données, mais de leur permettre d’interagir entre elles à la vitesse de la lumière, avec une précision jamais atteinte.
Source de cet article : http://dx.doi.org/10.1038/s41566-025-01640-1
Description de la photo : L-R: Dr Wallace Jaffray, a post-doctoral research associate, Dr Marcello Ferrera, associate professor of nano-photonics, and Sven Stengel, PhD candidate.
Credit photo : Heriot-Watt University
J’aimerais savoir ce qui modifie les données temporelles de façon plus précise.. Car soit on suit la flèche temps, soit le temps s’arrête à l’endroit de l’expérience, soit on remonte en sens inverse.. Alors,..?
Bonjour Votre question est pertinente :
Je peux vous inviter pour en savoir plus à consulter la publication de l’équipe de recherche constituée par Wallace Jaffray, Sven Stengel, Fabio Biancalana, Colton Bradley Fruhling, Mustafa Ozlu, Michael Scalora, Alexandra Boltasseva, Vladimir M. Shalaev & Marcello Ferrera
Voici le lien vers la publication : https://doi.org/10.1038/s41566-025-01640-1
Si ce sujet vous intéresse, je peux tenter de creuser un peu plus l’article avec un version améliorée dans les jours à venir.
Merci pour votre fidélité
La lumière reste encore très mal connue dans ses propriétés. L’electrodynamique quantique suggère, par exemple, que les photons émis simultanément (dans un espace de temps de Planck) pourraient s’associer en un photon vectoriel pointant une direction commune à ses constituants lui conférant la propriété d’apparaître comme l’onde de crête dans les interprétations ondulatoire de la lumière qui bien que n’étant que granulaire peut être comprise abusivement comme étant également ondulatoire.