Aujourd’hui, le défi majeur pour la transition énergétique réside dans le stockage de l’énergie produite par des sources renouvelables, comme l’éolien ou le solaire. Ces énergies sont intermittentes : elles ne produisent de l’électricité que lorsqu’il y a du vent ou du soleil. Comment alors assurer une alimentation électrique continue ? La réponse tient en grande partie dans le développement de méthodes de stockage efficaces, capables de redistribuer l’énergie accumulée lors des périodes creuses.
Parmi ces méthodes, une technologie retient particulièrement l’attention : le stockage d’énergie par air comprimé, ou CAES (« Compressed-Air Energy Storage »).
Stocker de l’énergie avec de l’air comprimé, comment ça marche ?
Le CAES consiste à comprimer de l’air ambiant à l’aide d’électricité, puis à stocker cet air sous pression dans des réservoirs souterrains. Lorsque le réseau électrique a besoin de davantage d’énergie, cet air comprimé est relâché, il se détend brutalement et actionne des turbines pour produire de l’électricité. Le principe ressemble un peu à un ballon que vous gonfleriez et dont l’air s’échapperait soudainement en actionnant une hélice.
Cependant, il y a une difficulté technique importante : quand on comprime l’air, il s’échauffe, et une partie de cette chaleur peut être perdue si elle n’est pas correctement récupérée. C’est précisément sur cet aspect que les scientifiques de l’Université de Penn State ont apporté une avancée significative.
Réutiliser les anciens puits pétroliers pour améliorer le rendement
Aux États-Unis, l’Agence de Protection Environnementale estime qu’il existe environ 3,9 millions de puits de pétrole et de gaz abandonnés. Les chercheurs de Penn State ont proposé une idée originale et écologique : transformer ces puits désaffectés en réservoirs géothermiques pour améliorer l’efficacité du stockage par air comprimé.
Le concept est simple mais astucieux. Les profondeurs souterraines contiennent des roches chaudes, riches en chaleur géothermique naturelle. En injectant l’air comprimé dans ces anciens puits pétroliers, on profite de cette chaleur pour augmenter sa température. Or, l’air chaud peut être stocké à une pression plus élevée, donc accumuler davantage d’énergie.
Les simulations numériques réalisées par l’équipe de recherche ont montré qu’en réutilisant ces puits, on peut améliorer l’efficacité énergétique du système CAES de 9,5 % par rapport aux technologies actuelles. Ce gain peut sembler faible au premier abord, mais il est suffisant pour changer totalement la rentabilité économique du projet.
Éviter les coûts et les impacts environnementaux supplémentaires
Créer de nouveaux puits pour le stockage énergétique représente des investissements importants. C’est pourquoi l’utilisation de puits déjà existants constitue une alternative économique attractive. « En réutilisant les puits abandonnés, nous évitons les coûts initiaux importants liés au forage », précise Arash Dahi Taleghani, professeur à Penn State, à l’origine de l’étude.
Mais l’intérêt ne se limite pas aux économies financières. Aux États-Unis, des centaines de milliers de puits abandonnés libèrent du méthane, un puissant gaz à effet de serre. En les réutilisant comme réservoirs d’air comprimé, on obtient un double bénéfice environnemental : limiter les émissions de méthane tout en évitant de nouveaux forages.
Soutenir les réseaux électriques de demain
La possibilité de stocker efficacement l’énergie produite par les énergies renouvelables est déterminante pour réussir la transition énergétique. Sans solution efficace pour stocker l’électricité excédentaire, les réseaux électriques risquent l’instabilité.
Taleghani rappelle d’ailleurs que « parfois, quand nous avons besoin d’énergie, le soleil ne brille pas, ou le vent ne souffle pas. C’est une grande barrière à l’expansion des énergies renouvelables ». Ainsi, le stockage d’énergie par air comprimé, amélioré par l’apport de chaleur géothermique, devient une réponse sérieuse à ce problème.
Un impact positif pour les communautés locales
Le projet comporte aussi un avantage social : la revitalisation économique des régions historiquement liées aux industries pétrolières et gazières. Dans des états comme la Pennsylvanie, marqués par l’abandon progressif des activités pétrolières, cette technologie permettrait de maintenir l’emploi local tout en inscrivant ces territoires dans une dynamique énergétique durable.
En réutilisant les infrastructures existantes, ces communautés pourraient donc participer activement au virage énergétique mondial, au lieu de subir passivement la fin des activités pétrolières.
Une technologie en plein essor scientifique
Cette étude, menée au sein du Centre de reconversion pour la transition énergétique (ReCET) de Penn State, bénéficie du soutien du département américain de l’Énergie. Les scientifiques y développent activement de nouvelles approches pour convertir les infrastructures fossiles en dispositifs de transition énergétique.
Cette avancée démontre bien que le futur de l’énergie durable ne dépend pas uniquement des innovations radicales, mais aussi de la réutilisation intelligente des ressources dont nous disposons déjà.
Le stockage d’énergie par air comprimé, couplé à l’énergie géothermique des anciens puits, ouvre une voie réaliste, économique et écologique pour accompagner le développement massif des énergies renouvelables.
Une solution simple, mais qui pourrait bien tout changer.
Source de l’article : http://dx.doi.org/10.1016/j.est.2025.115317