Kazakhstan s’apprête à choisir le fournisseur de sa toute première centrale nucléaire.
Ils sont quatre sur la ligne de départ : France, Russie, Corée du Sud et Chine.
Le Kazakhstan, premier producteur mondial d’uranium, veut désormais produire sa propre électricité nucléaire.
Une commission nationale tranchera avant la fin novembre, en s’appuyant sur des critères techniques, économiques et géopolitiques.
Un tournant stratégique pour un pays aux ressources abondantes mais sans centrale nucléaire commerciale.
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Quatre géants du nucléaire en compétition pour UN contrat
Le Kazakhstan a présélectionné quatre entreprises pour construire sa première centrale nucléaire. Il s’agit de :
- Rosatom (Russie), avec son réacteur VVER-1200,
- KHNP (Corée du Sud), qui propose ses modèles APR-1000 ou APR-1400,
- EDF (France), avec l’EPR1200,
- CNNC (Chine), qui mise sur son Hualong One (HPR-1000).
Les négociations se sont tenues entre février et mars 2025 avec chacune des entreprises. Le gouvernement a annoncé la mise en place d’une commission interdisciplinaire chargée d’examiner les offres, avec une décision attendue avant fin novembre.
Un choix qui engage tout un pays
Selon l’Agence kazakhe de l’énergie atomique, le choix final tiendra compte des intérêts nationaux, ce qui inclut :
- La formation de personnel local,
- Le transfert technologique,
- La capacité d’implantation industrielle sur place,
- Et bien sûr, les solutions de financement proposées.
Le projet ne se limite pas à un simple réacteur et s’accompagnera de la création d’une réserve stratégique d’uranium, garantissant l’autonomie énergétique du site pour les années à venir.
Une puissance nucléaire sans centrale
C’est là toute la singularité kazakhe : le pays fournit 40 % de l’uranium mondial, mais ne possède aucune centrale nucléaire commerciale. Il n’exploite que quatre réacteurs de recherche, utilisés pour des tests de combustibles et de matériaux.
L’objectif affiché par les autorités est clair : utiliser cette ressource colossale pour assurer une production d’énergie domestique stable, propre et indépendante. Avec une demande énergétique en hausse constante, la centrale servira de pilier à la sécurité énergétique nationale.
Un site déjà choisi sur un village jusqu’ici inutile
Le lieu a été désigné par décret gouvernemental : ce sera dans le district de Zhambyl, dans le sud du pays. Plus précisément, près du village d’Ulken, à environ 350 km au nord-ouest d’Almaty, sur les rives du lac Balkhach.
Ce village, né dans les années 1980 pour un projet hydroélectrique soviétique inachevé, pourrait enfin devenir un centre énergétique majeur. Il dispose déjà d’infrastructures partiellement bâties, notamment des immeubles laissés en suspens depuis l’ère soviétique.
La localisation reste sensible : proximité de l’eau, sécurité géologique, éloignement des grandes villes, tout a été pesé. Mais le choix d’Ulken semble faire consensus.
Un soutien populaire validé par référendum
En octobre 2024, le peuple kazakh s’est prononcé par référendum en faveur de la construction de cette centrale. Une initiative rare dans le domaine du nucléaire, souvent perçu comme technocratique.
Ce vote donne une légitimité politique forte au projet, qui pourrait devenir le symbole d’une modernisation énergétique nationale, tout en offrant une vitrine internationale au pays.
Combien coûte une centrale nucléaire ?
Le coût de construction d’une centrale nucléaire varie fortement selon la taille, la technologie et les conditions de chantier, mais il est généralement très élevé. En France, le coût total estimé pour la construction de six réacteurs EPR2 s’élève à environ 51,7 milliards d’euros, incluant le démantèlement futur et les imprévus. Pour un seul réacteur, les coûts peuvent dépasser 8 milliards d’euros, comme le montre le projet EPR de Flamanville dont le coût a atteint plus de 20 milliards d’euros pour l’ensemble du site. En moyenne, le coût d’investissement initial représente la majeure partie des dépenses, souvent entre 5 et 11 milliards d’euros par gigawatt installé.
Entre alliances géopolitiques et exigences techniques
Le choix du fournisseur ne sera pas uniquement technique. Chaque candidat apporte un bagage diplomatique et stratégique :
- Rosatom peut compter sur des liens historiques et militaires avec le Kazakhstan, ainsi qu’une expérience dans des pays voisins.
- KHNP propose une technologie éprouvée, déjà adoptée par les Émirats arabes unis.
- EDF mise sur la fiabilité européenne et sur une approche « sécuritaire ».
- CNNC avance une offre compétitive, rapide à construire, et en phase avec les standards internationaux.
Le Kazakhstan devra trancher entre indépendance stratégique, fiabilité technologique, coût global, et retour industriel local.
Image : Bayterek à Astana, Kazakhstan